Jean Louis est mort, il s’est suicidé le jour où il devait reprendre son travail...

samedi 28 août 2010.
 

Jean Louis était agent d’un grand service public, ouvrier de catégorie C. Il avait 44 ans et était responsable du courrier en interne, des navettes, du suivi de l’entretien des voitures, de la reprographie et du suivi du stock du magasin de fournitures. Toujours serviable, il aidait tout le monde et était apprécié de ses collègues.

L’administration pour laquelle il travaillait a, comme les services publics de santé, de la culture ou de l’éducation, été récemment réformée dans le cadre de la Révision Générale des Politiques Publiques. Plusieurs services ont été fusionnés, des contrats de droit privé ont été massivement signés. Dans le cas de Jean Louis, ce sont trois administrations qui se sont retrouvées superposées. De plus, les contre-réformes du gouvernement ont introduit de nouvelles méthodes manageriales, portées par des chefs de services, déconnectés de la réalité, habitués au chiffres et à la politique du quotas, passés par le privé ou formés dans les écoles du pouvoir.

Jean Louis a été affecté dans la nouvelle administration en janvier 2010. De nouveaux locaux ont été assignés à l’administration fusionnée. En préparation du déménagement, Jean Louis travaille pendant des semaines (destruction de dossiers, préparation des cartons, déchetterie, tri, …) sans compter ses heures, et souvent, il travaille une grande partie de la nuit prolongeant parfois son service jusqu’à 6 heures du matin. Les relations avec son ministère d’accueil sont mauvaises, la directrice de l’administration réformée, ne propose rien de concret à Jean-Louis qui devait intégrer les nouveaux locaux à compter du 01 juillet 2010. Sa nouvelle directrice, sans doute adepte du "New public managment", n’avait aucun respect pour Jean-Louis, lui adressant la parole que de façon méprisable comme l’affirment certains de ses collègues. Le poste qu’elle propose à Jean Louis dans cette nouvelle administration n’a rien à voir avec la formation que cet ouvrier avait acquis au cours de sa carrière. Il est prévu que Jean-Louis assure une permanence à l’accueil des usagers, une demi- journée par semaine alors qu’il ne souhaitait absolument pas assurer cette mission et qu’il s’en était expliqué. Il avait même trouvé dans la charte de fonctionnement de sa nouvelle affectation un poste qui lui convenait plus : « Un agent sera désigné comme référent véhicule au sein de chaque pôle » disait le règlement. Cela convenait plus à Jean Louis qui l’avait fait savoir. Le flou des textes, les interprétations abusives faites par sa supérieure on eu raison de l’optimisme de Jean Louis. Après de multiples refus concernant des demandes d’affectation au service du courrier ou des stocks, Jean Louis a jeté l’éponge lorsqu’il a été affecté dans un local minuscule qu’il devait partager avec un autre agent.

Il ne se sentait pas à l’aise dans cette nouvelle administration, ne comprenait plus ce qu’on attendait de lui et ne se repérait pas dans le dédale de services et de petits chefs que l’administration réformée lui ordonnait d’écouter. Ne sachant plus pour qui il travaillait, faisant le déménagement d’une administration puis d’une autre, devant rendre des comptes à un troisième service, il se perdait et la complexité de la fusion lui posait un problème. Jean Louis avait signalé sa situation à l’inspectrice principale de son ministère de tutelle, quel soutien lui a-t-elle apporté ? Elle n’a même pas pris soin d’enquêter. Jean Louis est parti en congés , en juillet, complètement épuisé. Après 5 semaines de congés, personne n’attendait Jean-Louis au sein de l’administration réformée, aucune fiche de poste n’était prévue, il ne savait absolument pas ce qu’il devait faire.

Jean-Louis s’est suicidé le jour où il devait reprendre son travail… ce n’est sûrement pas un hasard.

Le journal local de la région où était né Jean Louis a pudiquement parlé de son décès...rien sur ses conditions de travail, sur sa vie, comme si la vie d’un ouvrier déprimé par la marche d’un système de plus en plus impersonnel, tourné vers le fric et individualiste, ne valait rien...C’est la morale de notre époque, et je la trouve dégueulasse.


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