Il a raison Méluche... (article du site Gauche Cactus)

mardi 13 juillet 2010.
 

Vous n’avez pas pu l’ignorer : l’heure est grave. Nos retraites sont menacées, l’euro est assiégée, notre dette est immense et compromet non seulement l’avenir de nos enfants et petits enfants, mais même, rendez-vous compte, le nôtre. La faute à qui ? Aux vilains « marchés » et à l’héritage de la gauche, dit la droite. À la gestion lamentable de la droite et aux vilains marchés, dit le Parti Socialiste. Comment s’en sortir ? En se serrant la ceinture, disent les mêmes. Même les riches (juste un peu, n’exagérons rien), dit la droite. Surtout les riches, dit la gauche.

Rares sont ceux qui essaient de sortir de la dramatisation. Et parmi eux, encore plus rares sont ceux qui ont un discours argumenté, clair, fort, audible. Parmi ceux-ci, il y a Jean-Luc Mélenchon. Il n’est certes pas le seul à avoir un discours argumenté, mais il l’a. Un discours clair ? Il y en a peu, mais il en fait partie. Un discours fort ? Question de métier et de talent, et il n’en manque pas. Un discours audible ? C’est une autre histoire qui dépend des médias. Pour eux, Mélenchon est ce qu’on appelle un bon client, qui ne recule pas devant la polémique, qui ne manque ni de répartie ni d’humour. Bien sûr, ces qualités n’ont rien à voir avec la rigueur politique, mais elles sont le « plus » qui permet de se faire entendre un peu. C’est peut-être regrettable, mais il faut faire avec. C’est aussi instable : les « bons clients » des plateaux radio ou télé ne le restent pas toujours longtemps. La compression du temps si justement soulignée par Paul Virilio et quelques autres, fille de l’avidité capitaliste (Virilio devrait le dire plus fort) où le « tout tout de suite » devient un modèle de vie, s’applique aussi aux chéris des médias : durer devient difficile. Par précaution donc, nous nous proposons de donner un p’tit coup d’main à Mélenchon.

Il a raison, Méluche, quand il dénonce l’irrationalité de prévisions à 2 ou 50 ans concernant la démographie et l’emploi, comme le fait le COR pour les retraites. Il a raison de dire que les financements sociaux ne sont « en danger » que parce que les cadeaux fiscaux se sont empilés, un peu par les gouvernements « de gauche », beaucoup par ceux de droite. Il a raison de rappeler que les mesures pour ramener à raison les acrobaties spéculatives des « marchés » se sont pour l’essentiel limitées à des discours, alors que tout le monde d’un peu raisonnable connaît les causes des dérives et un certain nombre de moyens pour en éviter un bonne partie. Pour en rester aux moyens softs, la séparation des activités bancaires de dépôt et d’investissement, l’interdiction de certains marchés (produits dérivés, produits titrisés, CDS…), la taxation des profits financiers, l’interdiction des stock options, la prise en compte à barèmes au moins égaux de la fiscalisation des revenus du capital et de ceux du travail. Il a raison de rappeler que l’inflation maîtrisée est un outil efficace contre la spéculation et la rente. Il a raison de dire qu’il est nécessaire de se protéger contre les dumpings, sociaux et autres, qui alimentent les délocalisations et dévitalisent l’emploi. Il a raison de souligner qu’une action politique ne saurait se résumer aux seules urgences, mais qu’elle doit se penser dans le long terme.

Face à ce discours là, qu’entend-on ? Vous n’y pensez pas, disent les ministres, vous allez faire fuir les talents si nécessaires à notre économie. Quels talents ? Ceux des spéculateurs qui amassent des fortunes en quelques clics et ne produisent rien ? Ceux des « managers » qui dégraissent à tout va ou transforment leurs salariés en zombies suicidaires ? Bon débarras. Qu’entend-on ? Que Sarkozy, ce mini superman a sauvé l’euro de la débâcle (d’abord, c’est pas fait, et ensuite, faut-il sauver cet euro là en faisant risette aux « marchés » ?) Poser Sarkozy en sauveur, que ce soit de la monnaie ou du « modèle social français », ce serait vraiment donner la médaille au pompier pyromane. Car enfin, quand se situe le creusement abyssal de la dette ? Sous l’actuel mandat de Sarkozy. On rappellera d’ailleurs, car on a la mémoire taquine, que celui-ci s’était déjà illustré comme jongleur budgétaire lorsqu’il fut quelques temps ministre du budget, justement. Pour vous sortir de la mouise, vous feriez confiance, vous, à celui qui vous y a mis ?

Dans un article du Monde de belle facture, appelant de ses vœux un apéro géant le 6 mai 2012 pour arroser la défaite du mini superman, Gérard Courtois faisait il y a peu référence aux analyses du sociologue anglo-polonais Zygmunt Bauman, auteur du « Présent liquide » (Le Seuil, 2007). En résumé, le libéralisme agit à rebrousse poil d’une évolution où les états avaient peu à peu « solidifié » le champ social en apportant, fût-ce imparfaitement, des institutions protectrices et reconnues, des sécurités collectives, et « liquidifie » le corps social. Plus de repères, mais des réactions au fil des événements, plus de stratégies cohérentes, mais des tactiques éphémères. Sarkozy en est la caricature : l’environnement enjeu du siècle du « Grenelle » ? Mais non, ça commence à bien faire. La croissance cherchée avec les dents ? Pas trouvée, pas de pot.

Voilà pour cette fois. Et qu’on n’aille pas nous seriner que la Banquise se fait complice d’une stratégie présidentielle du père Mélenchon. Nous ne mangeons pas de ce pain-là. Simplement, quand ça nous botte, on le dit, et quand ce n’est pas le cas, on le dit aussi.

Joao Silverinho


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