Retraites Le rapport du COR : une propagande capitaliste éhontée (NPA)

mardi 27 avril 2010.
 

Le rapport que le COR a remis au gouvernement et le battage médiatique époustouflant qui a suivi constituent un gigantesque effort de propagande pour faire avaler au bon peuple comme inéluctables des solutions totalement réactionnaires et au service des intérêts du patronat, pour les retraites. Il s’agit de conditionner les esprits et de bloquer toute velléité de raisonner autrement. Tout est dans la manière de présenter et justifier les scénarios retenus, comme allant de soi, neutres, quasi scientifiques. L’utilisation de l’appareillage statistique sert à cela entre autres. Mais leur résultat dépend de ce qu’on y entre et de ce qu’on veut en sortir. La place des postulats de base et de ce qui n’est pas étudié est alors primordiale. Out le chômage zéro, sans parler du crime de lèse profits qu’est l’interdiction des licenciements. Quand ça l’arrange, le COR raisonne à législation constante. La part de la population vieillissante croît. Oui et alors  ? Est-ce incompatible avec la croissance économique qui pourrait payer cette augmentation  ?

Et il ne faut pas oublier que tous les pays sont confrontés au même problème et ont déjà pris des mesures de réduction drastique. La France ne pourrait donc pas se singulariser. Thème favori de Sarkozy. Le COR veut dire que le capitalisme qui n’a pas de frontières impose dans différents pays les mêmes mesures, pour sauver le processus d’accumulation du capital. Cela va de soi. La question est de savoir si on doit le suivre.

Et les chiffres des besoins de financement sont sidérants. Des besoins estimés entre 72 et 115 milliards. É-nor-me, on vous dit. Tellement énorme pour le salarié ou le retraité moyen qui a du mal à boucler ses fins de mois avec une paie de 1 200 euros, quand il les touche  ! Inimaginable. Et c’est bien cet effet de sidération qui est recherché. Impossible d’écouter une radio sans s’entendre rabâcher ce «  constat  », au cas où on ne s’en serait pas bien imprégné. La peur vous gagne, il faut faire quelque chose, vite. Pour 2050.

Là gît une autre embrouille. Dans un système par répartition, les retraites de 2050 seront payées par l’activité économique, le travail des actifs employés en 2050. Or les projections 2050 sont aléatoires sur tous les plans ou bien fondées sur des hypothèses politiques qui ne disent pas leur nom, ce que nous mettons en lumière dans le décorticage du rapport.

Après la peur, la culpabilisation. Les retraités qui vivent mieux que les actifs. Et si on ne fait rien maintenant, ce seront nos enfants qui vont en pâtir, égoïstes que nous sommes, leur salaire d’activité va diminuer.

Et enfin, tous les non étudiés. Quelle part des exonérations de charges patronales par exemple dans le manque à gagner  ? Bonne question, mais qui n’intéresse pas le COR. Il raisonne à réglementation constante on vous dit. Tout est orienté de fait vers une conclusion «  logique  »  : il va falloir retarder le départ à la retraite (ce qui ne veut pas dire avoir un emploi, les licenciés de plus de 50 ans, les invalides en savent quelque chose), et gagner moins. Travailler plus pour gagner moins, voilà un slogan moderne  !

Soyons raisonnables. Mobilisons-nous en masse, unitairement, pour faire échec à ce hold-up sur nos vies, qui valent mieux que leurs profits.

Le COR machine d’intégration gouvernementale

Le COR, Conseil d’orientation des retraites, a été créé par décret du gouvernement Jospin en mai 2000, confirmé par la loi du 21 août 2003 et mis en place par le décret du 28 mai 2004, sous Raffarin.

Dix représentants syndicaux sur 38 membres et quatre députés et sénateurs PS ou PCF font partie de cette machine gouvernementale. La question du nombre de représentants n’est pas le problème central, mais bien celui de sa fonction. Il est mandaté pour mener plusieurs missions qui en disent long sur sa fonction réelle  : «  décrire les évolutions et les perspectives à moyen et long termes des régimes de retraite légalement obligatoires, au regard des évolutions économiques, sociales et démographiques, et élaborer, au moins tous les cinq ans, des projections de leur situation financière […], formuler les avis prévus par la loi n°2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites (avis préalable aux décisions à prendre tous les quatre ans relativement à la durée d’assurance requise dans les régimes de retraite)  ».

Voilà donc, au-delà d’un aspect de centralisation des informations, le but véritable du conseil  : faire des propositions pour appliquer la contre-réforme Fillon. Qu’ils le veuillent ou non, tous les participants sont dans ce carcan. Ils sont censés appliquer cette loi, même s’ils l’ont combattue  ! Notamment moduler les règles de la durée de cotisation. Sur quels critères économiques, sociaux  ? Les experts d’État, du patronat et consorts défendent les leurs. Le but du jeu est d’arriver à un constat partagé. Mais quel constat  ? Que la trésorerie des caisses baisse dangereusement  ? Il n’y a pas besoin d’un machin comme le COR pour s’en apercevoir. Les administrateurs confédéraux de chaque régime le savent tout aussi bien. Une vraie question est de savoir d’où vient le manque à gagner. Mais là, pas touche. On noie cette question dans des scénarios qui éjectent les vrais problèmes. Autrement dit, le but recherché est de mettre les organisations syndicales dans le chaudron de la pensée libérale et de les y maintenir autant que possible. La règle non écrite du fonctionnement est le consensus. À la différence du Conseil économique et social, par exemple, on n’indique jamais d’éventuels votes. Ce qui permettrait de savoir qui a proposé quoi.

Alors de temps à autre, quand le Medef pousse le bouchon un peu trop loin, les syndicats haussent le ton  ! Sinon, les propositions et avis sont ceux du COR comme institution, intégrant les syndicats. Et ce n’est pas fini. La séance du 16 juin prochain a au menu l’épargne retraite. En y participant, les syndicats légitiment une telle approche, totalement contradictoire avec la défense intransigeante de la retraite par répartition.

Bien sûr, devant l’ampleur des attaques, les confédérations sont obligées de pointer des désaccords plus ou moins forts. «  Nous ne sommes pas d’accord avec le COR  », disent-elles. Mais le COR c’est aussi eux, d’une certaine façon. Et si, vraiment, ils croient que c’est une usurpation de pouvoir, qu’ils ne sont que l’alibi des réformes réactionnaires, alors il faut démissionner. Les organisations syndicales ne doivent pas faire corps avec le COR  !

Les retraites du COR : Travailler plus pour gagner moins

Le huitième rapport du COR dit s’en tenir à une «  actualisation des projections financières du système de retraite en prenant en compte les conséquences à plus long terme de la crise  » [1]. En réalité, le but visé est de justifier du caractère inéluctable du report de l’âge de départ à la retraite, et simultanément de la nécessaire baisse des retraites, comme «  conditions d’équilibre du système de retraite  » [2].

Toute la démonstration tourne autour de cet impératif en manipulant les variables qui conditionnent cet équilibre, ne serait-ce que par omission. Sans dire trop précisément les moyens d’accompagnement de cet objectif. Il est dit benoîtement qu’un dossier technique sera établi prochainement par le secrétariat général du COR, pas par le Conseil puisque c’est «  technique  ». «  Il inclura notamment, à la suite de la demande de membres du Conseil [le Medef, qui trouve le rapport encore trop optimiste  !], des variantes aux projections actualisées portant sur la durée d’assurance et les âges de la retraite, et abordera d’autres questions relatives au financement des régimes de retraites  » [3]. Sans doute, le complément par capitalisation, objet d’une séance en juin. Rien que ça. Bizarrement, rien sur le décompte par points ou compte notionnel qui ont fait l’objet de rapports au sein du COR. Une seule attaque à la fois. On n’est pas au bout de nos surprises.

Les déficits sont déjà là. À cause de la crise et de ses répercussions sur l’emploi. Vrai dans le sens où les capitalistes font payer la crise aux travailleurs. À prendre LA crise comme une donnée intangible, on s’interdit de penser d’autres moyens pour conjurer ses effets, sinon ses causes. Il faudrait donc accepter la crise et ses effets.

Mais rien sur les dettes du patronat, les exonérations de charges patronales… Certes, cela ne résoudrait pas tous les problèmes pour 2020 ou 2050. Mais cela réduirait d’autant les besoins de financement.

Un autre présupposé du COR est de réfléchir à législation constante. Donc, à les suivre, ces exonérations existeraient encore en 2030. Comme est acquis que la durée de cotisation est de 41 ans, puis 41 ans et demi. Voire 42. C’est ce que nous contestons.

Le faux argument de la démographie

L’autre argument massue est celui de la démographie. L’arrivée des baby boomers à l’âge de la retraite. Mais cette vague s’éteindra d’elle-même vers 2036-2040. Ce seront ensuite des classes creuses. D’autre part, l’allongement de la durée de vie aurait pour conséquence l’augmentation de la part des retraités, et donc des besoins de financement supplémentaires si on ne fait rien. À manier avec précaution, il semble que la vitesse d’allongement de la durée de vie tend à diminuer. Cet épouvantail n’est pas nouveau, il a déjà servi sous Rocard et depuis. Le hic, c’est qu’à long terme, le pronostic est assez aléatoire. L’histoire des vingt dernières années montre que l’effondrement démographique prédit n’a pas eu lieu. Au contraire même. L’indice conjoncturel de fécondité est proche de celui nécessaire au renouvellement du stock de population. Et celui-ci est probablement atteint si on prend l’indice final, c’est-à-dire le nombre d’enfants réellement nés dans le temps où une femme peut procréer. Période qui s’est déplacée dans le temps. Mais c’est aussi sans compter sur l’environnement, par exemple la disponibilité de l’accueil de la petite enfance, l’état de l’emploi pour les femmes. Qui peut dire ce que sera la pratique nataliste des couples en 2020, qui seront actifs (30 ans) en 2050  ? Et le solde migratoire qui s’est avéré le double de celui prévu au départ.

Le vrai problème n’est pas celui du nombre d’actifs, mais d’actifs employés [4], à temps partiel ou pas, avec quels salaires, notamment l’emploi des femmes, les plus pénalisées dans l’emploi et encore plus pour les pensions, ce qui a une répercussion directe sur les cotisations, donc les ressources des régimes de retraite. Si on prend le ratio de dépendance économique, c’est-à-dire la part de la population prise en charge par les personnes ayant un emploi, l’augmentation n’est que de 13 % en 40 ans. Augmentation qui serait largement comblée par l’augmentation de productivité sur une telle période [5].

Des mesures réactionnaires

L’intérêt d’un tel discours est d’être alarmiste pour mieux faire passer les mesures réactionnaires. Dans ses scénarios, le COR part d’hypothèses de chômage entre 4,5 % et 7 % et des gains de productivité entre 1,5 et 1,8 %. C’est ce que le Medef trouve trop optimiste.

Faut-il rappeler que partir à la retraite plus tard ne veut pas dire avoir un emploi plus longtemps alors que la politique dite de l’emploi des seniors est un bide retentissant.

C’est donc une tout autre politique de l’emploi qui doit être développée, intégrant un emploi à temps plein, à durée indéterminée, pour les jeunes et les femmes. Voir nos propositions en la matière.

Les projections qui découlent de tous ces a priori montrent que l’âge «  spontané  » de liquidation de la retraite reculerait de deux ans à l’horizon 2050. Insuffisant pour atteindre l’équilibre des régimes en 2050. Il faudrait, selon le COR, peser sur trois leviers  :

 «  soit une hausse du taux de prélèvement de 9, 8 points  », ce qui pénaliserait gravement le salaire direct des salariés. Jugement qui n’est vrai que si on augmente la cotisation dite «  ouvrière  » et plus du tout si on augmente seulement la part dite «  patronale  ». Ce dont ne veulent pas entendre parler les patrons.

 «  soit une baisse des pensions relativement aux revenus nets d’activité de 36 %  »

 «  soit un décalage supplémentaire de l’âge effectif moyen de départ à la retraite de près de dix ans par rapport à 2008  » [6]  !

Ou un petit mélange des trois. Mais dans tous les cas de figure, baisse des pensions et augmentation de l’âge réel de départ à la retraite sont au programme, quels que soient «  les moyens à utiliser pour faire évoluer les différents leviers  » [7]. La retraite pour les morts est de retour.

NPA

Notes

[1] Rapport, p.5.

[2] Id. même page.

[3] Idem.

[4] La population active est la population en âge de travailler, et comprend donc, entre autres, les chômeurs.

[5] Argumentation développée dans un ouvrage Attac Copernic à paraître prochainement, chapitre 4.

[6] Huitième rapport du COR, p.46

[7] Idem


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