La grande sensibilité des écrivains leur a permis de magnifiquement décrire le caractère des chats.
Victor Hugo nous laissé cette métaphore splendide « Dieu a inventé le chat pour que l’homme ait un tigre à caresser chez lui. ». L’auteur des Misérables vivait entouré de chats, comme le réputé Chanoine (chat de Victor Hugo campé par Champfleury) : ”Au milieu s’élevait un grand dais rouge, sur lequel trônait un chat qui semblait attendre les hommages de ses visiteurs. Un vaste collier de poils blancs se détachait comme une pèlerine de chancelier sur sa robe noire. La moustache était celle d’un magyar hongrois, et quand solennellement l’animal s’avança vers moi, me regardant de ses yeux flamboyants, je compris que le chat s’était modelé sur le poète et reflétait les grandes pensées qui emplissaient le logis.”
François, chat du couple Raquin dans le premier roman de Zola. François et Thérèse « François gardant une immobilité de pierre, la contemplait toujours ; ses yeux seuls paraissaient vivants ; et il y avait, dans les coins de sa gueule, deux plis profonds qui faisaient éclater de rire cette tête d’animal empaillé. » François face à Laurent, amant de Thérèse « D’un bond, il sauta sur une chaise ; le poil hérissé, les pattes roidies, il regardait son nouveau maître en face, d’un air dur et cruel. Le jeune homme n’aimait pas les chats, François l’effrayait presque. Dans cette heure de fièvre et de crainte, il crut que le chat allait lui sauter au visage pour venger Camille. Cette bête devait tout savoir : il y avait des pensées dans ses yeux ronds étrangement dilatés. Laurent baissa les paupières, devant la fixité de ces regards de brute. »
Laissons une dernière citation au plus amoureux des chats parmi les écrivains français, Pierre Loti (auteur en particulier d’un classique de mon enfance Pêcheur d’Islande) : "Dans notre ignorance de tout, notre impuissance à rien savoir, quel étonnement (et peut être quelle terreur) il y aurait à pénétrer, par les étranges fenêtres de ces yeux, jusqu’à l’inconnaissable de ce petit cerveau caché derrière... Mais non, jamais, jamais, il ne sera donné à aucun de nous de rien déchiffrer, dans ces petites têtes câlines qui se font si amoureusement, caresser, tenir et comme pétrir dans nos mains."
Le chat ayant colonisé notre planète (voici environ 50 millions d’années) bien avant l’homme (environ 3 millions pour le genre homo), Jacques Sternberg (Contes glacés) en dégage ce raccourci historique « Au commencement, Dieu créa le chat à son image. Et bien entendu, il trouva que c’était bien. Mais le chat était paresseux. Il ne voulait rien faire. Alors, plus tard, après quelques millénaires, Dieu créa l’homme. Uniquement dans le but de servir le chat, de lui servir d’esclave jusqu’à la fin des temps… ».
Durant mon enfance, une chatte jouait un rôle important dans notre maison ; elle s’appelait Tigresse... Célèbre pour son mauvais caractère avec les personnes qu’elle n’aimait pas, elle lançait souvent ses griffes comme des éclairs sur leurs mains inopportunes puis urinait dans une chaussure, leur chapeau ou leur montre à gousset ouverte... Célèbre pour ses qualités dans la chasse aux rats, plusieurs commerçants nous l’empruntaient malgré les dégâts qu’elle occasionnait dans cette occupation... Célèbre pour son amour envers notre renard mâle apprivoisé, elle dormait entre ses pattes, blottie contre son ventre.
La ferme de mes grands parents maternels abritait toujours trois ou quatre chats. Je me souviens surtout de Saurelle (Saourélo) au pelage jaune orange clair dominant ; nous l’appelions aussi la bergère car elle assumait quelques fonctions utiles dans la basse cour, fait rarissime à ma connaissance. Avec un marteau, nous écrasions châtaigne après châtaigne durant toute l’année comme complément alimentaire pour une quinzaine de poules. L’opération prenait une bonne heure et certaines poules étaient tentées d’approcher la châtaigne à écraser avant le choc du marteau. La seule présence de Saurelle retenait les poules à une trentaine de centimètres alors que je ne l’ai jamais vu griffer une poule.
A l’époque où j’avais quelques petites responsabilités politiques dans la Ligue Communiste Révolutionnaire, je prenais souvent le dernier train pour rentrer de la gare de Lyon à Melun... Une bonne heure de chemin de fer... Une longue marche à pied pour monter à L’Almont. J’arrivais devant notre tour de 16 étages vers deux heures du matin. Minette m’attendait cachée dans un bac à fleurs, me suivait pour manger, ronronnait, dormait et redescendait faire sa vie de chatte parmi les tours le reste de la journée. En déménageant pour l’Aveyron, je croyais lui donner un cadre de vie plus agréable. En fait, elle fit des tours de plus en plus lointains autour de notre nouvelle location puis disparut au bout d’une quinzaine de jours.
Une dizaine de chats errants hantaient le quartier haut de mon bourg d’Entraygues. Quelques bénévoles ont eu l’idée de créer une association pour « promouvoir la liberté des chats de notre ville en assurant stérilisation, identification, alimentation et contrôle sanitaire... Entrechats d’Entraygues désire transformer les chats errants en chats libres de notre commune ».
Cette petite faune passe et repasse sans cesse autour de notre maison et du jardin. J’ai déjà bien repéré Abby, Aloa, Adèle, Agathe et Annie. Il est vrai que des chats "libres" ont tôt fait de réduire le nombre d’oiseaux ayant pris l’habitude de se prélasser ici et là dans le secteur. Ainsi, je crois bien qu’ils ont fait récemment un festin avec la grive musicienne qui me tenait compagnie au jardin.
Ma copine Turlutüt, la grive musicienne
Malgré cet inconvénient, je suis favorable et intéressé par la création d’Entrechats d’Entraygues car j’étais habitué dans mon enfance à diverses espèces d’animaux apprivoisés libres. Il s’agissait surtout d’oiseaux comme Coco le corbeau qui tenait compagnie aux pêcheurs tout en prélevant régulièrement sa part de fromage. J’avais déjà mis un article en ligne sur mes chardonnerets et tarins.
Chardonnerets, tarins apprivoisés libres au centre ville de Toulouse
1) LE CHAT ET LE SOLEIL
MAURICE CARÊME (1899-1978)
Le chat ouvrit les yeux
le soleil y entra
le chat ferma les yeux
le soleil y resta
voila pourquoi le soir
quand le chat se réveille
j’aperçois dans le noir
deux morceaux de soleil
L’Arlequin
2) A UN CHAT
JOSE LUIS BORGES (1899-1986)
Non moins furtif que l’aube aventurière,
Non moins silencieux que le miroir,
Tu passes et je pense apercevoir
Sous la lune équivoque une panthère.
Par quelque obscur et souverain décret
Nous te cherchons. Nous voulons, fauve étrange
Plus lointain qu’un couchant ou que le Gange,
Forcer ta solitude et ton secret.
Ton dos veut bien prolonger ma caresse ;
Il est écrit dans ton éternité
Que s’accordent à ta frileuse paresse
Ma main et son amour inquiété,
Ton temps échappe à la mesure humaine.
Clos comme un rêve est ton domaine.
3) Les chats
Charles Baudelaire
Les amoureux fervents et les savants austères
Aiment également, dans leur mûre saison,
Les chats puissants et doux, orgueil de la maison,
Qui comme eux sont frileux et comme eux sédentaires.
Amis de la science et de la volupté,
Ils cherchent le silence et l’horreur des ténèbres ;
L’Erèbe les eût pris pour ses coursiers funèbres,
S’ils pouvaient au servage incliner leur fierté.
Ils prennent en songeant les nobles attitudes
Des grands sphinx allongés au fond des solitudes,
Qui semblent s’endormir dans un rêve sans fin ;
Leurs reins féconds sont pleins d’étincelles magiques,
Et des parcelles d’or, ainsi qu’un sable fin,
Etoilent vaguement leurs prunelles mystiques.
(Les Fleurs du mal)
4) À La Mémoire d’une Chatte Naine Que j’avais
Jules Laforgue
Ô mon beau chat frileux, quand l’automne morose
Faisait glapir plus fort les mômes dans les cours,
Combien passâmes-nous de ces spleeniques jours
À rêver face à face en ma chambre bien close.
Lissant ton poil soyeux de ta langue âpre et rose
Trop grave pour les jeux d’autrefois et les tours,
Lentement tu venais de ton pas de velours
Devant moi t’allonger en quelque noble pose.
Et je songeais, perdu dans tes prunelles d’or
Il ne soupçonne rien, non, du globe stupide
Qui l’emporte avec moi tout au travers du Vide,
Rien des Astres lointains, des Dieux ni de la Mort ?
Pourtant !... quels yeux profonds !... parfois... il m’intimide
Saurait-il donc le mot ? - Non, c’est le Sphinx encor.
5) On les a fait Venir !
Henri Monnier
1
Je suis le chat de cimetière,
De terrain vague et de gouttière,
De haute-Egypte et du ruisseau
Je suis venu de saut en saut.
2
Je suis le chat qui se prélasse
A l’instant où le soleil passe,
Dans vos jardins et dans vos cours
Sans avoir patte de velours.
3
Je suis le chat de l’infortune,
Le trublion du clair de lune
Qui vous réveille dans la nuit
Au beau milieu de vos ennuis.
4
Je suis le chat des maléfices
Condamné par le Saint-Office ;
J’évoque la superstition
Qui cause vos malédictions.
5
Je suis le chat qui déambule
Dans vos couloirs de vestibules,
Et qui fait ses petits besoins
Sous la porte cochère du coin.
6
Je suis le félin bas de gamme,
La bonne action des vieilles dames
Qui me prodiguent le ron-ron
Sans souci du qu’en dira-t-on.
7
Epargnez moi par vos prières
Le châtiment de la fourrière
Où finissent vos émigrés
Sans demeure et sans pedigree.
6) A UNE CHATTE...
Charles Cros 1842-1888)
1.
Chatte blanche, chatte sans tache,
Je te demande, dans ces vers,
Quel secret dort dans tes yeux verts,
Quel sarcasme sous ta moustache.
2.
Tu nous lorgnes, pensant tout bas
Que nos fronts pâles, que nos lèvres
Déteintes en de folles fièvres,
Que nos yeux creux ne valent pas.
3.
Ton museau que ton nez termine
Rose comme un bouton de sein
Tes oreilles dont le dessin
Couronne fièrement ta mine.
4.
Pourquoi cette sérénité ?
Aurais-tu la clé des problèmes
Qui nous font frissonnants et blêmes,
Passer le printemps et l’été ?
5.
Devant la mort qui nous menace,
Chats et gens, ton flair, plus subtil
Que notre savoir, te dit-il
Où va la beauté qui s’efface ?
6.
Où va la pensée, où s’en vont
Les défuntes splendeurs charnelles ?
Chatte, détourne tes prunelles,
J’y trouve trop de noir au fond.
(Le coffret de santal 1873)
7) LE CHAT
Charles Baudelaire
Dans ma cervelle se promène,
Ainsi qu’en son appartement,
Un beau chat, fort, doux et charmant.
Quand il miaule, on l’entend à peine,
Tant son timbre est tendre et discret ;
Mais que sa voix s’apaise ou gronde,
Elle est toujours riche et profonde.
C’est là son charme et son secret.
Cette voix, qui perle et qui filtre
Dans mon fonds le plus ténébreux,
Me remplit comme un vers nombreux
Et me réjouit comme un philtre.
Elle endort les plus cruels maux
Et contient toutes les extases ;
Pour dire les plus longues phrases,
Elle n’a plus besoin de mots.
Non, il n’est pas d’archet qui morde
Sur mon coeur, parfait instrument,
Et fasse plus royalement
Chanter sa plus vibrante corde,
Que ta voix, chat mystérieux,
Chat séraphique, chat étrange,
En qui tout est, comme en un ange,
Aussi subtil qu’harmonieux !
"Le chat", section I, Les fleurs du mal.
8) ODE AU CHAT
PABLO NERUDA (1904-1973)
Au commencement
les animaux furent imparfaits
longs de queue,
et tristes de tête.
Peu à peu ils évoluèrent
se firent paysage
s’attribuèrent mille choses,
grains de beauté, grâce, vol...
Le chat
seul le chat
quand il apparut
était complet, orgueilleux.
parfaitement fini dès la naissance
marchant seul
et sachant ce qu’il voulait.
L’homme se rêve poisson ou oiseau
le serpent voudrait avoir des ailes
le chien est un lion sans orientation
l’ingénieur désire être poète
la mouche étudie pour devenir hirondelle
le poète médite comment imiter la mouche
mais le chat
lui
ne veut qu’être chat
tout chat est chat
de la moustache à la queue
du frémissement à la souris vivante
du fond de la nuit à ses yeux d’or.
Il n’y a pas d’unité
comme lui
ni lune ni fleur dans sa texture :
il est une chose en soi
comme le soleil ou la topaze
et la ligne élastique de son contour
ferme et subtil
est comme la ligne de proue d’un navire.
Ses yeux jaunes
laissent une fente
où jeter la monnaie de la nuit.
Ô petit empereur
sans univers
conquistador sans patrie
minuscule tigre de salon,
nuptial sultan du ciel
des tuiles érotiques
tu réclames le vent de l’amour
dans l’intempérie
quand tu passes
tu poses quatre pieds délicats
sur le sol
reniflant
te méfiant de tout ce qui est terrestre
car tout est immonde
pour le pied immaculé du chat.
Oh fauve altier de la maison,
arrogant vestige de la nuit
paresseux, gymnaste, étranger
chat
profondissime chat
police secrète de la maison
insigne d’un velours disparu
évidemment
il n’y a aucune énigme
en toi :
peut-être que tu n’es pas mystérieux du tout
qu’on te connaît bien
et que tu appartiens à la caste la moins mystérieuse
peut-être qu’on se croit
maîtres, propriétaires,
oncles de chats,
compagnons, collègues
disciples ou ami
de son chat.
Moi non.
Je ne souscris pas.
Je ne connais pas le chat.
Je sais tout de la vie et de son archipel
la mer et la ville incalculable
la botanique
la luxure des gynécées
le plus et le moins des mathématiques
le monde englouti des volcans
l’écorce irréelle du crocodile
la bonté ignorée du pompier
l’atavisme bleu du sacerdoce
mais je ne peux déchiffrer un chat.
Ma raison glisse sur son indifférence
ses yeux sont en chiffres d’or.
9) Epitaphe d’un chat
Joachim du Bellay
La tête à la taille pareille,
Le col grasset, courte l’oreille,
Et dessous un nez ébénin
Un petit mufle léonin,
Autour duquel était plantée
Une barbelette argentée,
Armant d’un petit poil follet
Son musequin damoiselet ;
La gorge douillette et mignonne,
la queue longue à la gueunonne,
Mouchetée diversement
D’un naturel bigarrement :
Tel fut Belaud la gente bête
Qui des pieds jusques à la tête,
De telle beauté fut pourvu
Que son pareil on n’a point vu.
10) Femme et Chatte
Paul Verlaine
Elle jouait avec sa chatte,
Et c’était merveille de voir
La main blanche et la blanche patte
S’ébattre dans l’ombre du soir.
Elle cachait - la scélérate ! -
Sous ses mitaines de fil noir
Ses meurtriers ongles d’agate,
Coupants et clairs comme un rasoir.
L’autre aussi faisait la sucrée
Et rentrait sa griffe acérée,
Mais le diable n’y perdait rien...
Et, dans le boudoir où, sonore,
Tintait son rire aérien
Brillaient quatre points de phosphore.
11) LE PETIT CHAT BLANC
Claude ROY
Un petit chat blanc
qui faisait semblant
d’avoir mal aux dents
disait en miaulant :
« Souris mon amie
j’ai bien du souci.
Le docteur m’a dit :
Tu seras guéri
si entre tes dents
tu mets un moment
délicatement
la queue d’une souris. »
Très obligeamment
souris bonne enfant
s’approcha du chat
qui se la mangea.
Moralité
Les bons sentiments
ont l’inconvénient
d’amener souvent
de graves ennuis
aux petits enfants
comme-z-aux souris.
12) MON PETIT CHAT
Maurice CARÊME
1
J’ai un petit chat
Petit comme ça,
Je l’appelle Orange.
2
Je ne sais pourquoi
jamais il ne mange
Ni souris ni rat
3
C’est un chat étrange
Aimant le nougat
et le chocolat.
4
Mais c’est pour cela,
dit tante Solange
Qu’il ne grandit pas
13) Le chat bourgeois
Jean Anouilh, Fables
Un chat tuait sans vrai désir.
C’était un chat très riche et il n’avait pas faim
Il faut bien se distraire enfin :
Chat bourgeois a tant de loisirs....
On ne peut pas toujours dormir sur un coussin.
De souris, il ne mangeait guère ;
Son pedigree fameux l’ayant mis au dessus
Des nourritures du vulgaire.
Son régime était strict. Cet immeuble cossu,
En outre visité, à des dates périodiques,
Par les services de la dératisation,
Gens aux procédés scientifiques,
Tuant sans joie ni passion,
Au nom de I’administration,
De rat, de vrai bon rat, qui fuit et qu’on rattrape
Négligemment, ne le tuant qu’à petits coups
Sans tuer son espoir - vrai plaisir de satrape -
Il n’y en avait plus du tout
Avec leurs poisons et leurs trappes.
Restaient quelques moineaux bêtes et citadins,
Race ingrate
Qu’on étendait d’un coup de patte :
Assez misérable fretin.
Oubliant les rats,
L’employé du service d’hygiène ne vint pas.
On l’avait convoqué
Sur une autre frontière.
Pour tuer cette fois des hommes. Et la guerre,
Approchant à grands pas des quartiers élégants,
Les maîtres de mon chat durent fuir sans leurs gants,
En un quart d’heure, sur les routes incertaines.
Dans l’impérieux souci de sauver leur bedaine
Ils oublièrent tout, les bonnes et le chat.
Les bonnes changèrent d’état.
Loin de Madame, violée par des militaires,
Elles si réservées, elles se révélèrent
Putains de beaucoup de talent.
Leur train de vie devint tout à coup opulent
Et elles prirent une bonne.
Après un temps de désarroi,
Le chat, devenu chat, comprit qu’il était roi ;
Que la faim est divine et que la lutte est bonne.
D’un oeil blanc, d’une oreille arrachée aux combats
Dont il sorti vainqueur contre les autres chats,
Il paya ses amours royales sous la lune.
Sans régime et sans soin, ne mangeant que du rat
Il perdit son poil angora
Qui ne tenait qu’à sa fortune
Et auquel il ne tenait pas ;
Il y gagna la mine altière
Et l’orgueil des chats de gouttière,
Et bénit à jamais la guerre
Qui offre aux chats maigris des chattes et des rats.
Jamais ce que l’on vous donne
Ne vaudra ce que l’on prend
Avec sa griffe et sa dent.
La vie ne donne à personne.
14) Le chat Le feu de ses prunelles
Charles Baudelaire
De sa fourrure blonde et brune
Sort un parfum si doux, qu’un soir
J’en fus embaumé, pour l’avoir
Caressée une fois, rien qu’une.
C’est l’esprit familier du lieu ;
Il juge, il préside, il inspire
Toutes choses dans son empire ;
Peut-être est-il fée, est-il dieu ?
Quand mes yeux, vers ce chat que j’aime
Tirés comme par un aimant,
Se retournent docilement
Et que je regarde en moi-même,
Je vois avec étonnement
Le feu de ses prunelles pâles,
Clairs fanaux, vivantes opales,
Qui me contemplent fixement.
"Le chat", section II, Les fleurs du mal.
15) Le petit chat
Edmond Rostand
C’est un petit chat noir, effronté comme un page.
Je le laisse jouer sur ma table, souvent.
Quelquefois il s’assied sans faire de tapage ;
On dirait un joli presse-papier vivant.
Rien de lui, pas un poil de sa toison ne bouge.
Longtemps, il reste là, noir sur un feuillet blanc,
A ces matous, tirant leur langue de drap rouge,
Qu’on fait pour essuyer les plumes, ressemblant.
Quand il s’amuse, il est extrêmement comique,
Pataud et gracieux, tel un ourson drôlet.
Souvent je m’accroupis pour suivre sa mimique
Quand on met devant lui la soucoupe de lait.
Tout d’abord de son nez délicat il le flaire,
Le frôle ; puis, à coups de langue très petits,
Il le lampe ; et dès lors il est à son affaire ;
Et l’on entend, pendant qu’il boit, un clapotis.
Il boit, bougeant la queue et sans faire une pause,
Et ne relève enfin son joli museau plat
Que lorsqu’il a passé sa langue rêche et rose
Partout, bien proprement débarbouillé le plat.
Alors, il se pourlèche un moment les moustaches,
Avec l’air étonné d’avoir déjà fini ;
Et, comme il s’aperçoit qu’il s’est fait quelques taches,
Il relustre avec soin son pelage terni.
Ses yeux jaunes et bleus sont comme deux agates ;
Il les ferme à-demi, parfois, en reniflant,
Se renverse, ayant pris son museau dans ses pattes,
Avec des airs de tigre étendu sur le flanc.
Mais le voilà qui sort de cette nonchalance,
Et, faisant le gros dos, il a l’air d’un manchon ;
Alors pour l’intriguer un peu, je lui balance,
Au bout d’une ficelle invisible un bouchon.
Il fuit en galopant et la mine effrayée,
Puis revient au bouchon, le regarde, et d’abord
Tient suspendue en l’air sa patte repliée,
Puis l’abat, et saisit le bouchon et le mord.
Je tire la ficelle, alors, sans qu’il le voie ;
Et le bouchon s’éloigne, et le chat noir le suit,
Faisant des ronds avec sa patte qu’il envoie,
Puis saute de côté, puis revient, puis refuit.
Mais dès que je lui dis : "Il faut que je travaille ;
Venez vous asseoir là, sans faire le méchant !"
Il s’assied ... Et j’entends, pendant que j’écrivaille,
Le petit bruit mouillé qu’il fait en se léchant.
16) QUAND LE CHAT
1
Quand
Le chat
Met ses
Chaussettes,
2
C’est la fête
Aux souricettes.
3
Quand
Le chat
Joue au
Cerceau,
4
C’est la fête
Aux souriceaux.
Jean-Luc MOREAU
Date | Nom | Message |