Les véritables enjeux
de la bataille des retraites (Par Jacques Nikonoff, porte-parole du MPEP et ancien président d’ATTAC)

jeudi 29 avril 2010.
 

Quelles sont les mesures à imposer et les perspectives à porter pour sauver les retraites ?

1. Préserver le droit de bien vivre ­pendant sa retraite. Nous vivons plus longtemps, il faut donc consacrer aux retraites une part plus importante de la richesse nationale  : 5 % du PIB en 1970  ; 12 % en 2010 ; 20 % en 2050.

2. Déjouer l’opération de Sarkozy, qui veut une revanche sociale. Le PS et certains syndicats n’étant pas clairs sur les retraites, Sarkozy pense pouvoir diviser la gauche et infliger un échec au mouvement social, afin de se remettre dans la course pour 2012.

3. Interdire aux banquiers, assureurs et financiers de faire main basse sur nos retraites. Ils enragent car ils ne parviennent pas à ­placer les cotisations retraite sur les marchés financiers pour spéculer.

4. Briser la volonté des classes dirigeantes d’organiser l’insécurité des retraités après celle des salariés. Le FMI estime « qu’un ­système de retraite par répartition peut ­déprimer l’épargne nationale, parce qu’il crée de la sécurité dans le corps social ». Mais les fonds de pension sont au bord de la faillite  ! ­Repousser l’âge légal de départ à la retraite ne repousse pas l’âge de fin d’activité, puisque les employeurs se débarrassent des « vieux » travailleurs. Le but est de les faire partir au même âge, mais avec une pension plus faible. C’est le moyen de les « obliger » à épargner  !

5. Imposer un nouveau partage des richesses. En trente ans, la rétribution du travail dans la richesse nationale a baissé de 10 % (170 milliards d’euros). Parallèlement, les dividendes versés aux actionnaires sont passés de 3,2 % du PIB en 1982, à 8,5 % en 2009. Il faut les faire baisser pour financer, notamment, les retraites  !

6. Supprimer le chômage et la précarité en développant des productions et des ­services permettant de répondre aux besoins sociaux, tout en organisant la conversion écologique de l’économie. Le chômage et la précarité privent de recettes les régimes de protection sociale. Il faut donc les supprimer  ! C’est ­possible grâce au « droit opposable à l’emploi » qui permettra la relocalisation de l’économie, la conversion écologique du mode de production et la création d’emplois dans les secteurs non marchands pour répondre aux besoins de la population. Le financement des retraites ne doit pas alimenter l’économie ­marchande ­actuelle sans tenir compte de la crise ­écologique. Il ne faut pas augmenter le gâteau (le PIB), il faut changer de gâteau  ! Passer de productions futiles à des productions utiles, de productions nuisibles à des productions saines. Les 15 millions de retraités ne dépendent pas du travail des actifs  : par leur consommation, ils créent des millions d’emplois  ; ils sont eux-mêmes actifs car ils travaillent et créent de la valeur d’usage non marchande.

7. Désobéir à l’Union européenne et prendre des mesures protectionnistes universalistes pour développer notre système social et le ­promouvoir à l’étranger. L’ancien gouverneur de la Bundesbank, Hans Tietmeyer, explique le rôle de l’Union européenne  : « La concurrence entre les systèmes de protection sociale sera plus forte, pas seulement vis-à-vis du monde non européen, mais aussi à l’intérieur de l’Europe… » Il faut désobéir à l’Union ­européenne, et même envisager d’en sortir, prendre des mesures protectionnistes dans un cadre ­universaliste (charte de La ­Havane), ­interdire les ­délocalisations. Alors il sera ­possible d’augmenter les cotisations sociales patronales sans pénaliser l’emploi.

8. Soumettre le PS à la « question sociale ». Le PS a participé à la casse des retraites. Il rêve de 2012 et veut adopter une « posture responsable » : plier devant les milieux d’affaires sans en donner l’impression à l’électorat. Le succès de la gauche en 2012 dépendra en partie des luttes sur les retraites  : plus elles seront fortes, plus le PS proposera un programme de gauche  !

9. Développer le « travail libéré » que font les retraités, prémices d’un socialisme du XXIe siècle. Les retraités travaillent  ! Pour comprendre, distinguons le travail de l’emploi. Le travail est l’activité de production de biens et de services qui permet de répondre aux besoins individuels et collectifs. L’emploi est le cadre, souvent juridique, dans lequel on exerce un travail. Les retraités travaillent mais ils n’ont pas d’emploi  ! Ils travaillent à rendre la vie plus douce aux autres, à leur famille, à leur voisinage, dans les associations. Ils réinvestissent leurs qualifications professionnelles et sociales sous des formes différentes, non marchandes. Ce travail ne s’exerce pas sur le marché du travail, ils n’ont pas de lien de subordination avec un employeur, ils décident de ce qu’ils font, c’est un travail émancipé, un embryon de contrôle des citoyens sur l’économie. Leur pension est un salaire à vie, inaliénable, sans contrepartie. L’enjeu de la bataille des retraites est aussi celui du travail libéré de l’exploitation et des nuisances. L’activité des retraités préfigure un socialisme du XXIe siècle, sans « marché du travail », sans salariat, sans employeurs qui exploitent…


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