Le sens de notre départ du Parti communiste

dimanche 13 juin 2010.
 

François Asensi et Patrick Braouezec, députés de Seine-Saint-Denis et Jacqueline Fraysse, députée des Hauts-de-Seine

Militants communistes depuis de nombreuses années, nous quittons aujourd’hui, après tant d’autres, le Parti communiste français. Nous ne rompons pas avec l’espoir et l’action pour transformer la société et pour une véritable alternative politique à gauche, ni avec les adhérents de ce parti. Simplement, un monde politique meurt, dont le PCF est l’un des héritiers, un autre tarde à naître, dont nous souhaitons favoriser l’éclosion.

Nous voyons de nombreux signes de cette décomposition-recomposition. Le fossé entre les citoyens, le système de représentation et les institutions est devenu un abîme, mais il ne signifie pas un désintérêt pour la politique. Les mouvements de résistance à la marchandisation de tout sont en même temps en difficulté et puissants : ils cherchent des issues nouvelles. Les syndicats savent qu’ils doivent repenser leurs rôles, sous peine de se contenter de peu. La pensée critique et le rejet du capitalisme ont pris de la force, rompant avec des années de toute-puissance idéologique des conservateurs.

Des modes de vie et des solidarités alternatives se frayent des chemins, redéfinissent le vivre ensemble dans une alchimie nouvelle entre la personne et le monde, entre communautés et classes sociales. Des expériences sont en cours, par exemple avec la jeune Fédération pour une alternative sociale et écologique. Certes, rien n’est simple et sans doute le chemin sera-t-il long, sinueux, tâtonnant, mais le pouvoir n’a pas réussi à annihiler les aspirations à l’épanouissement ni la quête d’émancipation.

Quels que soient nos parcours singuliers, nous avons longtemps plaidé pour une transformation du PCF, sans cesse promise et toujours ajournée. Nous avons espéré qu’il saurait un jour réinventer des formes de politisation populaire, en nous rappelant que ce sont elles qui ont fait sa force d’autrefois. Plombé par une conception dépassée de la politique et par une matrice d’organisation archaïque, cet espoir fut vain, et même pire lors de l’élection présidentielle de 2007, où sa direction a délibérément choisi l’isolement mortifère contre l’aspiration unitaire des antilibéraux à donner une suite à la victoire du non lors du référendum sur le traité constitutionnel européen. A ce moment s’est imposé à nous le sentiment définitif d’un immense gâchis, amplifié par l’expérience de tant d’occasions manquées.

Nous voilà convaincus des carences des formes d’organisations politiques du XXe siècle. Toutes sont confrontées à une nécessaire refondation de leur projet politique. Toutes dépérissent d’une pratique de la politique qui consiste à considérer les citoyens comme autant de réceptacles à bonne parole.

LA RELANCE D’UNE POLITIQUE D’ÉMANCIPATION EST POSSIBLE

Un nouvel âge de la politique suppose de s’appuyer sur les aspirations des citoyens à décider de leur vie et de dynamiter les barrières funestes entre la politique, le mouvement social et le monde des idées. C’est d’ailleurs ce que nous demandons au Front de gauche et aux forces éparpillées de la gauche de transformation de considérer sérieusement : la dynamique ne peut naître que d’une novation tant sur la visée et les contenus d’une alternative que sur la nature et les formes de l’action politique.

Nous sommes interrogés sur l’avenir de notre engagement. Au moment où le capitalisme met en crise la société mondiale - du défi climatique à la crise financière, du démantèlement annoncé des droits sociaux au maintien de politiques étrangères impérialistes et guerrières -, nous sommes convaincus que la relance d’une politique d’émancipation est possible.

Au moment où les populations des villes populaires, où nous habitons et où nous sommes élus, sont stigmatisées et discriminées comme jamais, où l’on comprend que le pouvoir entend gouverner, s’il le faut, par la peur et par la force, nous pensons pour notre part que dans les banlieues s’invente, se construit le monde de demain.

Notre parti pris est de défricher de nouveaux chemins citoyens, et non d’accepter les dogmes de la démission sociale-libérale : par l’invention de nouveaux rapports entre les mouvements de la société - mouvement des idées, mouvements sociaux, pratiques émergentes dans les quartiers populaires et dans le monde rural... - et la politique. Il s’agit d’associer lutte pour l’égalité et révolution démocratique.

Voilà pourquoi nous allons indissociablement continuer autrement notre engagement communiste et travailler, sans esprit de boutique, dans les différents espaces-passerelles de la gauche d’alternative - que nous voulons ouverts, évolutifs, transitoires - au métissage des cultures communistes, socialistes, écologistes et libertaires. Cela suppose de dépasser le centrage exclusif de la vie politique sur la compétition électorale, tout en considérant que les moments électoraux peuvent contribuer à exprimer et faire vivre de nouveaux possibles. C’est ainsi que nous concevons notre contribution à la victoire d’une gauche transformée aux prochaines échéances.

Nous ne savons pas quelles seront demain les formes par lesquelles une alternative politique deviendra populaire et, parce que populaire, incontournable et victorieuse, ni comment naîtra la grande force politique de transformation sociale et écologique qui fait aujourd’hui défaut. Nous savons que nous en serons.

François Asensi et Patrick Braouezec, députés de Seine-Saint-Denis et Jacqueline Fraysse, députée des Hauts-de-Seine


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