Ne punissez pas Taslima Nasreen ! ( Lettre aux autorités de l’Inde)

vendredi 16 juillet 2010.
 

Monsieur le premier ministre Manmohan Singh, madame la présidente du Parti du Congrès Sonia Gandhi, nous vous écrivons pour implorer l’Inde de continuer à protéger Taslima Nasreen.

Nous sommes des citoyens du monde, des intellectuels, des écrivains, attachés aux droits des femmes et à la liberté d’expression. Votre parti dirige la plus grande démocratie laïque du continent asiatique et même du monde. Une exception rare et précieuse. Après des années d’errance, Taslima Nasreen, écrivain bengali, y a trouvé refuge, en même temps qu’elle a retrouvé le plaisir de vivre dans un pays où elle peut être lue dans sa langue. Mais, alors qu’elle se croyait enfin à l’abri, elle doit une fois de plus subir la haine et la rage de fanatiques qui ne pardonneront jamais à une femme d’être libre et de le dire.

A plusieurs reprises, ces derniers mois, des dizaines de milliers d’enragés ont marché contre ses écrits, réclamé sa tête et brûlé des poupées à son effigie. Votre pays l’a protégée contre la mort mais ne souhaite plus la protéger contre l’intimidation. Son visa indien arrive à expiration le 17 août, et les plus hautes autorités ont laissé entendre qu’il ne sera pas renouvelé. Taslima Nasreen devra donc quitter votre pays, son refuge, et reprendre le chemin de l’exil. Ce qui revient à donner raison aux fanatiques et à la punir en la privant du droit de vivre dans ce pays, le vôtre, qu’elle aime et qu’elle a choisi. Ce signal serait terrible.

Nous avons conscience que sa liberté d’expression au sujet des femmes et des religions constitue un défi pour un pays traversé par des passions entre communautés. Nous ne croyons pas que ces passions puissent s’apaiser en donnant raison aux extrémistes. Nous vous implorons de ne pas céder à leur chantage et à la violence. Ne leur donnez pas raison. Ne punissez pas Taslima Nasreen à cause de leur intolérance.

Votre pays connaît mieux que quiconque l’importance de défendre ceux qui osent désobéir pacifiquement. Taslima Nasreen fait partie de ces désobéissants. Elle représente un espoir pour tous ceux et toutes celles qui rêvent de s’émanciper pacifiquement des traditions et des croyances qui maintiennent les femmes dans une forme de ségrégation. Ne tuez pas cet espoir. Donnez tort à tous ceux qui croient ou laissent croire qu’il faut être née dans un pays du Nord pour vivre et parler librement. Demandez à ce que le visa de Taslima Nasreen soit renouvelé.

Note(s) :

Caroline Fourest, journaliste ; Catherine Clément, écrivain ; Darina Al-Joundi, comédienne ; Brigitte et Tewfik Allal, Manifeste des libertés ; Elisabeth Badinter, écrivain ; Robert Badinter, sénateur ; Etienne-Emile Baulieu, professeur de médecine ; Denis Baupin, adjoint au maire de Paris ; Djemila Benhabib, écrivain ; Naïma Charaï, conseillère régionale ; Charb, dessinateur ; Daniel Cohn-Bendit, député européen ; Alexis Corbière, conseiller de Paris ; Teresa Cremisi, éditrice ; Caroline De Haas, Osez le féminisme ! ; Monique Dental, collectif Ruptures ; Olivier Duhamel, universitaire ; Jeanne Favret-Saada, anthropologue ; Christophe Girard, adjoint au maire de Paris ; Jean Glavany, député ; Simone Halberstadt Harari, productrice ; Razzy Hammadi, secrétaire national du PS ; Benoît Hamon, porte-parole du PS ; Jean- François Julliard, secrétaire général de RSF ; Catherine Kintzler, philosophe ; Bernard-Henri Lévy, philosophe ; Jean-Luc Mélenchon, sénateur ; Janine Mossuz-Lavau, sociologue ; Olivier Nora, éditeur ; Henri Pena-Ruiz, philosophe ; Evelyne Pisier, écrivain ; Nadja Ringart, sociologue ; Robert Redeker, philosophe ; Elisabeth Roudinesco, psychanalyste ; Saïd Sadi, député algérien ; Boualem Sansal, écrivain ; Françoise Seligmann, Ligue des droits de l’homme ; Coline Serreau, metteur en scène ; Mohamed Sifaoui ; Benjamin Stora, historien ; Monique Vézinet, Union des familles laïque ; Martine Aubry, première secrétaire du PS.


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