Honduras : Retour sur les raisons du coup d’État

mardi 6 juillet 2010.
 

C’était il y a an. Le 28 juin 2009, des militaires rondement formés à l’école des Amériques renversent le président du Honduras, Manuel Zelaya. Ce jour-là, «  Mel  » Zelaya appelait à une consultation populaire demandant à ses concitoyens s’ils étaient favorables ou non à la présence d’une quatrième urne, lors des élections générales du 29 novembre, en vue d’installer une future Assemblée constituante. Arrêté, séquestré, puis expulsé manu militari depuis la base états-unienne de la Palmerola, le chef de l’État n’allait pouvoir rentrer dans son pays qu’au terme d’une série de tentatives vaines, appuyées par des mobilisations populaires violemment réprimées, pour in fine, s’emmurer cinq mois durant dans l’ambassade du Brésil où il a pu trouver refuge.

Fraude et coups de crosse

La dictature met en place un quadrillage répressif «  fruit de l’alliance armée de l’Église, des militaires, de l’oligarchie, des multinationales, très présentes au Honduras, et de l’ultradroite locale, régionale et états-unienne  », selon Juan Almendares, responsable du Centre de prévention, traitement et réhabilitation des victimes de la torture et de leurs familles (CPTRT). Le putsch, unanimement condamné par les gouvernements et les organismes politiques internationaux, se doit d’être normalisé.

Le 29 novembre 2009, plus de quatre millions de Honduriens (sur une population de 8 millions) sont appelés à élire leur président, les députés et les maires. Comme si de rien n’était. Le président putschiste, Roberto Micheletti, flanqué de médias à sa botte, orchestre une guerre psycho-politique contre le peuple hondurien, et le monde entier. Avec pour toile de fond des fraudes et des coups de crosse, le Parti libéral cède sa place au Parti national de Porfirio «  Pepe  » Lobo. L’abstention frôle les 66 %. Ce jour-là, quarante personnes sont arrêtées. Manuel Zelaya est toujours embastillé au mépris des accords de sortie de crise, dits de San José-Tegucigalpa, dictés en sous-main par les États-Unis. Ils visent à gagner du temps dans l’espoir d’entériner le coup de force du 28 juin, auquel Washington ne peut être étranger. Et pour cause  ! Les réformes sociales comme l’augmentation de 60 % du salaire minimum, ou les aides scolaires, le programme national de réparation des victimes de la dictature et de la répression militaire, ou encore l’adhésion à l’Alliance bolivarienne pour les peuples d’Amérique, Alba, créée par Cuba et le Venezuela, ont constitué autant d’affronts pour l’administration américaine. Terrain de manœuvre de la contre-insurrection mais également zone franche économique, le Honduras a toujours été un pion géostratégique dans la région.

Les putchistes recompensés

Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si, lors de la réunion de l’Organisation des États américains (OEA), les 7 et 8 juin, à Lima, la secrétaire d’État américaine, Hillary Clinton, s’est fendue d’un vibrant appel «  à accueillir de nouveau le Honduras au sein de la communauté interaméricaine  » dont il a été exclu il y a un an. «  Nous avons travaillé avec nombre d’entre vous pour l’aider à retrouver le chemin démocratique  », a-t-elle cherché à convaincre des ministres des Affaires étrangères, partisans de l’isolement du pays en raison des violations des droits de l’homme et de l’exil forcé de Zelaya en République dominicaine. «  La non-réincorporation du Honduras dans l’OEA est une position conséquente, estime Silvia Ayala, ex-députée de l’Unification démocratique (Ud gauche). Croire que des mesures cosmétiques permettent d’oublier la rupture constitutionnelle du 28 juin, c’est totalement inacceptable.  » Quant à l’attitude des États-Unis, elle «  n’étonne guère  » Silvia Ayala, qui explique que Washington veut «  installer une nouvelle base militaire  ».

Depuis la mascarade électorale du 29 novembre, les putschistes ont été récompensés. Ils sont en effet à la tête de postes ministériels stratégiques, comme l’Immigration, l’Aéronautique civile et les Télécommunications, tandis que le Honduras s’enfonce dans une crise sociale et politique sans précédent.

Cathy Ceïbe

2) Honduras et Droits de l’Homme : Le double discours de l’Union européenne

3) « Des violations massives des droits de l’homme »

Bertha Oliva,

coordinatrice nationale du Comité des familles 
des détenus et disparus au Honduras (Cofadeh).

« Nous nous devons d’accompagner, de protéger et de défendre les victimes de la politique criminelle d’État. La situation des droits de l’homme est grave, et précaire. Nous sommes face à des actions très dangereuses, car sélectives, et persistantes, contre les membres de la résistance. Plus inquiétant encore est le silence qui entoure ces crimes. Si nous comparons ce que furent les années noires, c’est-à-dire de 1981 à 1987, avec aujourd’hui, c’est absolument terrible. Durant ces années de plomb, le Cofadeh avait recensé de terribles violations des droits de l’homme, comme les disparitions forcées.

Depuis l’accession de Lobo au pouvoir, en janvier, nous accompagnons plus de 700 Honduriens, victimes de menaces de mort, d’attaques physiques, d’écoutes illégales, ou encore de harcèlement. Vingt-deux personnes ont été assassinées, dont 8 journalistes. Depuis le 28 mai 2009, date du coup d’État, nous dénombrons plus de 14 000 violations des droits de l’homme, dont 61 meurtres. Ces violations indiquent que les auteurs des crimes jouissent d’une impunité sans nom. À la différence des années quatre-vingt, les assassins agissent à visage découvert. La négation de la justice au Honduras est totale. C’est dire si la demande du peuple hondurien d’aller vers une Assemblée nationale constituante afin de gagner un nouveau pacte social est importante.

Face à la barbarie, la plate-forme des droits de l’homme a décidé de créer une commission Vérité qui sera inaugurée aujourd’hui. Elle intégrera des familles de victimes et des personnalités reconnues pour leur engagement en faveur des droits de l’homme. À la différence de la Commission de la vérité et de la réconciliation du gouvernement de Porfirio Lobo, qui a écarté les familles des victimes et les organisations de défense des droits de l’homme. Jamais elle ne lèvera le voile sur les crimes commis. C’est à nos yeux, une grossière insulte.  »

Propos recueillis par C. Ce.


Signatures: 0
Répondre à cet article

Forum

Date Nom Message