Premier bilan de l’affaire Woerth Bettencourt : Les riches épargnés par la droite

lundi 5 juillet 2010.
 

En dépit des annonces, Nicolas Sarkozy a sciemment ignoré les rapports alertant sur le montant des sommes concernées par la fraude et sur le besoin de renforcer les contrôles.

L’affaire Woerth-Bettencourt est-elle l’arbre qui cache la forêt des faiblesses du contrôle fiscal en France  ? En mars 2007, en pleine campagne présidentielle, un rapport du Conseil des prélèvements obligatoires (CPO) a relancé le débat. Celui-ci s’alarmait du coût de la fraude en France, estimée entre 29 milliards et 40 milliards d’euros par an. Une fourchette basse, quand la Commission européenne l’évalue, elle, entre 2% et 2,5% du PIB, et alerte au moins depuis 2004 les États sur l’enjeu d’une lutte coordonnée à l’échelle de l’UE et sur le lien entre « fraude fiscale » et « criminalité organisée » (communication du 31 mai 2006).

En réaction, le 11 octobre 2007, Nicolas Sarkozy a adressé à son ministre du Budget, Éric Woerth, une « feuille de route » qui le rendait maître d’œuvre de la lutte contre toutes les fraudes fiscales et sociales. Par la suite, le scandale des paradis fiscaux et de la fraude fiscale internationale impliquant le Lichtenstein est venu renforcer le sentiment qu’il fallait lutter de manière plus déterminée contre la délinquance en col blanc. Mais malgré de nombreuses déclarations d’intention, le gouvernement n’a pas fait montre de la même fermeté que lorsqu’il s’agit de contrôler les arrêts de travail pour maladie ou l’identité des assurés sociaux…

L’inégalité règne au cœur du système

En août 2009, Éric Woerth prétendait disposer d’une liste de 3 000 fraudeurs fiscaux qu’il invite à régulariser leur situation sans encourir de poursuites. « Après le 31 décembre, il sera trop tard. Nous passerons au contrôle fiscal, qui s’appliquera dans toute sa rigueur », tonne-t-il. Annonce peu efficace  : selon le Point, seuls 700 fraudeurs sur 3 000 se sont fait connaître. Les dossiers de 400 récalcitrants sont en cours d’examen, et 1 900 autres personnes ont été ignorées…

Selon un rapport d’avril 2008 du Syndicat national unifié des impôts (SNUI), l’inégalité règne au cœur du système de contrôle fiscal et la volonté politique ne semble pas étrangère à cela. Si les impôts des salariés, retraités et allocataires se trouvent fortement contrôlés, depuis la déclaration préremplie et le recoupement systématique « montant sur montant » des sommes déclarées par les employeurs et les organismes sociaux, ce n’est pas le cas des impôts sur le patrimoine. « Faute de temps et de moyens, mais avant tout de volonté politique, l’essentiel du contrôle de la fiscalité patrimoniale consiste à s’assurer que les déclarations sont déposées », écrit le Snui. Même si elle ne l’avoue pas explicitement, l’administration se contente de relancer les contribuables. Selon le syndicat, « elle ne désire guère pousser plus en avant les recherches sur des impôts aussi sensibles que l’ISF ou les droits de succession […] En réalité, le choix est de ne pas engager de contrôles longs de ce type, car la fiscalité du patrimoine est parfois mal vécue par les contribuables ».

Sébastien Crépel


Signatures: 0
Répondre à cet article

Forum

Date Nom Message