Les sans-papiers font plier le gouvernement

lundi 21 juin 2010.
 

Le ministère de l’Immigration a concédé des « ajustements » pour la régularisation des travailleurs sans papiers présents en France depuis plus de cinq ans. Le piquet de grève de la Bastille a été levé, mais la lutte continue.

« Nous avons un texte  ! » Perché sur le toit d’une camionnette, Raymond Chauveau, de la CGT, brandit des feuilles de papier. Il est près de 21 h 30 vendredi, place de la Bastille, les syndicats sortent de six heures de négociations avec les ministères du Travail et de l’Immigration. Devant les marches de l’Opéra, les centaines de sans-papiers qui campent ici depuis plusieurs semaines exultent. « Nous avons des critères de régularisation qui s’imposent à toutes les préfectures, quels que soient l’entreprise et le département  ! » poursuit le syndicaliste sous les hourras.

« Le traitement n’est pas homogène  »

Après huit mois de grève de plus de 6 000 sans-papiers, le gouvernement a concédé des « ajustements » pour harmoniser les critères de régularisation par le travail. Associations et syndicats dénonçaient des traitements arbitraires et réclamaient des « critères clairs ». « Le traitement n’est pas homogène », a reconnu le ministère de l’Immigration, qui n’a pas écrit de nouvelle circulaire mais apporté un « addendum »  au « guide des bonnes pratiques » à l’usage des préfectures, valable jusqu’au 31 mars 2011.

Pour obtenir leur régularisation, les sans-papiers devront désormais justifier de douze mois d’activité sur les dix-huit derniers mois (vingt-quatre mois pour les intérimaires), les huit mois de grève étant comptés comme une période salariée. Les dossiers seront déposés dans les directions départementales du travail et non plus dans les préfectures. Le temps de leur traitement, les grévistes bénéficieront d’une autorisation provisoire de séjour de trois mois. À l’applaudimètre, place de la Bastille, vendredi soir, c’est certainement cette mesure qui a eu le plus de succès. « C’est bon, on a gagné  ! » lance l’un d’eux. Mais cet optimisme est vite refroidi par la suite du compte rendu  : « À la fin de la discussion, le ministère nous a ramené les critères de présence à cinq ans, c’est un recul », concède Raymond Chauveau. La victoire est donc loin d’être complète. Pour l’instant, ne seront régularisés que ceux qui pourront justifier de cinq ans de présence sur le territoire, ce qui est loin d’être le cas de tous. « À peu près 60 % des grévistes ont entre trois et cinq ans de présence en France, calcule Brigitte Cerf, de la FSU. Ils devront travailler encore deux ans comme sans-papiers et continuer à alimenter les patrons voyous. » Les négociations concernant les grévistes ne sont donc pas finies. Mais pour l’un de leurs délégués, Adama Kane, c’est le « début de la libération »  : « On a des critères contraignants et nationaux. Maintenant, on va finir le boulot avec tous les grévistes. »

Air de fête à l’opéra Bastille

Compte tenu des avancées obtenues, les grévistes ont décidé de lever le « piquet des piquets », installé devant les marches de l’Opéra Bastille. C’est sur un air de fête que les bâches et les matelas ont été enlevés, vendredi soir, certains chantant  : « On a gagné  ! » Pour décider de la suite à donner à leur mouvement, les travailleurs sans papiers s’étaient donné rendez-vous hier soir, au siège de la CGT, à Montreuil.

Marie Barbier

Beaucoup de femmes concernées

La principale avancée concerne le secteur de l’aide à la personne, dans lequel travaillent de nombreuses femmes sans papiers. Désormais, ces salariés pourront prétendre à la régularisation même avec plusieurs employeurs, sous réserve d’effectuer vingt heures de travail par semaine et gagner le Smic. « C’est l’ensemble des femmes dans les services à la personne en France qui sont concernées », s’est félicitée Francine Blanche, de la CGT.


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