« L’Union Européenne doit respecter la souveraineté des peuples » (Denis Collin)

jeudi 24 juin 2010.
 

Avec la crise, on voit l’Union européenne prôner des politiques de plus en plus autoritaires. Qu’est-ce qui, dans la construction européenne, empêche les peuples de déterminer quelle politique ils entendent mettre en œuvre  ?

Denis Collin. L’Union européenne (UE) a été conçue comme une machine pour se débarrasser de la souveraineté populaire. L’épisode du référendum de 2005 sur le traité constitutionnel européen en est une excellente illustration. Espace de simple coopération au moment du marché commun, l’UE est devenue, entre 1989 («  le grand marché  ») et 1992 (le traité de Maastricht), une autorité qui a pour fonction le pilotage de l’économie par l’application de la loi de la concurrence et non faussée.La construction européenne ne pourrait découler que du vieux principe de Jean-Jacques Rousseau  : «  Que le peuple se fasse peuple.  » Cela pourrait déboucher sur une confédération libre de nations. Mais la construction européenne actuelle est exactement le contraire. L’évolution de la Belgique est très inquiétante puisqu’elle pourrait se produire dans d’autres pays, par effet de contagion. On nous promettait un dépassement universaliste de la nation et nous avons un repli identitaire ethnicisant, encouragé par les instances européennes qui prônent l’Europe des régions.

Sur quelles bases construire une Europe respectueuse de la souveraineté des peuples  ?

Denis Collin. Il existe un problème  : l’Europe ne constitue pas une nation. Une Europe qui respecterait la souveraineté des peuples serait une Europe qui respecte la souveraineté des nations. Sur le plan extérieur, la souveraineté passe par une politique étrangère. Beaucoup de gens sont européistes, notamment les anciens, pour l’unique raison qu’elle évite la guerre. C’est de là qu’il faut partir. Cela signifie une politique étrangère commune qui n’existe pas aujourd’hui. Il serait nécessaire de se mettre d’accord sur un traité de paix perpétuel et quelques grands principes  : la non-ingérence, chaque nation doit être libre, le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, le refus des guerres d’agression, de toute forme de colonisation, une réforme de l’ONU.

À horizon prévisible, l’Europe ne peut être qu’une confédération de nations libres. Donc les lois communes ne doivent pas mettre en cause les particularités nationales. Les lois européennes imposent la concurrence. On ne peut détruire notre système de protection sociale au motif qu’il faut qu’il entre en concurrence. Si d’autres veulent manger des OGM, libre à eux. Si nous n’en voulons pas, pourquoi l’Europe nous l’imposerait-elle  ?

Denis Collin. De la même façon, on a le droit de faire ce que l’on veut de nos impôts. Si l’on décide que notre argent doit servir à la relocalisation de l’industrie, on fait ce que l’on veut de notre argent. Le contrôle des finances publiques par les citoyens, c’est l’article 14 de la Déclaration des droits de l’homme. Si les parlements doivent faire viser préalablement le budget par la Commission européenne, on peut dissoudre le Parlement, qui n’est plus qu’une chambre d’enregistrement.

Pour éviter le dumping, n’a-t-on pas besoin de règles communes  ?

Denis Collin. Si l’on ne veut pas de dumping, il faudrait un salaire unique. Cela semble peu plausible à un horizon prévisible, même s’il ne faut pas négliger la hausse des niveaux de salaires à l’Est. Pour être dans l’UE, il existe un certain nombre de conditions à respecter  : la liberté syndicale. En ce qui concerne les niveaux de salaires, il faut laisser jouer les conditions locales, laisser agir les syndicats. On n’a pas besoin d’un tas de réglementations. Le problème, ce sont toutes ces normes qui visent à imposer une concurrence là où elle est mauvaise et là où chaque pays cherche à se défendre. Il n’y a pas de raison que la France renonce à défendre son industrie automobile. Le coût du chômage, de la destruction de l’industrie, qui le supporte  ? Je veux bien la concurrence, mais il faut prendre en compte tous les coûts. On ne prend en compte que les gains du capital, et les coûts globaux pour la société ne sont pas pris en compte.

Denis Collin est philosophe, auteur du Cauchemar de Marx. Éditions Max Milo, 2009.

Entretien réalsié par Gaël de Santis


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