Le G20 face à la crise (article du Monde diplomatique)

lundi 28 juin 2010.
 

Après plusieurs mois de tergiversation, la France, l’Allemagne et le Royaume-Uni ont finalement décidé d’inscrire la taxation des banques au menu du sommet du G20 qui s’ouvre à Toronto le 25 juin. Leurs gouvernements ont annoncé, dans une déclaration commune, leur volonté de mettre en place une taxe assise sur le bilan des établissements bancaires. L’objectif officiel d’un tel prélèvement est de « garantir que les établissements bancaires contribuent à la hauteur des risques auxquels ils exposent le système financier et l’économie en général et les encourager à apporter les ajustements nécessaires à leur bilan pour réduire les risques ». Ainsi les banques dont les bilans présentent une trop forte exposition aux risques – comme par exemple des fonds propres faibles en comparaison du niveau de créances douteuses – seront en quelque sorte « punies » par un impôt dont le taux reste encore à définir.

Rien n’indique que les autres membres du G20 donneront leur accord. Déjà, au début du mois de juin, les ministres des finances du G20 n’avaient pas réussi à s’entendre sur une taxe commune. Les Etats-Unis y sont réticents tandis que le Canada et l’Australie, deux pays dont les systèmes financiers n’ont pas été affectés par la crise des subprime, s’y opposent résolument. Plus important encore, des pays émergents comme l’Inde ou le Brésil considèrent cette taxation comme un frein au financement de leur développement. Du coup, nombre d’observateurs prédisent que le G20 enterrera ce projet. A l’inverse, il pourrait mettre l’accent sur les mesures visant à faire porter au secteur bancaire le fardeau de ses futures faillites. De même, sera évoquée la modification des règles de fonds propres et de liquidités bancaires, un paquet de mesures plus connu sous le nom de Bâle III.

Les discussions devraient préciser le contenu de cette réforme qui doit être finalisée cette année et mise en œuvre dès 2012. Son principe : obliger les banques à augmenter leurs fonds propres afin d’éviter qu’elles ne sollicitent l’aide des Etats en cas de nouvelle crise financière. Pour autant, les dirigeants réunis à Toronto détailleront-ils les dispositions permettant de sauver les grandes banques en difficultés – les fameuses « too big too fail » (trop grosses pour échouer) – sans recours à l’argent public ?

Il est certain qu’ils ne retiendront pas le projet, défendu par la France et l’Allemagne, d’une taxation des transactions financières internationales. Le Royaume-Uni, qui abrite la City de Londres, ne veut pas en entendre parler, pas plus que les Etats-Unis ou le Canada. Dans ce dossier qui remet au goût du jour les propositions formulées il y a douze ans par Le Monde diplomatique et Attac, Paris et Berlin peinent à trouver des alliés.

C’est peu de dire que les représentants du Vieux et du Nouveau continent aborderont la question du redémarrage de l’économie mondiale avec des points de vue divergents. Pour l’administration Obama, ce sommet fournira surtout l’occasion d’exhorter les Européens stimuler leurs économies par le biais de plans publics de relance. Washington estime en effet que les politiques d’austérité annoncées par les capitales européennes afin de réduire leurs déficits publics constituent une menace pour la reprise mondiale. L’Allemagne est ainsi sollicitée pour augmenter sa demande interne, ce à quoi se refuse le gouvernement de Mme Angela Merkel. Dans cette critique, les Etats-Unis peuvent compter sur l’appui du Canada et de l’Australie ainsi que de plusieurs pays émergents qui interprètent les politiques restrictives européennes comme une forme de protectionnisme.

Sur le front monétaire, la Chine a coupé l’herbe sous le pied des Etats-Unis en annonçant en début de semaine un assouplissement progressif de sa politique de change. Toujours très remonté contre le maintien du yuan à un niveau qu’il juge artificiellement bas, Washington ne peut que prendre acte d’un geste de bonne volonté qui devrait se traduire par une appréciation de 3 % à 4 % par an de la devise chinoise. Ce geste tactique risque fort de placer les Européens dans une situation inconfortable. La baisse de l’euro, due notamment aux inquiétudes à propos de la situation budgétaire de plusieurs pays européens, dont l’Espagne, est loin de faire l’affaire des exportateurs américains. Après le yuan, c’est donc l’euro faible qui risque d’être au centre des discussions du G20.

Akram Belkaïd


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