En général, la grande presse n’aura retenu de ce congrès, qualifié « d’étape », que le changement de secrétaire national, Pierre Laurent succédant à Marie-George Buffet. Si l’acte n’est évidemment pas anodin, on ne saurait pour autant négliger l’essentiel : l’orientation adoptée par 352 délégués, contre 84 et 28 abstentions, soit près de 76% « pour » et 18% « contre ». À lui seul, ce résultat témoigne de l’ample majorité recueillie par le document sorti du conseil national… autant que de l’âpreté des débats.

Très majoritairement, et c’est à nos yeux la leçon première de ce congrès, les adhérentes et adhérents communistes auront confirmé la démarche du Front de gauche. « Il est urgent , souligne la résolution, de donner une perspective à la colère et aux attentes qui s’expriment, à travers la construction d’un projet de transformation sociale pour sortir de la crise. » Les décisions sorties du congrès sont ainsi énumérées : « Lancer un appel à un riposte amplifiée à la politique de la droite, contribuer aux luttes et à l’action, permettre une véritable appropriation citoyenne du Front de gauche, construire un pacte d’union populaire pour réussir le changement, transformer le PCF pour être utile pour changer la vie du peuple. » Ce qui se décline sous la forme d’une proposition de débat large sur le projet à co-élaborer par les composantes du Front de gauche, sous la forme d’une démarche « ouverte à tous ceux et celles qui le souhaitent » et adossée à « des milliers d’espaces ancrés au cœur des mobilisations sociales ». Le processus devrait être lancé à la Fête de l’Humanité.

Au passage, les échéances électorales des deux prochaines années ne sont pas esquivées. Au-delà du « premier rendez-vous électoral » que constitueront les cantonales de 2011 (à propos desquelles le souci s’affirme d’assurer la réélection des conseillers généraux communistes sortants), la discussion est publiquement lancée sur 2012. L’option manifestement retenue est bien celle d’une présence du Front de gauche à la présidentielle et aux législatives : « Pour l’élection présidentielle, la candidature pourra soit être issue de l’une des formations du Front de gauche, soit être issue du mouvement social et partager les objectifs du pacte (d’union populaire, NDLR). Ce débat doit être mené sans préalable ni exclusive. Dans cette perspective, des personnalité-e-s communistes sont légitimes à s’engager comme candidat-e potentiel-le pour porter l’originalité de cette ambition. » Ce sera au congrès du printemps 2011 de désigner « le ou la candidate soutenu-e par le PCF ».

C’est, ici, la validation, par la première des composantes du Front de gauche, des conclusions du « sommet » PCF-PG-GU du 9 juin. Et c’est sans doute la dimension la plus marquante de ces trois jours, dès lors qu’une forte opposition se sera exprimée à l’encontre de l’orientation même du Front de gauche. Cette opposition venait, à la fois, d’un courant favorable au retour à la politique si longtemps pratiquée d’union avec le Parti socialiste et de l’aile se revendiquant de « l’identité » du parti, les deux sensibilités ayant un moment été tentées de faire bloc au nom du refus de la « liquidation » du PCF.

Cette confrontation de lignes opposées aura, au final, souligné la profondeur des fractures et interrogations à l’œuvre. Nos camarades communistes affrontent une réflexion multiforme sur leur stratégie et leur visée, donc sur le devenir du parti. Le vote des assemblées fédérales en fait foi, l’immense majorité d’entre eux expriment l’opinion qu’il n’est aucune issue dans le repli sur leur seul pré-carré, surtout à l’heure où la question de l’alternative à gauche se pose avec une acuité particulière, sur fond de rebond de la crise capitaliste et de faillite des orientations sociales-libérales à l’échelle de toute l’Union européenne. Leur conviction s’affirme tout autant que la satellisation par le PS aboutirait immanquablement à un déclin accéléré, voire à une disparition pure et simple (l’aventure du mouvement de Robert Hue pour les régionales en a fait, à son corps défendant, la démonstration). Ils ne sont, pour autant, pas prêts à envisager un dépassement de leur formation dans une construction plus large.

Cela dit, la dynamique politique du Front de gauche, quoiqu’elle soit encore limitée, conjuguée à la crise d’identité et de perspective que connaît le PCF depuis de longues années (et dont l’équipe conduite par Marie-George Buffet aura dû affronter des épisodes cruciaux, du fiasco de la « gauche plurielle » en 2002 jusqu’à cette occasion manquée que représenta l’échec des candidatures antilibérales à la présidentielle et aux législatives de 2007) rend pour le moins ardue l’articulation entre engagement unitaire et affirmation propre du parti. Il suffit, pour s’en convaincre, d’observer la lenteur avec laquelle avance le travail sur « la transformation du PCF », second point de l’ordre du jour de ce 35° Congrès. La résolution adoptée par ce dernier fixe au prochain congrès, dans un an, les objectifs d’un « important travail sur le projet communiste », d’un changement de « nos pratiques pour devenir le parti de la démocratie, de la coopération et de l’action militante » et d’une modification des statuts. Chacun voit cependant bien que toute avancée sur ces points dépendra étroitement de l’élan nouveau que doit trouver le Front de gauche. D’ailleurs, significativement, le texte du congrès lie l’élaboration du projet du parti à la nécessité d’« irriguer cette construction commune »…

Pour résumer, toutes ces réflexions auront des conséquences essentielles sur l’avenir de la gauche de transformation. C’est la raison pour laquelle, sans nous ingérer dans les échanges de nos camarades, nous n’hésiterons pas à donner notre point de vue sur les questions abordées.