Un an après sa création, l’atterrissage douloureux du NPA d’Olivier Besancenot (article Le Monde)

vendredi 23 avril 2010.
 

Le Nouveau Parti anticapitaliste a à peine un an et son anniversaire a un goût bien amer. Déception militante, déconfiture électorale, crise interne majeure et un porte-parole aux abonnés absents... Il semble loin le temps où les amis d’Olivier Besancenot claironnaient être "la nouvelle force pour changer le monde".

C’était en février 2009 et pas loin de 10 000 cartes d’adhérents avaient été placées. Le "parti d’Olivier" avait réussi à attirer beaucoup de jeunes radicaux, des ouvriers lassés des syndicats considérés comme trop mous, d’altermondialistes et de syndicalistes en mal de politique et plein de "novices" dont le seul bagage est l’antisarkozysme. La Ligue communiste révolutionnaire (LCR) venait d’être dissoute et ses dirigeants mis à la retraite. L’étendard était passé du trotskisme à "l’anticapitalisme" et à "l’indépendance totale vis-à-vis du PS". Dans les entreprises, les militants du NPA se voyaient en "superdélégués syndicaux" appelant à la grève générale.

Le "camarade Olivier" caracole alors dans les sondages, apparaissant comme le seul opposant à M. Sarkozy face à une gauche à la peine. Le facteur alterne plateaux de télé "punchy" et visites dans les usines. Fini "la vieille gauche défaillante" - un PS englué dans ses querelles, un PCF moribond et des Verts qui se cherchent -, place à la "vraie gauche qui résiste".

L’atterrissage est douloureux.

Le NPA s’est vu distancé électoralement par le Front de gauche, l’alliance entre le PCF et le Parti de gauche de Jean-Luc Mélenchon. Avec Martine Aubry, le PS est redevenu crédible. Et pour la nouveauté en politique, c’est Europe Ecologie. "On s’est auto-intoxiqués en disant qu’on était les seuls à gauche à résister à Sarkozy et on a oublié de faire de la politique", reconnaît Pierre-François Grond, numéro deux du parti. Ajoutant même : "Tous ceux qui étaient contre Sarkozy ont eu le vent dans les voiles sauf nous..."

Sur le terrain social, le mouvement du printemps 2009 semble bien loin. Les grèves sont en recul et quand les ouvriers occupent leurs usines, c’est pour obtenir de meilleures indemnités de départ. Pas pour lancer la grève générale. "Le NPA a cru pouvoir se substituer aux syndicats et pensé qu’il allait tout écraser sur son passage. C’était une illusion totale", remarque Léonce Aguirre, membre de l’exécutif.

La déception est aussi perceptible chez les militants. La présence d’une candidate voilée dans le Vaucluse a entraîné un vrai malaise, mais c’est la ligne isolationniste du NPA lors des régionales qui a provoqué le plus de retraits. La direction nie toute hémorragie mais reconnaît une vingtaine de départs au Conseil politique national et admet que le parti ne comptait plus que 8 000 militants en décembre. "On sera en dessous au prochain congrès", concède M. Grond. Quant aux comités locaux, ils se réunissent avec un tiers de militants en moins. "C’est un peu la redescente. On se demande si ça vaut la peine de continuer avec une organisation où seule une poignée de personnes autour de Besancenot dirige", lâche Leila Chaibi, démissionnaire de la direction.

"Erreur"

Enfin, l’image de M. Besancenot a souffert elle aussi. Le dernier baromètre IFOP pour Paris Match du 15 avril le met à 46 % de bonnes opinions, soit dix points de moins depuis décembre 2009. "Il est ramené à son plus bas niveau de fin 2006", note Jérôme Fourquet, directeur de l’institut. Le jeune facteur est toujours populaire, mais cela ne suffit plus. "Il ne peut remonter que si les autres font des erreurs. Le NPA n’est plus maître de son destin", souligne Vincent Tiberj, chercheur au Centre d’études européennes de Sciences Po.

Après une telle gueule de bois, la direction tente de colmater les brèches en évitant une réunion extraordinaire en juin demandée par la minorité. Trop sensible dans l’immédiat, le débat est renvoyé au congrès en novembre. Et là, promis, on parlera programme, voile et stratégie. "Il faut un débat de qualité donnant un second souffle au NPA", insiste M. Grond.

Mais le profil du parti ne devrait pas changer. Le NPA y réaffirmera sa laïcité et reconnaîtra son "erreur" sur le voile. Il acceptera les "confrontations" pour apparaître moins sectaire, mais refusera "tout Meccano avec le PS" ou de s’allier avec le Front de gauche. "Nous avons besoin de ce congrès de fondation pour nous regrouper autour de solutions simples à la crise", estime Yvan Lemaître, membre de la direction. Quant à la présidentielle, le choix de la candidature se fera seulement en 2011.

D’ici là, M. Besancenot fait le dos rond. Plus de télévisions ni interviews dans les journaux - "Il n’a pas envie de répondre aux questions sur l’échec du NPA", dit son bras droit -, aucune contribution interne ne porte sa signature, il s’est retiré. "Il faut qu’on apprenne le silence", insiste M. Grond. Pour lui, le NPA peut rétrécir mais "passera le cap de 2012". Grâce à "Olivier", pensent-ils tous.

Sylvia Zappi


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