G20 Le bonheur des irresponsables

dimanche 4 juillet 2010.
 

Dans cette note il est question du G20 pour revenir à un nouveau cas d’irresponsables notoires. Je ne parle pas de Woerth parce qu’il faudrait surtout parler des grandes fortunes du type Bettencourt ou Peugeot et du droit de ces gens à cumuler autant d’argent et à en disposer librement, au mépris de toute responsabilité à l’égard des autres. J’ai l’intention d’y revenir avec soin.

Retour aux irresponsables. Le G 20. Peut-être avez-vous bien voulu vous intéresser une fois de plus à cette gesticulation qui occupe une prétendue scène mondiale. Plus personne ne proteste contre l’existence de ce qui reste avant tout un directoire illégitime et indécent des pays riches. Même si ces gens là ne décident en fait rien du tout et sont là juste pour donner le sentiment que tout est sous contrôle, leur seule réunion est une offense à l’idée que l’on peut se faire d’un ordre mondial juste et durable. Le G20 totalise 90 % de la richesse mondiale. C’est sur. Mais il représente seulement 65 % de la population mondiale. En contradiction avec les principes des Nations Unies, 10 % des pays du monde, c’est-à-dire 20 sur 192 décident pour les 90 % de pays restants. C’est ca le G20. C’est cette violence là. Et encore c’est presque un mieux. Avant ils se réunissaient seulement a 8. C’était le G8. On a ajouté 11 pays au G8. Ca n’empêche pas le G8 de se réunir juste avant. Et surtout ça ne change strictement rien à la logique ni au leadership, toujours occidental. Le G20 de Toronto a été caricatural sur ce point. Il a été précédé vendredi 25 juin d’une réunion du G8. Tout y a été décidé pour autant que quelque chose ai été décidé. En dépit de leurs mises en gardes parfois virulentes les pays du Sud n’ont pas pu contrecarrer ce qu’avaient décidé entre eux les pays du G8.

Ce G20 a été une réunion fastueuse et indécente, organisée par le « Bush canadien », le premier ministre Stephen Harper, ultra-libéral et ultraconservateur. Ce G8/G20 a donné lieu à un gaspillage indécent d’argent public en pleine crise. Les réunions du G8 à Huntsville, à 200km de Toronto, puis du G20 à Toronto ont en effet coûté près d’un milliard d’euros. C’est là 40 fois plus cher que le G20 de Londres d’avril 2009. Celui là n’avait coûté « que » 24 millions d’euros. Pour cette comédie, un luxueux centre des congrès avait spécialement été construit à Huntsville pour le G8. Le gouvernement Harper a même poussé la démesure jusqu’à y faire construire un lac artificiel. Telle est l’idée qu’ils se font du prestige du lieu d’une réunion. Un dispositif délirant de sécurité a été à l’origine de l’essentiel des dépenses. Ici ce sont 930 millions de dollars canadiens sur 1,2 milliards qui ont été brulés. On comprend tout l’intérêt dans ce cas d’avoir les incidents qui justifient la débauche d’argent prélevé par les lobbies du commerce de la sécurité. Formidable ! Les incidents ont eu lieu ce qui prouve combien ce déploiement de moyens de sécurité était nécessaire, n’est-ce pas ? La ville de Toronto, 2,5 millions d’habitants, a été en partie paralysée pendant dix neuf jours pour un sommet d’une durée de deux jours ! La plupart des entreprises, établissements scolaires et universités de la ville ont dû fermer pour cinq jours à cause du sommet. C’est cohérent, non ? Des terroristes pullulaient sûrement. Nous on a vécu le sommet de l’OTAN à Strasbourg et on a vu de nos yeux ce qu’est une provocation. Donc on ne s’étonne pas. De toute façon dès qu’un président américain est là, tout le monde est prié de se soumettre aux dispositifs sécuritaires de l’empire et à ses hommes. Tout cela est bien sur proportionné à la paranoïa des USA. Mais surtout cela permet le plus souvent d’humilier les pays d’accueil en leur montrant comment partout, toujours les States font ce qu’ils veulent.

Tout cette mariolade pour sceller un accord sur l’austérité mais pas pour taxer les banques. Car bien sûr aucun accord n’a été trouvé au G20 sur l’idée de taxer les banques pour prévenir une nouvelle crise bancaire. On avait pourtant eu les oreilles rebattues par le sujet. Le Canada et l’Allemagne ont en revanche obtenu gain de cause avec l’engagement, sans précédent, du G20 sur des objectifs chiffrés de rigueur. Donc ce sera une réduction de moitié des déficits d’ici 2013 et stabilisation de la part de la dette dans le PIB d’ici 2016. Du pur bla bla. En guise de concessions à ceux qui s’inquiétaient de l’impact de ces mesures de rigueur si jamais elles étaient mises en œuvre, le G20 a affirmé : « nous devons laisser agir jusqu’au bout nos plans de relance budgétaires pour consolider la reprise ». Une chose et son contraire. Donc pendant qu’on était au chapitre du contraire la résolution a pointé que « des ajustements simultanés dans les plus grands pays risquent de compromettre la reprise ». Vous suivez ? D’abord on dit qu’il ne faut pas que tout le monde fasse de la rigueur en même temps et ensuite on dit qu’il faut tous faire de la rigueur d’ici à 2013 et jusqu’à 2016. Et l’inverse. Du FMI et du Strauss Kahn pur jus. Aux confins du cynisme, les pays du G20 ont d’ailleurs admis que la reprise actuelle n’était que « fragile et inégale ».

Dans cette même veine cynique, le G20 a dénoncé « le taux de chômage qui atteint des niveaux inacceptables dans certains pays ». En effet ! Que faire ? Voir chapitre précédent peut-être ? On ne le saura pas. Le G 20 ne dit rien sur la façon de faire. Le G20 a aussi regretté hypocritement que la crise ait « compromis » certains objectifs de développement du Millénaire. Pur mensonge. Les objectifs du millénaire, d’une timidité de gazelle sont parfaitement tenables dans le cadre de la « crise » et pourraient même aider à la surmonter en solvabilisant des millions de consommateurs.

Le G8 puis le G20 ont été dominés par une offensive conjointe de l’Allemagne, du Royaume-Uni et du Canada en faveur de la rigueur. Signe d’un nouvel axe européen entre l’Allemagne et le Royaume Uni, Merkel et Cameron ont quitté le G20 pour aller suivre ensemble le match de football Allemagne/Angleterre qui se déroulait dimanche après-midi. A quoi ça tient ! Et les allemands ont gagné ce qui ne va pas leur rabattre le caquet ! L’administration Obama a fait part de ses inquiétudes sur un arrêt trop rapide des mesures de relance mais sans s’opposer fondamentalement à la priorité donnée à de la réduction des déficits. Normal. Tout le monde se fiche de ce qui se décide car rien n’a la moindre valeur de contrainte cela va de soi et encore heureux ! Tout ce qui compte c’est que chacun ramène à la maison le fait qu’il a été écouté chez « les grands de la terre ». La parole française est, bien sûr, devenue inaudible. D’abord Sarkozy affichait sa proximité avec Merkel depuis plusieurs semaines. C’était la phase zig. Puis il a fait mine de relayer au cours du sommet les inquiétudes américaines sur la rigueur. C’était la phase zag. Enfin il a donné finalement des gages aux partisans de la rigueur : « Il n’y a pas un seul interlocuteur autour de la table du G8 qui ait contesté la nécessité de réduire l’endettement et les déficits ». C’était la note finale. Sarkozy a même cru bon de défendre maladroitement l’Allemagne en affirmant : « Même Madame Merkel est d’accord pour faire plus de croissance ! ». Pauvre France !

Les vraies critiques de l’austérité sont venues des pays du sud, au milieu de ces jeux d’ombre des pays du Nord (G8). Notamment de l’Argentine, du Brésil et de la Chine. La présidente Cristina Kirchner a dénoncé comme « totalement fausse » la stratégie des pays riches de réduction des dépenses publiques. Elle a indiqué que cela allait affecter la croissance, réduire les rentrées fiscales et aggraver la crise de la dette. Elle s’est appuyée sur l’exemple argentin, en rappelant que l’Argentine aussi en 2001 avait réduit les salaires des fonctionnaires et que « tout cela avait fini par une implosion et un défaut de paiement ». Je recommande la lecture de mon blog aux dirigeants politiques qui voudraient en savoir davantage sur ce sujet. De son côté le ministre brésilien des Finances Guido Mantega a dénoncé la tentation des Européens d’ « occuper les marchés émergents qui sont en plus forte croissance » avec leurs exportations, au lieu d’entretenir la demande sur les leurs. « Ces pays, au lieu de stimuler la croissance, prêtent plus d’attention à l’ajustement budgétaire, et s’ils sont exportateurs, ils feront cet ajustement à notre détriment ».

Enfin, le pompon c’est la Chine qui s’est mangée une bonne partie de donneur de leçons à des incapables qui ont eu juste le droit de regarder le bout de leur chaussures pendant ce temps. En effet le président Hu Jintao a mis en garde contre un arrêt brutal des politiques de relance, dont les principales victimes seraient d’ailleurs les pays du G8. Les autres l’ont fermée parce qu’ils savent bien que la Chine a retrouvé dès 2009 des niveaux de croissance considérables avec un plan de relance massivement tourné vers le développement de la consommation intérieure.

Le président Hu Jintao a aussi pris les USA à contrepied, en vantant le libre échange et en dénonçant les tentations protectionnistes. Au même moment l’ambassadeur chinois à l’OMC dénonçait les « exigences excessives » des USA dans les négociations enlisées du cycle de Doha, les qualifiant même « d’accroc flagrant au mandat original » du cycle de Doha. La Chine a aussi résisté aux fortes pressions des pays du G8 qui voulaient que la déclaration du G20 pointe du doigt explicitement la nécessité pour la Chine de « réformer encore son régime de change et de développer la flexibilité de son taux de change ». Trop drôle ces nabots qui prétendent donner des ordres ! On n’est pas dans le cadre de notre chère « Europe qui protège ». La souveraineté des chinois n’est pas soumise aux caprices dérégulateurs d’une bande d’illuminés qui méprisent les peuples et leur souveraineté. Les Chinois ont refusé que soient mentionnées les sornettes concernant leur monnaie. Ils ont pointé que l’insistance sur le taux de change était une manière de ne pas s’attaquer aux vrais déséquilibres commerciaux ! Et toc ! Cette déclaration à Toronto d’un représentant du ministère chinois du commerce, en allusion aux déséquilibres américains, est arrivée toute fraiche sur la table des importants « occidentaux ». Si Sarkozy avait deux doigts de jugeote historique c’est avec les chinois qu’il discuterait pour s’entendre. La troisième république s’est alliée au Tsar, François 1er au sultan et chaque fois l’alliance de revers nous a tiré d’un mauvais pas. Comprenne qui veut entendre.


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