Socialistes, réfléchissons ensemble ! Ségolène Royal veut s’émanciper des principes fondamentaux du mouvement socialiste et du parti ( Vincent Assante, NPS, dirigeant national du PS)

lundi 13 novembre 2006.
 

Comment faire gagner la gauche en 2007 ? Certainement pas en se fiant aux sondages, tout le monde en convient, ou en se livrant à la comparaison des mérites, réels ou supposés, des différents présidentiables socialistes, ce serait grotesque ! Et encore moins en attendant la proposition miracle, nous pourrions sombrer dans le ridicule. Mais bien plus simplement en acceptant d’entendre sincèrement le double message que ne cesse de nous adresser notre électorat depuis 2001, sans même parler des scrutins successifs des 20 années précédentes, car il s’agit tout de même bien de rassembler le plus largement possible, et partant d’entendre ce que nous disent nos électeurs.

Première face du message, nos récents succès aux cantonales, aux régionales et aux européennes ; seconde face du même message, l’avertissement des municipales de 2001, la déroute aux présidentielles de 2002 et le désaveu cinglant infligé par notre électorat le 29 mai 2005 à la majorité du parti socialiste. Chaque fois que nous combattons sur une ligne claire d’opposition au libéralisme, nous obtenons l’adhésion totale de nos électeurs ; chaque fois que nous donnons le sentiment d’impuissance ou d’accommodement vis-à-vis de l’idéologie dominante, nous sommes largement désapprouvés par ceux-ci. En « inventant le possible », nous avons suscité l’adhésion ; en finissant par gérer le probable, nous avons suscité le rejet. Aussi cruel que cela ait pu nous apparaître ! Et tout porte à croire que ce message sera identique à l’occasion des présidentielles !

Croire que nous pouvons « tenir la chaîne par les deux bouts », selon l’expression de Lionel Jospin, c’est-à-dire séduire à la fois les classes populaires et les classes moyennes autour d’une politique « d’équilibre » face à l’offensive néolibérale qui conduit à remettre en cause l’ensemble des acquis sociaux, est un leurre. Faute de comprendre l’avertissement en 2001, nous sommes laminés en 2002. Et pourtant, le bilan du quinquennat de Lionel Jospin était loin d’être négligeable ! Faute de tirer les leçons de cette défaite, puis les racines des victoires aux élections intermédiaires, les leaders qui appellent à voter oui au traité constitutionnel européen — en le considérant de surcroît comme un pis aller — conduisent le parti socialiste à être une nouvelle fois massivement désavoué. Faute d’accepter à nouveau de tirer les leçons de ce scrutin, les présidentiables issus de cette mouvance vont être, quelles que soient leurs compétences, dans l’incapacité de rassembler la Gauche. Le combat de Dominique Strauss-Kahn pour le oui au référendum, même s’il fut respectueux des partisans du non, aura laissé des traces. A fortiori les oukases de Ségolène royale qui, au plus fort des débats, vouvoyait Jean-Luc Mélenchon et demandé l’exclusion d’Henri Emmanuelli ! Pis même, leur investiture éventuelle pourrait susciter une explosion de candidatures au sein la Gauche et voir se rejouer le scénario du 21 avril 2002 !

On nous rétorquera certainement que le référendum est une vieille histoire qu’il faut dépasser ! Certes, s’il s’agit des antagonismes et de la tension nés des affrontements fratricides. Mais à la lumière du dernier scrutin, n’est—il pas temps que les partisans du oui mesurent mieux l’attente de notre électorat plutôt que de demander aux partisans du non de taire aujourd’hui la teneur de ce message ? Jean-Pierre Chevènement et José Bové ne s’y sont pas trompés en déclarant spontanément au printemps qu’ils prendraient en considération la candidature de Laurent Fabius s’il était désigné par les militants socialistes, même si depuis la nécessité de positionnements tactiques les ont conduits à moduler leurs commentaires au gré des propositions de chacun de nos présidentiables..

Car pour avoir été un européen convaincu mais exigeant déjà dans le passé, pour avoir su discerner ces dernières années au sein de l’électorat de gauche la forte volonté de résistance aux volontés et aux méfaits du libéralisme et pour avoir appelé avec de nombreux militants socialistes et d’autres forces de gauche à s’opposer au tsunami libéral qu’aurait constitué l’adoption du traité constitutionnel européen, seul Laurent Fabius est aujourd’hui en situation de pouvoir tenter de renouer le fil de la confiance susceptible de conduire au rassemblement de toute la Gauche et de créer la dynamique de la victoire aux présidentielles. C’est aussi simple que ça même si ce n’est bien entendu pas acquis d’avance !

D’autant que le Projet des socialistes, socle, en principe commun mais nécessairement a minima, de tous les candidats à la candidature n’oppose que le concept du « développement durable » face à « la rupture libérale » que pourrait mettre en oeuvre Nicolas Sarkozy, ce qui apparaît un peu insuffisant pour galvaniser notre électorat. Tandis que le détricotage du Code du travail et la remise en cause des services publics constituent depuis belle lurette une rupture libérale avec le pacte social issu de la Résistance !

Renfort appréciable, Lionel Jospin a récemment reconnu que « ce n’est pas le non qui a mis l’Europe en panne » et, loin de dessiner un nouvel ensemble institutionnel, a formulé des propositions économiques et sociales en puisant dans l’argumentaire des partisans du non et en dénonçant de surcroît « le dumping social et fiscal » régnant en Europe, ce qui constituait précisément le leit motiv des partisans du non lors du référendum.

Après quelques semaines de débats organisés entre nos trois présidentiables, qu’avons-nous appris ? Que Laurent Fabius, à l’instar de François Mitterrand qui fut le seul socialiste à être vainqueur aux élections présidentielles, considère qu’il faut d’abord rassembler toute la gauche pour créer une dynamique susceptible de faire bouger comme à chaque fois l’électorat indécis afin de gagner la présidentielle, et qu’une telle campagne ne peut se mener que une politique clairement de gauche ! Que Dominique Strauss-Kahn, à l’instar des sociaux-démocrates européens, considère que le socialisme d’opposition est une vieille lune et qu’il faut lui substituer « le socialisme de production », c’est-à-dire accepter le capitalisme tout en luttant contre ses excès, orientation politique qui ne pouvait que le conduire à accepter le projet de constitution européenne tout en estimant que le texte n’était pas à la hauteur des défis à relever ! Que Ségolène Royal cherche à sortir des sentiers battus en faisant des questions sociétales actuelles les questions sociales essentielles autour desquelles s’articulent les rapports sociaux, veut s’émanciper des principes fondamentaux du mouvement socialiste et du parti pour chercher à établir une relation directe avec le peuple dans la plus pure tradition de la Ve république, et prône une décentralisation exacerbée qui ne peut conduire qu’à la disparition de l’État républicain, même si une telle politique est argumentée autour de valeurs sociales qu’elle veut contribuer à défendre

Alors, que les militants socialistes, loin de la surexposition médiatique ou des fidélités partisanes veuillent bien renouer avec les fondamentaux de l’analyse politique, mesurer que l’opinion publique et l’électorat d’une part, les sondages et les scrutins d’autre part, ne sont pas des éléments comparables et partant n’obéissent pas aux mêmes logiques, et lire attentivement les réponses aux questions des trois présidentiables, réponses publiées dans le journal du parti, et le bon sens reprendre le dessus.. Nous aurons alors fait collectivement un grand pas vers la victoire de la Gauche, seule susceptible de stopper les méfaits du libéralisme et de réformer notre société en profondeur dans le sens de l’intérêt général, ce qu’attend l’électorat populaire !

Vincent Assante. Membre du Conseil National du PS. Membre du Conseil National du courant NPS.


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