Retours sur les élections régionales : Six textes en débat lors du CPN du NPA le 27 mars

mercredi 7 avril 2010.
 

Le Comité exécutif du NPA a décidé de rendre public les différents textes de bilan sur les élections régionales tels qu’ils ont été présentés à la réunion du Comité politique national du 27 mars....

Les voici donc :

Texte 1

présenté par Fred Borras, Myriam Duboz, Catherine Faivre d’Arcier, Pierre-François Grond, Ingrid Hayes, Anne Leclerc, Guillaume Liegard, Myriam Martin, Coralie Wawrzyniak (membres du CE)

Un second souffle pour le NPA

Un après la fondation du NPA et à l’aune des difficultés que nous traversons, il est absolument nécessaire qu’un débat sans tabou s’ouvre dans notre parti pour comprendre la situation. Il y a des moments où le débat contradictoire est non seulement nécessaire mais même vital pour redresser le cours des choses. Nous y sommes. Non pas que la situation soit catastrophique mais elle est suffisamment sérieuse pour approfondir les problèmes. Notre attitude et le but de ce texte excluent deux tentations opposées qui pourraient se faire jour dans notre parti :

Faire l’autruche, serrer les rangs et prendre le risque d’une répétition d’erreurs commises balkaniser à l’envi notre organisation, sans souci de rassemblement et de proposition.

Les auteurs de ce texte portent nécessairement une part de responsabilité dans la situation actuelle du NPA puisque nous assumons des tâches de direction. Qui nécessitent lucidité et volonté positive de construction et de rassemblement. À ce stade, nous en sommes à comprendre la crise que traverse le NPA. Il sera ensuite temps une fois le diagnostic posé de rassembler celles et ceux qui ont une vision commune du parti à construire.

Le projet de fondation du NPA est à défendre et doit être poursuivi. C’est un premier débat absolument nécessaire. Le rassemblement des anticapitalistes, des écologistes radicaux, de militants du mouvement social syndical associatif, visant à construire une nouvelle force portant un projet de rupture avec le système et dans le but d’un socialisme débarrassé des impasses, impostures et crimes commis en son nom au XX° siècle, représente un objectif stratégique. L’écologie étant en ce sens non pas une question périphérique de plus mais le cœur même d’un projet socialiste réactualisé.

De ce point de vue, le bilan du NPA ne peut pas être tiré en un an : la construction programmatique, stratégique, l’implantation d’un parti, c’est le temps long à moins d’événements sociaux accélérateurs. Notre projet repose sur des tendances lourdes : une crise aux multiples facettes d’un système capitaliste désormais mondialisé ; un effondrement du « socialisme réel » et le basculement vers un nouveau monde après la chute du mur de Berlin marqué par exemple par le retour des « guerres chaudes », les mutations d’un mouvement ouvrier qui, dans ses branches syndicales comme politiques, subit sur la longue durée un mouvement d’adaptation au capitalisme et aux politiques libérales. La nouvelle époque, dont il faut d’ailleurs constamment renouveler le travail d’analyse et de décryptage, implique une redéfinition du programme, de la stratégie et sans doute du type de parti à construire. En aucun cas, le bégaiement des modèles révolutionnaires du XIXème et du XX° siècle qui aujourd’hui ne sont plus opératoires. Un processus de transformation révolutionnaire d’une société capitaliste comme la société française ne ressemblera pas à la révolution russe mais sans doute pas non plus à un mai 68 qui irait « jusqu’au bout ». Au moment où beaucoup s’interrogent sur le sens de leur engagement, le rappel de ces fondamentaux qui fixent un cap au NPA sans présager du moment où il sera atteint ne nous semble pas inutile. Et pour nous, il n’y a pas d’équivoque possible : nous nous ne sommes pas trompés de projet l’an dernier.

Le projet du NPA s’inscrit dans une logique de reconstruction d’un mouvement pour l’émancipation des travailleurs, pour l’émancipation humaine. Il vise donc à regrouper celles et ceux qui sont en accord avec ce projet quels que soient leurs passés à condition de s’engager avec loyauté dans la construction de ce projet. Les conditions mêmes de formation du NPA, l’absence de partenaire du même poids que la LCR en particulier, ont conduit à un processus inédit de rassemblement à la base et de représentation d’expériences utiles à l’élargissement du NPA. Dit autrement nous nous sommes lancés dans une entreprise de construction d’une force nouvelle sans le préalable d’une recomposition avec d’autres forces. Ce qui ne veut pas dire que désormais le rassemblement est boucléou pire que désormais le filtre de l’engagement réel doit se mettre en œuvre ; et qu’à l’avenir, aucune recomposition politique ne soit possible. Le NPA est un instrument d’une politique de rassemblement des anticapitalistes. Ce rassemblement et la construction d’une force populaire doivent se poursuivre en fonction des possibilités de la situation politique.

Si les fondamentaux des conditions de naissance du NPA sont toujours présentes, les conditions politiques dans lesquelles nous agissons ont été en grande partie bouleversées. Le NPA est né à unmoment marqué par la brutalité de l’offensive de la droite, la défaillance généralisée du mouvement syndical et de la gauche, et le desserrement de l’emprise raciste et xénophobe que le FN exprime dans les classes populaires depuis le début des années 80. L’ensemble de ces données se combinant avec les effets de la crise pour produire une abstention qui en dépit de quelques contre tendances (le referendum TCE de 2005 et l’élection présidentielle de 2007) est en hausse constante. L’exclusion sociale produit de l’exclusion politique ; la détérioration de la vie quotidienne un désintérêt du débat politique. Les Européennes et les Régionales illustrent sur un plan électoral qui est nécessairement une photographie déformée ces nouvelles données :

La difficulté des luttes et des mobilisations à s’élargir, aller vers un tous ensemble même partiel, à peser dans le débat politique, à briser le carcan du cadre de négociation du gouvernement et des directions syndicales. C’est une donnée fondamentale pour nous car notre développement est lié au développement propre de la lutte des classes. La crise du capitalisme dite historique ne produit pas à ce stade de franchissement d’un seuil nouveau dans la lutte de classes ici et ailleurs et dans la conscience anticapitaliste.

La droite est en pleine crise : de leadership et de projet. Les effets de la crise, la gestion particulière du pouvoir par Sarkozy et la rivalité avec Villepin crée une situation nouvelle. Les régionales marquent une sanction claire et nette du pouvoir qui pour l’heure n’a pas d’autre solution que de tenter de réunifier son propre camp.

La gauche se réorganise. Elle est sortie du gros de la crise des présidentielles de 2007. La situation, un peu artificielle, où Olivier Besancenot et nous-mêmes apparaissions comme presque la seule force d’opposition est close. Aubry à la tête du PS a réussi à remettre le PS au centre du jeu à peu de frais, les Verts ont produit avec Europe Ecologie une solution à l’impasse de leur mouvement, le docteur Mélenchon a pour l’heure trouvé un remède à la crise du PCF avec le Front de gauche bien qu’il soit encore un peu tôt pour s’aventurer à juger l’efficacité de la thérapie sur le long terme. Toutes ces modifications ne vont pas sans crise possible, retournement de tendance dans chacun de ces trois pôles encore très instables. Mais ils constituent dans une situation de recherche d’efficacité électorale immédiate face à Sarkozy une possibilité d’alternance, c’est-à-dire l’idée que Sarkozy puisse être battu, difficile à imaginer il n’y a qu’un an. Cela crée incontestablement les conditions d’une dynamique électorale alors même que l’hégémonie électorale du PS est confirmée. Mais attention, à partir d’un pronostic, de ne pas geler une situation. Dans le Front de gauche dont la direction (au moins du PCF) par exemple est acquise à une ligne de rassemblement majoritaire de toute la gauche, les contradictions seront nombreuses et nécessiteront une politique offensive de notre part.

Le retour du FN également est non seulement inquiétant mais un problème majeur pour nous car il traduit parmi les effets contradictoires de la crise, le poids des idées xénophobes et racistes en réaction à la mondialisation.

Mis bout à bout l’ensemble de ces éléments créent une situation nouvelle qui explique en partie nos difficultés. Mais notre crise n’est pas que le produit de facteurs objectifs aussi utiles soient-ils à rappeler. Si on considère ces élections régionales comme un mouvement général de protestation contre Sarkozy, comment se fait-il que nous n’ayons pas été un des instruments de ce rejet ? Pourquoi toutes les listes d’opposition de gauche à Sarkozy ont-elles progressé au premier tour et au second tour, mais pas les listes où le NPA était seul ou structurant ? Ce qui renvoie à deux problèmes : les bilans de nos listes n’est pas homogène et nous avons commis des erreurs qu’il est utile de discuter pour ne pas les reproduire.

Avant d’insister sur ces problèmes, il n’est pas inutile non plus de rappeler quelques acquis. Cette campagne des régionales a été l’occasion pour le NPA de mener une vraie campagne articulant questions nationales et régionales avec un effort d’élaboration et d’animation de campagne très au-delà des Européennes. C’est un acquis précieux pour la suite. Nous avons évité avec des dosages différents selon les régions deux écueils :

La défense abstraite d’un programme de lutte hors sol par rapport à la nature de l’élection dont LO paie le prix.

L’enfouissement dans le local sans perspectives politiques nationales dans le contexte de crise globale que nous connaissons.

Par ailleurs les bilans sont très contrastés puisque les résultats et le type de campagne menée n’ont pas été les mêmes. Toutes les listes NPA seul ou très structurant n’ont pas connu les mêmes scores, et les listes unitaires ont eu des résultats supérieurs mais également inégaux.

Une fois ces précautions prises il nous faut aborder le fond du problème : dans une situation de crise où une majorité de la population souhaite protection et rassemblement nous délivrons en partie malgré nous un message « diviseur », diviseur par ailleurs à trois niveaux différents. Un premier étage nécessaire, et qu’il nous faut assumer, l’indépendance par rapport au PS, qui nous place en décalage avec le vote utile pour battre la droite ; un deuxième par rapport à la gauche radicale, et un troisième avec l’affaire du voile qui a divisé notre propre camp et nos propres rangs. Ce qui, indépendamment du débat sur le voile et de l’éventuel coût électoral, est une faute majeure car dans une campagne importante pour nous, on ne doit pas chercher à se diviser mais à se rassembler. Le résultat est au fond des urnes.

Sur cette dernière question, la réponse est pour nous claire : il ne faudra plus reproduire ce genre d’expérience et il faut donc traiter cette question au congrès.

Plus épineuse est la question de l’unité qui nous taraude depuis le congrès de fondation. Nous avons sous-estimé cette question depuis le départ, celle du Front de Gauche et dans le Front de gauche, du Parti de gauche. L’an dernier nous étions dominants dans la gauche radicale et à notre congrès nous n’avons pas réellement porté un projet de rassemblement électoral pour les élections européennes, en tous les cas pas de manière systématique. Nous avons cru passer seuls. Mais il est vrai qu’au congrès de fondation était largement partagé qu’un parti nouveau devait être capable d’affronter sa première échéance électorale, en affirmant un des éléments essentiels, l’indépendance politique vis à vis du PS. Pour autant c’était à nous de produire une perspective de rassemblement pour les Européennes. Et qu’il était possible d’en réunir les conditions à cette échéance. Le PCF aurait sans doute repoussé cette proposition mais l’essentiel est ailleurs : la défense de l’unité aurait changé de camp. Le paradoxe est que nous avons cherché et discuté de listes unitaires sur une élection de gestion donc plus difficile (les régionales) que les Européennes. Il n’y a pas de retour sur le passé possible mais méditer sur les dangers de l’ivresse du succès est toujours utile.

Pour les régionales, la situation d’éclatement et de listes différenciées renvoie à l’incapacité à dégager un accord national. Ce qui a laissé chaque région avec elle-même. Un processus de dislocation était d’ailleurs possible après la consultation ; la gestion commune au CPN a permis d’éviter ce danger et c’est tant mieux.

Mais la question posée est de savoir si nous sommes allés au bout du possible sur le plan unitaire. La question est difficile à trancher tant le PCF souhaitait nous mettre la tête sous l’eau. Le problème n’est donc pas le résultat mais la manière dont nous avons mené les choses. À notre sens, nous avons commencé par la fin avec cette fameuse question des exécutifs. Sans donc d’autre lisibilité publique que « ils ne veulent pas gérer », ou, traduit en langage populaire, « ils ne veulent pas y aller donc à quoi ça sert de voter pour eux. » Il faut éclairer par la réalisation ou non d’un programme, par quelques mesures que nous avons défendues d’ailleurs, le refus de prise de responsabilité. Sinon pour la grande masse de la population, et en particulier celle qui ne se déplace pas, voter pour nous ne sert à rien. Dans une élection, il faut répondre à la question posée, sinon immédiatement on est renvoyé à des scores marginaux. Ce qui ne veut pas dire s’adapter. On peut défendre un programme de rupture tout en disant que l’essentiel de la répartition des richesses se fait à une autre échelle et que sans mobilisation des travailleurs et de la population alors rien ne se fera. Mais pour être audible, utile, il faut être candidat au pouvoir. Et donc ne pas apparaître comme refusant a priori toute responsabilité. Le piège nous était tendu et nous y sommes tombés.

Ce qui pour conclure nous amène à ce qui est pour nous un enjeu majeur du congrès. Nous avons réussi à réinstaller l’anticapitalisme au cœur de la gauche radicale. Il y a dix ans le vocabulaire anticapitaliste et lutte de classe relevait du gros mot. Désormais cet anticapitalisme antiproductiviste est repris par d’autres que nous. Des raisonnements sur la répartition des richesses entre capital et travail également. C’est un bilan positif. C’est un acquis, mais qui risque de nous échapper si nous ne sommes pas capables de donner des perspectives politiques. On ne peut pas construire un parti sans perspective même hypothétique de pouvoir : de stratégie, d’alliance, de programme. Un parti n’est pas un syndicat rouge, il ne poussera pas spontanément des soviets sur les friches industrielles et nous aurons à nous confronter au problème des élections même aux moments de crise sociale aiguë. Contrairement à ce que défendent notamment une certain nombre de camarades dans la dernière période, les élections ne sont pas pour nous qu’une tribune. Il y a un rapport dialectique entre luttes et élections, c’est un des terrains de la lutte des classes, qui matérialise les rapports de force. Vouloir subordonner, c’est vouloir séparer les gestes, alors que nous ne découpons pas notre politique. C’est le même programme que nous soumettons aux travailleuses, aux travailleurs, dans les luttes, comme aux élections ! Une montée de la radicalité, de la conscience de classe doit permettre à la gauche anticapitaliste de prendre des positions dans les institutions et constituer un point d’appui. Les camarades qui sous estiment cela vont hélas vite se rendre compte que notre haut parleur est plus puissant en partant d’un bon score que d’un mauvais. Avec des élus, que sans. Et n’est ce pas un bon score électoral, celui d’Olivier Besancenot en 2007, qui a crée un appel d’air pour lancer le NPA ? Il y a donc dans le parti deux visions de la participation aux élections. C’est une divergence importante qui doit être tranchée dans la clarté par le congrès.

Les luttes, la grève générale ne sont pas des perspectives politiques en elle mêmes : elles ne disent pas comment les travailleurs, la population prennent le pouvoir. Ce qui implique de proposer des perspectives alternatives à l’union de la gauche en constitution, pour peser dans la situation et ne pas commenter de l’extérieur une évolution qu’on s’interdirait de contrecarrer : faire des propositions programmatiques de rupture, proposer une alliance à celles et ceux qui refusent la droite mais aussi une politique d’adaptation et de gestion de la crise que mènera la social-démocratie, défendre la perspective d’un gouvernement en faveur de la population s’appuyant sur la mobilisation populaire. A chaque étape, l’appel aux luttes est indispensable. Il ne saurait suffire. Il faut s’exprimer sur le plan politique central. Aujourd’hui, nous devrions crier bien plus fort le caractère illégitime non seulement de la politique du pouvoir, mais aussi sa légitimité à gouverner tout court. Nous ne mégottons pas notre engagement dans la lutte pour se débarrasser de la droite par tous les moyens. Bien entendu, la gauche plurielle numéro 3 est dans les tuyaux. Mais cela ne se fera pas sans contradictions, des contradictions sur lesquelles il faut chercher à peser. Nous devons présenter nos propositions dans tous les cadres dans lesquels nous pouvons avoir l’occasion de le faire - sans exclure que nous prenions des initiatives au moment opportun. Signer avec de futures forces gouvernementales des appels à constituer des cadres contraignants, c’est non. Intervenir dans toutes les discussions qui se mèneront sur le contenu et les formes de l’alternative politique, c’est oui.

Entre le ralliement opportuniste au Front de gauche et l’éloge mortifère de la solitude, la voie peut apparaître étroite, mais si nous l’empruntons ensemble et avec détermination nous l’élargirons.

Texte 2

présenté par Pierre Baton, Alain Castan, Sandra Demarcq, Alain Pojolat, Basile Pot, Christine Poupin, Béatrice Walylo (membres du CE).

Le NPA dans les élections régionales : un message brouillé, une campagne compliquée...

Les résultats du NPA lors de ces élections régionales sont décevants. Il est nécessaire de tirer réellement le bilan de la politique que nous avons menée, des choix tactiques que nous avons faits, de la façon dont nous avons réagi aux difficultés auxquelles nous avons été confrontés.

Le débat sur le bilan est indispensable, même si les questions que nous soulevons, les critiques ou désaccords que nous exprimons n’expliquent que très relativement les scores du NPA et son rapport avec celui des autres listes. Ils ne nous en posent pas moins des problèmes politiques sérieux pour la suite.

Si les résultats des européennes ont déçu nombre de camarades qui s’attendaient à retrouver sur le terrain électoral l’enthousiasme de la création du NPA, ils n’étaient pas si mauvais. A quelques milliers de voix près et 1 ou 2 députés, nous aurions tiré un tout autre bilan.

De ce point de vue, la déclaration commune avec le Parti de Gauche, dés le mois de juin, était ambiguë et précipitée. Elle reposait sur l’idée erronée que nous avions obtenu un mauvais score aux européennes et, qu’il nous fallait répondre aux accusations de faire "cavalier seul" et sur l’illusion qu’il était possible de fissurer le Front de Gauche en détachant le PG du PCF, puisque nous étions convaincu que le PCF s’allierait, dès le premier tour avec le PS.

Il n’y avait nul besoin de se précipiter. Nous devions simplement poursuivre notre orientation d’unité durable et indépendante et reprendre les discussions unitaires sur ces bases et nous concentrer sur la campagne politique de rentrée.

Le terrain des régionales, parce que le PCF et les Verts ont géré la majorité des régions depuis 2004 et partagent le bilan avec le PS, aurait pu être plus favorable à la démonstration qu’une unité durable, indépendante du Parti socialiste n’est pas possible avec le PCF et ceux qui se situent sur les mêmes objectifs stratégiques, contradictoires avec les nôtres. Nous l’avons vérifié au cours des discussions avec le refus obstiné en particulier du PCF de parler du programme.

Par la suite, la vérification de l’impossibilité d’un accord avec les forces du Front de Gauche a traîné en longueur, nourrissant bien des illusions, à la fois sur la possibilité d’un accord et sur la nature des partis du Front de Gauche.

L’offre publique nationale du PCF en octobre, annonçait pourtant publiquement et clairement l’orientation en préparation depuis les européennes : situer la « gauche de la gauche » dans un rassemblement majoritaire avec le PS et EE. Il était évident que le PCF voulait préserver son appareil et une bonne partie de ses élus en choisissant de constituer des majorités de gestion avec le PS, et que dans cette orientation il serait suivi par Melenchon et le Parti de Gauche, ainsi que par les autres mouvements « à la gauche du PS ». Soit parce que, pour le PCF et le PG, ces forces se placent sur un même terrain considérant que l’action politique se résume à la présence et à la gestion des institutions, laissant aux directions syndicales la question sociale, soit parce qu’elles sur-valorisent cette unité qui plus est sur le seul terrain électoral, ce qui conduit à l’intégration dans les majorités de gestion.

En décembre, après l’échec des discussions nationales il aurait fallu être offensif, dénoncer clairement et publiquement les choix du PCF et de ses alliés, comme cela a été décidé mais jamais franchement mis en œuvre, nous nous sommes laissés enfermés dans le rôle de ceux qui refusaient l’unité. L’ objectif des discussions dans les régions aurait du être, alors, clarifié : pousser la démonstration amorcée au niveau national et sur la base de la politique nationale du NPA, c’est-à-dire autour d’un programme anticapitaliste impliquant le refus de participer aux exécutifs et les majorités de régions. Dans les faits, certaines régions ont fait le contraire de ce que nous avions défendu au niveau national, nous avons eu des listes régionales au profil assez divers, aucune lisibilité nationale.

Le NPA porte depuis sa fondation un message politique clair : celui de la construction d’une force politique anticapitaliste pour la transformation révolutionnaire de la société. Cela inclut la nécessaire indépendance par rapport à l’État, aux institutions et aux partis comme le PS et ceux qui veulent s’allier avec lui. Cela exclut le sectarisme, implique une politique unitaire, mais sans brouillage de notre message, en privilégiant, toujours, l’unité d’action à la base.

Enfin, au moment même où le NPA commençait tardivement sa campagne, nous nous sommes retrouvés à gérer la présence de notre camarade Ilham sur la liste du Vaucluse, sa médiatisation orchestrée notamment par Le Figaro, médiatisation dans laquelle se sont engouffrés de façon hostile les forces politiques de gauche opposées au NPA.

Au-delà des positions des un-e-s et des autres sur le fond de cette question, cet épisode a surtout révélé un problème de fonctionnement et de faiblesses de direction collective du NPA. La gestion du problème, l’absence d’informations et d’organisation de débats dans la direction (CPN comme CE), la possibilité pour un comité ou un département de prendre une décision qui rejaillit sur toutes et tous au niveau national, montrent qu’il faut revoir le fonctionnement du parti et de sa direction.

Cet épisode a eu pour conséquence de rajouter de la division à la division, après une séquence compliquée pour le parti liée à la discussion interne sur la consultation. En polarisant le parti sur lui même en début de campagne, en développant un sentiment de « déficit démocratique » chez certains camarades et de mécontentement devant notre incapacité à faire face de manière offensive chez d’autres, cette affaire a entretenu un climat de démobilisation chez les militant-e-s, dans notre sphère sympathisante et même si cela nous a amené des messages de sympathie face à une campagne évidemment islamophobe, a certainement aussi détourné de nous une partie de nos électeurs "traditionnels".

L’ensemble de ces problèmes ne constitue pas l’explication centrale de nos faibles résultats. De façon plus fondamentale, nous avons subi, de manière accentuée par rapport aux européennes la prise de distance d’une grande partie des électeurs les plus proches de nos idées par rapport aux processus électoraux, un phénomène que nous subissons beaucoup plus que les autres partis. Cela renvoie forcément à un seuil intermédiaire où à la différence du PS, d’EE ou même du Front de gauche à l’échelle régionale, le vote pour nous n’apparaît pas crédible pour sanctionner la droite, et ce indépendamment de la sympathie pour nos idées.

Cela pose un problème difficile : celui de construire un parti politique qui ne veuille pas se donner comme socle la gestion des institutions et l’organisation autour de ses élus, mais l’action politique directe à partir des mobilisations sociales, de l’organisation des jeunes, des travailleurs et des milieux populaires dans les entreprises et les quartiers. Dès lors l’utilité de notre présence dans les institutions ne peut devenir crédible que comme le prolongement de cette action ce qui suppose à une échelle large une réelle implantation et reconnaissance, ce que le NPA a dans certains endroits, mais pas à l’échelle nationale. Cela suppose aussi une meilleure capacité à donner une cohérence d’alternative politique aux exigences sociales que nous mettons en avant : notamment au-delà des revendications sur l’emploi, les salaires et la protection sociale, être capable d’apparaître comme porteur d’une alternative pour l’organisation de la société au profit des travailleurs.

Aussi, nous pouvons capter un électorat à certaines élections, notamment autour de la figure d’Olivier ou lorsque notre vote apparaît crédible pour faire passer un message politique, mais nous n’avons pas encore l’assise permettant une fidélisation électorale large.

Pour autant, tirer un bilan sans fard des difficultés rencontrées ces derniers mois dans notre positionnement politique, ainsi dans notre fonctionnement, est une nécessité pour construire un parti solide dans ses fondamentaux, pour construire durablement une alternative anticapitaliste au capitalisme et au social libéralisme.

Texte 3

présenté par Raymond et Pascal Adams (CPN), Michel Deboeuf (CPN), Yvan Lemaitre (CE), Galia Trepere (CE), Isabelle Ufferte (CPN).

Situation sociale et politique après les régionales, nos perspectives...

Ces élections régionales ne sont pas une simple péripétie, un non-événement comme certains voudraient le penser au vu du désintérêt du plus grand nombre pour la campagne et de la forte abstention. Les nouvelles réalités politiques, les nouveaux rapports de force qu’elles enregistrent vont compter pour la suite. Il nous faut les prendre en compte pour mieux redéfinir la position, les objectifs, les orientations du NPA, un an après son congrès fondateur, alors que nous connaissons, il ne faut pas nous le cacher, une crise. Cela exige que nous ne craignions pas de faire un bilan critique de notre propre politique, bilan indispensable pour tenter de renforcer notre cohérence politique.

Sous la pression de la crise les évolutions politiques en cours s’accentuent. La conjugaison des deux crée une nouvelle situation dont nous devons définir les lignes de force pour définir une orientation, c’est-à-dire l’utilité du NPA pour le monde du travail.

Au lendemain du premier tour, le journal patronal La Tribune titrait « La crise a voté ». Elle a surtout voté en creux tant les grands partis institutionnels, la droite ou la gauche libérale, se sont efforcés d’éviter d’en parler comme ils ont évité de parler des véritables problèmes et difficultés de la grande majorité de la population.

Désaveu des partis institutionnels, rejet de Sarkozy et de la droite, retour du FN, des éléments de crise sociale et politique

Même si elle est moins importante que lors des dernières élections européennes et si elle a diminué au second tour, l’abstention touche plus d’un électeur sur deux. Elle est, cette fois encore, particulièrement forte dans les quartiers populaires et surtout la jeunesse même si elle touche aussi les milieux de droite. Cette abstention est un geste politique et constitue un désaveu des institutions, d’une démocratie truquée et dominée par les forces de l’argent, comme des partis qui se soumettent à elles, partis clientélistes en concurrence pour les places et les sinécures. Elle est un désaveu des partis de gouvernement. Elle est l’expression d’un fait qui domine la vie politique : le décalage entre les discours, les promesses et les politiques mises en œuvre par la droite au gouvernement et par la gauche dans les régions. Les effets de la crise accentuent ce décalage, alors que le mécontentement se manifeste non seulement dans la classe ouvrière mais dans toutes les couches sociales. La mécanique institutionnelle et électorale qui vise à donner une légitimité aux partis gouvernementaux est grippée.

La sanction de Sarkozy et du gouvernement renforce ce sentiment d’illégitimité d’autant que ce n’est pas un fait conjoncturel mais bien une crise profonde. Les tentatives de diversion de la droite ont fait long feu, les mensonges évidents sur le pouvoir d’achat, le chômage, la sortie de crise, la relance de l’ouverture ont discrédité le gouvernement. Les rivalités de pouvoir encouragées par l’affaiblissement de Sarkozy, entre lui et Villepin mais aussi entre les principaux caciques de l’UMP, s’affichaient dès avant les régionales. Les critiques ont fusé sans même attendre le deuxième tour. On voit difficilement comment Sarkozy pourrait reprendre l’initiative en gardant le cap comme il l’a annoncé. Le mini-remaniement ministériel essaye de calmer la grogne de l’UMP qui n’a jamais accepté l’ouverture. En remplaçant Darcos par Woerth, Sarkozy sanctionne un des ministres le plus impopulaires en essayant de se donner les moyens de mettre en œuvre sa politique pour les retraites. En promettant de "ne pas passer en force", il veut poser au défenseur de « l’intérêt général » pour plier la gauche libérale et les directions syndicales à ses objectifs, confiant dans le fait qu’elles ne souhaitent pas ou qu’elles n’oseront pas s’opposer à cette nouvelle remise en cause des droits des travailleurs. Il sait bien que la nouvelle attaque contre les retraites ne lui vaudra pas une grande popularité mais il espère faire la démonstration que la gauche n’a pas d’autre politique que lui à mener. L’abandon de la taxe Carbone donne satisfaction au Medef et voudrait désamorcer le mécontentement qu’elle avait suscité dans une grande majorité de la population. Elle ne renforcera pas le crédit de Sarkozy bien au contraire. Ce geste atteste des flottements d’un gouvernement fragilisé. La « pause » dans les réformes annoncées avant le 1er tour est oubliée. A droite toute, Sarkozy s’enferre dans une fuite en avant démagogique sécuritaire et xénophobe. L’échec de la politique d’ouverture le renvoie à droite au risque le plus probable de renforcer le FN.

En effet, une des conséquences de la déroute de Sarkozy est le retour du FN à un niveau proche de celui de 2004. Il est directement le produit de la politique Sarkozy-Besson, de ce débat pourri sur l’identité nationale. Le vote FN reste pour partie un vote populaire, un vote protestataire mais il est aussi une manifestation des déceptions de l’électorat de droite qui se sent trompé par Sarkozy et sa politique d’ouverture et trouve dans le Front national un vrai parti de droite.

Cette remontée exprime-t-elle une tendance forte ou n’est-elle qu’une conséquence de la crise de la droite ? Cela est difficile à dire et dépendra de l’évolution de cette crise, de la capacité du FN lui-même à réussir sa passation des pouvoirs mais surtout de la capacité du monde du travail à reprendre l’offensive. C’est bien le recul général qui laisse le champ libre à la montée des idées réactionnaires, au racisme et à la xénophobie.

Au stade actuel, le vote FN participe pour l’essentiel de la sanction de Sarkozy et d’un vote protestataire. Cela ne minimise en rien le danger qu’il représente. Si la pression démocratique de la classe ouvrière ne se fait pas plus fortement sentir, les effets de la crise comme l’impuissance de la gauche gouvernementale à y répondre pourraient imposer le FN comme une recours possible pour les financiers et le patronat.

Nous n’en sommes pas là et les éléments de crise sociale et politique qui mûrissent sont aussi autant d’éléments qui agissent en accentuant la rupture d’une large fraction du monde du travail avec les institutions et la gauche libérale. Ils peuvent contribuer à créer un terrain favorable à la contestation sociale et politique. L’idée qu’il faut trouver d’autres moyens pour faire valoir ses droits que les élections pourrait commencer à faire son chemin.

La poussée de la gauche institutionnelle et l’union des antilibéraux avec…les libéraux

L’absence de programme ou de perspectives du Parti socialiste n’a pas empêché que son opposition à Sarkozy suffise à lui assurer un succès sur le plan électoral. Martine Aubry a gagné son pari en réussissant à réunifier le PS dans la bataille pour préserver ou amplifier le gâteau des régions. La question des alliances avec le Modem a été tranchée, dans les faits, dès avant le premier tour et l’effondrement de Bayrou sous la pression du déplacement à droite du PS comme des Verts règle la question. Europe écologie a occupé son espace, en partie rétréci depuis les Européennes, tout en exprimant une critique du PS au nom d’une écologie libérale.

Ainsi a commencé à se mettre en place une nouvelle union de la gauche libérale, une union sociale-libérale rose-verte. Le ralliement du Front de gauche, toutes composantes comprises par delà les rivalités et contradictions, à cette union n’en fait pas autre chose qu’une alliance politicienne pour le pouvoir, les places et les postes, sans programme ni politique à opposer, quant au fond, à la droite. C’est la gauche du Oui au TCE, la gauche libérale devant laquelle capitule le Front de gauche.

Ce dernier confirme sa relative réussite des Européennes. L’alliance du PC avec le Parti de gauche et la Gauche unitaire a redonné une relative vitalité au vieil appareil ankylosé. Quant au fond, ce succès résulte de deux faits interdépendants. Le premier est la difficulté pour l’électorat populaire de rompre avec les réflexes et illusions anti-libérales, ce que l’on appelait avant le réformisme, à imaginer une autre politique extra-institutionnelle. Le second est la difficulté des anticapitalistes, de l’extrême gauche à mettre en œuvre de façon cohérente et populaire une telle politique. Mais les choix politiques que le Front de gauche a faits au deuxième tour confirment bien que nous avions raison de refuser une orientation qui visait à constituer des majorités de gestion avec le PS et les Verts. Et surtout que la politique du Front de gauche conduit à une impasse, de nouveaux échecs, de nouvelles déceptions.

Nos résultats et notre manque de cohérence politique

Nos résultats ne sont pas bons. Malgré une abstention moins forte qu’aux Européennes, nous enregistrons un net recul. On ne peut se contenter d’explications « objectives » en nous dédouanant de nos responsabilités. Ces causes dites objectives existent -abstention et vote utile PS-, mais nous n’avons pas su ou pu les contrecarrer. Il y a donc un bilan critique à faire.

Il ne s’agit bien sûr pas de dire : nous avons de mauvais résultats donc nous nous sommes trompés !

Il y a ce qui relève des rapports de force, c’est évident, mais il y a aussi ce qui relève de notre capacité à défendre avec cohérence, continuité, la parole ouvrière et populaire, les exigences du monde du travail, notre capacité à agir sur les rapports de force. La part des deux est impossible à faire et là n’est pas la question. Il s’agit, ensemble, de tenter de dégager des enseignements d’une bataille politique.

Nous ne nous situons pas d’un point de vue électoraliste, notre politique n’est pas déterminée par la recherche de succès électoraux mais par la volonté d’être utile au monde du travail, à son combat politique pour ses droits. Cela ne signifie pas que nous n’accordions pas d’importance aux enseignements que nous apportent les résultats électoraux. Nous sommes aussi convaincus que nos idées expriment le mécontentement et la révolte, les exigences et les espoirs populaires, qu’elles peuvent rencontrer au sein du monde du travail un large écho. Bien des résultats locaux où nous faisons plus de 5% des voix, voire jusqu’à plus de 9%, le démontrent comme les échos positifs que nous avons rencontrés au cours de la campagne.

Mais un constat s’impose, la faiblesse globale de nos résultats et leur hétérogénéité selon les régions, comme l’hétérogénéité de notre campagne, nous imposent une clarification politique.

Ce manque de cohérence et, en conséquence, de crédibilité de la politique du NPA s’est exprimé autour de deux questions principales :

La première, et l’essentielle, est la conséquence du fait que nous n’avons pas appliqué nos propres décisions. Nous avions refusé une politique à géométrie variable, nous avons eu en fait une politique à géométrie variable. Nous avions refusé de participer à des listes qui auraient pour objectif la recherche de majorités de gestion avec la gauche sociale libérale, nous l’avons fait à plusieurs endroits. Et les prolongations régionales des discussions unitaires qui ont duré jusqu’au dernier moment ne nous ont pas laissé le temps de nous ressaisir pour formuler avec assez de clarté et de force notre propre orientation. Elles ont au contraire exercé une pression politique sur nous, à notre corps défendant certes, mais bien réelle. De fait, il y a bien eu deux orientations, deux politiques, une campagne compatible avec celle des antilibéraux, restreignant souvent notre programme au champ étroit des institutions régionales, l’autre déclinant à la fois des mesures de rupture à l’échelle des régions tout en faisant le lien avec les luttes et les résistances du monde du travail. L’utilité du vote NPA s’est diluée dans la disparité de nos listes. Les électeurs n’ont certes pas tenu une comptabilité de nos incohérences, mais c’est l’image globale du NPA qui a perdu en crédibilité, en fiabilité et en lisibilité. Il était bien difficile de dire à quoi servait le vote NPA.

Nous avions raison d’engager la bataille unitaire mais le rapport de force avec le Front de gauche nous était trop défavorable. Nous avons subi leur pression jusque dans les formulations, dans certains cas, de nos propres professions de foi.

Il nous faut maintenant, ensemble, dégager les leçons de cette expérience complexe -et riche à bien des égards- pour renforcer notre collectif militant et reprendre l’offensive.

La deuxième question est celle de la présentation d’une candidate voilée. Là encore cette critique ne se formule pas d’un point de vue électoraliste mais du point de vue de notre combat féministe et émancipateur. Cette candidature était contraire à ce combat. Nous avons été sanctionnés pour cette faute. Nous y avons perdu en crédibilité, en confiance.

Notre faiblesse et cette erreur renvoient à une faiblesse plus générale de notre jeune parti, son manque de confiance en lui, en ses idées, en sa capacité à représenter et ouvrir une nouvelle perspective pour les classes exploitées et opprimées, une perspective d’émancipation. Et si nos faiblesses n’ont pas profité à LO, c’est que cette organisation poursuit l’évolution de repli sur soi et d’auto-proclamation engagée à reculons depuis 1997 qui l’isole et l’empêche de représenter une réponse à la crise du mouvement ouvrier.

Quelle politique unitaire après les régionales

Les faiblesses de notre campagne ne sont pas un désaveu de la politique que nous avions décidée en vue d’œuvrer à la constitution d’un front électoral portant les exigences des travailleurs et des classes populaires. Nous pensions qu’une telle politique était possible du fait de l’orientation à droite du PS à la recherche d’alliances avec le centre qui mettrait le PC en difficulté et donc pouvait rendre une partie de ses militants et de son électorat sensible aux influences de la gauche anticapitaliste. Le raisonnement s’est avéré juste, la politique aussi même si nous n’avons pas réussi à créer un rapport de fore qui nous soit plus favorable.

La difficulté était aussi la conséquence du raisonnement de certains camarades pensant qu’il fallait réaliser à tout prix l’unité du fait du contexte difficile. Nous n’avons pas assez pensé la bataille pour cette unité comme une question de rapport de force et trop comme une négociation au sommet. Nous n’avons pas eu assez le souci de rendre publics, largement, les éléments en discussion, de faire une démonstration politique, de polémiquer, de discuter publiquement. Nous n’avons pas assez discuté du programme, de notre refus de nous limiter « au cadre des compétences des régions ». Et c’est cet ensemble qui a créé de la confusion sur nos propres orientations.

Il est clair aujourd’hui que la question de l’unité ne se pose plus dans les mêmes termes. Il faut nous méfier de ces éloges flatteurs à propose du Limousin. L’insistance pressante de cet éloge devrait met en garde même les esprits les moins méfiants. La situation de nos camarades élus sera difficile. Le Front de gauche se retrouve engagé avec la gauche libérale, la gauche du oui, au niveau des régions et dans la perspective d’un retour au pouvoir en 2012. Nous sommes en rupture avec cette politique et cela ne sera pas simple pour nos camarades élus sur une liste de fait dominée par le front de gauche au moment où les choix politique de ce dernier excluent toute alliance avec lui autre que pour les luttes et les mobilisations.

Ceci dit, il nous faut poursuivre le débat, chercher à construire l’unité autour des exigences du monde du travail, exercer notre pression politique en défendant notre propre programme autour de l’idée : nous ne paierons pas les frais de leur crise. L’expérience de l’année écoulée peut nous armer pour qu’à tous les niveaux de notre intervention nous soyons mieux à même d’articuler une politique d’unité des anticapitalistes et des révolutionnaires et une politique d’unité pour les luttes et les mobilisations. C’est pour une large part de notre capacité à combiner les deux que dépend la capacité de notre parti de se renforcer, de se développer.

Offrir une perspective aux mécontentements et aux luttes

Tout au long de la campagne électorale, le mécontentement social s’est exprimé de bien des façons. L’affaire de la fermeture de la raffinerie de Dunkerque par Total a agi comme un révélateur, un concentré de la politique du patronat et de l’Etat. Alors que Total annonçait près de 8 milliards de profits, il annonçait aussi la fermeture d’une raffinerie à seule fin d’accroître sa rentabilité financière. Mais, au final, ce mécontentement n’a pas trouvé son expression sur le plan politique. Il y a même un clivage qui s’opère entre les mobilisations, les luttes et la politique. Ce clivage ne nous épargne pas et force est de constater que nous n’avons pas réussi à donner au mécontentement qui s’exprime à travers les mobilisations une expression politique. C’est un point essentiel que nous avons à discuter pour tenter d’y apporter une réponse. Il renvoie à la difficulté qu’a l’extrême gauche à opérer sa mue pour unir ses forces et jeter les bases d’un nouveau parti représentant les intérêts du monde du travail sur le terrain politique. Nous avons fait avec le NPA un grand pas en avant dans ce sens mais il y a là un vaste chantier politique et pratique qui s’impose au cœur de nos préoccupations.

La bataille sur les retraites qui s’est engagée avec la journée du 23 mars nous repose concrètement le problème. La journée a été un succès, relatif certes, mais ses limites indiquent bien les enjeux du moment. Il s’agit bien d’une bataille politique contre le pouvoir et le patronat, elle peut être le point de convergence de tous les mécontentements à travers la préparation d’une grève générale politique. Elle peut aussi renforcer le clivage entre le mécontentement et la politique, la gauche libérale joignant ses efforts à ceux des directions syndicales, elles aussi dominées par les préjugés libéraux, pour canaliser et étouffer le mouvement pour détourner le mécontentement sur le seul terrain électoral pour… 2012.

C’est bien pourquoi nous devons intervenir dans le mouvement pour porter la dimension politique de la lutte, contester les arguments de tous les libéraux de droite ou de gauche pour justifier les dites réformes et aider à l’unité et à l’organisation de toutes celles et ceux qui refusent de se plier à la logique libérale et d’attendre du retour de la gauche au pouvoir une réponse aux attaques de la finance et du patronat.

Construire un parti d’opposition ouvrière et populaire

La crise, la situation sociale et politique connaissent un tournant. Nous aussi. Notre parti est engagé dans une large discussion de bilan, d’appréciation de la nouvelle phase qui s’ouvre devant lui, pour renforcer sa cohérence politique, sa personnalité à la lumière de la riche expérience que représente cette première année d’existence. La conclusion de cette discussion se fera au congrès. Les enthousiasmes du congrès fondateur, les illusions comme quoi il y avait un espace libre à occuper cèdent la place à une plus grande lucidité, indispensable pour construire, regrouper, s’enraciner dans le monde du travail, les quartiers, la jeunesse.

D’ores et déjà, il nous faut préciser les coordonnées de la situation sociale et politique et les premières conclusions que l’on peut en dégager, les soumettre au débat.

Le premier point est le tournant que la crise grecque représente dans l’évolution de la crise globale non seulement au niveau européen mais à l’échelle internationale. La menace de faillite qui pèse sur l’Etat grec, mais aussi sur celui du Portugal ou de l’Espagne, est l’expression aiguë de la menace d’un krach obligataire qui toucherait les Etats et les banques. Les réponses étatiques à la crise financière et à la récession qu’elle n’a pas créée mais qu’elle a aggravée a abouti à une aggravation de leur déficit et de leur dette qui deviennent de nouvelles cibles de la spéculation. Toute la vie politique va être dominée par cette question. Tous les partis institutionnels qui prétendent aller au pouvoir pour gérer les affaires de la bourgeoisie n’auront d’autre choix que de mettre en œuvre, à des degrés divers, la même politique que le PASOK ou les sociaux libéraux portugais ou espagnols.

La nouvelle union de la gauche libérale qui se met en place n’y échappera pas. Les dirigeants du PS sont très clairs sur cette question. Et face à la décomposition de la droite sarkozyste, une partie de la bourgeoisie voit d’un bon œil la possibilité du retour aux affaires de cette gauche que ce soit sous la houlette de DSK, aujourd’hui à la tête du FMI, ou de Martine Aubry.

Ce nouveau contexte souligne la nécessité pour nous de garder toute notre indépendance vis-à-vis de cette gauche et de ses alliés antilibéraux qui n’auront d’autre utilité que de servir à tenter de canaliser la révolte du monde du travail, d’empêcher la gauche radicale de devenir une véritable opposition ouvrière et populaire.

Fonder cette opposition ouvrière et populaire agissant sur tous les terrains, syndicaux, sociaux, politiques est la raison même de notre projet. Loin d’être affaibli, il prend toute sa dimension, toute son importance. Par delà les difficultés, les échecs relatifs, il mérite notre enthousiasme, notre engagement. Il est le seul à porter réellement un projet pleinement démocratique, émancipateur, humain. Le débat démocratique qui s’ouvre est l’occasion de surmonter les déceptions, les doutes et les hésitations.

La nouvelle situation économique, sociale et politique vient renforcer notre conviction qu’il n’y a pas de réponse durable aux exigences démocratiques, sociales, écologiques des classes populaires qui ne pose la question du contrôle sur la finance et l’Etat, du pouvoir.

Notre parti doit sans ambiguïté opposer au pouvoir des banques, du patronat, de la haute administration, le pouvoir démocratique des travailleurs et de leurs organisations.

Texte 4

présenté par Alex (CPN, 76), Armelle (CPN, 92N), Caroline (CE, 92N), Gaël (CE, 92N), Jacques (CE, 68), Jean-François (CE, 93), Mathilde (CE, 92N), Virginie (CPN, 75)

Il n’y aura pas de raccourci électoral à la crise du système capitaliste et à la construction d’un parti anticapitaliste.

Au lendemain du CPN sur le bilan des Européennes, nous avons à nouveau immédiatement mis le curseur sur la question électorale. L’annonce d’un communiqué commun PG/NPA, dès juin 2009, fixait clairement l’horizon : les régionales de mars 2010. L’essentiel de nos discussions ont tourné depuis autour de la question électorale.

Cela ne veut pas dire que les camarades ne se sont pas investis dans de nombreuses luttes. Mais le centre de gravité de nos débats et de nos préoccupations au niveau du CE, du CPN, de différentes instances dans les régions, mais également au niveau de notre apparition publique, s’est fait autour des élections et non pas de notre politique dans les luttes et de leur nécessaire convergence.

C’est le résultat en partie d’une analyse pour le moins contestable de la situation et surtout des solutions que l’on pouvait y apporter. Après l’échec du mouvement social au printemps, il a semblé en effet à un certain nombre de camarades qu’il n’y avait plus grand-chose à espérer de ce côté-là et que les élections pouvaient représenter en quelque sorte une « deuxième chance » pour s’en sortir. Mais plus fondamentalement, il y a eu un choix politique, celui de donner une perspective différente et finalement une autre orientation à la construction du NPA que celles discutée lors du Congrès de fondation, en l’intégrant dans le cadre d’un front durable « antilibéral et anticapitaliste », qui aurait été lui-même une étape vers une recomposition plus large de la prétendue « gauche radicale ».

C’est donc cette question qu’il nous faut aborder après les régionales, celui de nos priorités et celui plus fondamental du parti que nous voulons construire : parti à gauche de la gauche ou parti ouvrier, populaire, œuvrant à la transformation révolutionnaire de la société, c’est ce choix désormais qui se présente clairement à nous.

I) Les traits marquants de la situation sociale et politique à l’issue des régionales :

La crise est un élément central que nous avons minoré durant la campagne électorale

C’est la raison pour laquelle les questions nationales auraient dû être au cœur de notre campagne pour les régionales, en la concevant comme une campagne offensive posant le problème de l’unité en premier lieu sur le terrain de la lutte, des besoins et des aspirations des travailleurs, notamment sur la défense des retraites, et en adaptant notre attitude au second tour en montrant que le PS et ses alliés ne veulent pas du 23 mars et encore moins de ses suites, à l’image de ce que préparent également les grandes confédérations syndicales.

Cela pose le problème des initiatives qu’il faudrait pouvoir prendre tous ensemble certes mais à la base pour bousculer le consensus en train de s’établir dans les discussions entre Sarkozy et les principales organisations de la gauche syndicale et politique.

Les élections et la volonté d’avoir des élus auraient dû être subordonnées à cette politique.

Abstention et résistance de la classe ouvrière

La classe ouvrière ne remporte pas de victoire, mais résiste en ordre dispersé. On a assisté au cours de la campagne électorale à une reprise de l’activité revendicative : autour des luttes contre les licenciements dans le privé ou les suppressions de postes dans le public, mais aussi autour de combats pour des augmentations de salaires. La journée du 23 mars sur les retraites avec toutes ses limites le montre également.

En même temps l’abstention dans les élections a été un élément majeur. Cela ne veut pas dire que les milieux populaires aient sombré dans l’apathie. Cela montre surtout que toute une partie des milieux populaires se détourne sans doute durablement du jeu politique institutionnel. Ce n’est pas le chômage qui est à lui seul à l’origine de ce phénomène, mais bien l’addition du chômage, des profits patronaux et des trahisons de la gauche syndicale et politique.

Ce qui pose le problème d’un parti réellement implanté dans les entreprises, dans la jeunesse et dans les quartiers populaires, capable de montrer au quotidien que nous voulons faire de la politique autrement, et capable dans les luttes de mener une politique indépendante de celle des grands appareils réformistes.

La politique nationale du gouvernement clairement sanctionnée.

La crise à droite fait rage. Villepin crée son propre mouvement. Sarkozy et sa politique sont haïs par les classes populaires, ce qui jette un certain discrédit dans les rangs de la droite sur leurs capacités à gagner les futures élections. Mais le PS n’apparaît pas pour autant comme une solution pour les classes populaires.

Il y a eu un succès électoral de la gauche mais pas de poussée à gauche. Elle a eu moins de voix qu’en 2004. Le PS se contente d’attendre que le discrédit de Sarkozy lui profite. Quant au Front de gauche, c’est un affichage d’une certaine indépendance vis-à-vis du PS au premier tour, pour mieux ramener les voix au second. Des divisions existent bel et bien au sein du PCF, mais c’est bien notre existence et une politique indépendantes qui restent le meilleur moyen de les accentuer.

Le FN confirme qu’il est toujours là.

Même s’il n’augmente pas en termes de voix par rapport aux régionales de 2004, le FN est à nouveau bien présent dans la vie politique.

Sur fond de révolte et de crise, la seule alternative au FN sera d’indiquer quels sont nos ennemis : les capitalistes et non les travailleurs immigrés. Mais ne négligeons pas non plus un des aspects de son succès : une certaine indépendance - plus apparente que réelle - vis-à-vis du jeu politique traditionnel et de la droite.

Combattre le FN c’est apparaitre clairement comme un parti résolument antiraciste et anticapitaliste, sans compromis avec les dérives politiciennes de la politique.

II) Le bilan politique de notre campagne.

Une clarification est nécessaire sur le rôle des élections et sur nos rapports aux institutions. Si nous prenons comme boussole le nombre d’élus pour déterminer la validité d’une orientation politique, nous risquons de commettre bien des erreurs.

Le « débouché politique » : qu’est-ce que c’est ?

Cette expression est à la base de nombreuses confusions qui se sont aggravées durant cette campagne électorale.

Dire que nous cherchons un « débouché politique » aux luttes n’aide pas les classes populaires à prendre conscience de leurs propres forces et à imaginer qu’elles pourraient par elle-même directement résoudre les problèmes de la société. La question d’un « débouché » renvoie au partage traditionnel que l’on trouve au sein de la gauche réformiste entre partis et syndicats, élections et luttes. C’est donner l’impression au bout du compte que les luttes ne pourraient être que syndicales, défensives, et que la politique émancipatrice se situe malgré tout quelque part dans les élections, renforçant au passage l’illusion qu’il suffit de bien voter pour résoudre les problèmes que nous n’avons pas su résoudre par nos luttes.

C’est donc cette clarification qu’il nous faut opérer, d’abord au sein du NPA, en essayant de comprendre comment on peut faire de la politique au travers des luttes. Car sinon, notre discours sur les luttes et sur les élections mises au même niveau ne nous fera pas marcher sur deux pieds mais claudiquer d’une manière absurde : avec une forte tendance à l’électoralisme en période électorale et au super-syndicalisme en dehors de ces échéances.

Le bilan d’une politique unitaire qui a été mal menée.

Aux européennes, notre proposition de faire un tout des européennes et des régionales n’avait rien d’unitaire. Le seul but était de coincer le PCF. Mais aux régionales, nous n’avons pas eu non plus une politique unitaire. La question des exécutifs ne pouvait apparaître que comme un prétexte.

Avant de songer à conclure des accords électoraux, le préalable aurait été de discuter de la situation, des luttes, du programme et des moyens de l’imposer. Lorsqu’on parle d’unité, c’est pour la réussir. Pas pour faire des démonstrations par la négative.

La question de l’unité reste donc à rediscuter entièrement pour savoir à quoi ça sert et comment on fait.

Une campagne à géométrie variable.

Après la rupture des discussions au niveau national, nous avions insisté sur le fait qu’il fallait conserver un cadre politique national aux discussions qui se poursuivaient dans les régions. Nous n’avons pas été entendus. La campagne qui a été menée a été illisible, incompréhensible et a découragé bon nombre de militantes et militants du NPA.

Elle a également contribué dans certaines régions à renforcer les illusions réformistes. Avec parfois des revendications contradictoires, voire éloignés de l’anticapitalisme. Car notre problème, ce n’est pas d’avoir des élus à tout prix mais sur des bases politiques qui ne sont pas contradictoires avec nos orientations. C’est bien le minimum !

En Bourgogne, la profession de foi valide pourtant l’idée de subventions aux entreprises :« les aides aux entreprises relèveront d’un fonds public régional pour l’emploi, sous contrôle d’une commission, composée majoritairement de syndicalistes, d’experts, et de citoyens ». Dans le Limousin, le fond est identique puisqu’il s’agirait de :« conditionner les aides économiques à des critères sociaux plus contraignants (emplois qualifiés bien rémunérés, transparence des comptes, non versement des dividendes aux actionnaires, consultation des salariés, respect du code du travail, sobriété énergétique) » et d’ « exiger le remboursement des aides publiques, par voie judiciaire si nécessaire, en cas de non respect de ces conditions ». Dans les Pays de Loire : « Aucune aide aux entreprises qui ne respectent pas un cahier des charges à la fois social (l’emploi, précarité), environnemental (conditions de production et de transport) et démocratique (contrôle des comptes, droit de veto des salariés) ».

C’est un alignement complet sur les illusions propagées par le PCF qui prétend faire la distinction entre les subventions qui seraient admissibles et celles qui ne le seraient pas. Le programme du NPA lui était très clair : « Aucune subvention aux entreprises privées »

III) La campagne pose en réalité la question du parti que nous voulons réellement construire.

Pour nous, cela doit être un parti dont le centre de gravité est la lutte de classes, les élections étant subordonnées à notre intervention dans les luttes. Il va falloir débattre de cela car sinon l’unité du parti ne sera qu’une unité de façade qui explosera à la moindre situation un peu tendue. Le parti doit être anticapitaliste, c’est-à-dire indépendant du PS et des institutions mais également proposer un projet de transformation révolutionnaire de la société. Un projet qu’il assume réellement, de manière conséquente.

Pour cela, le NPA doit intervenir au sein de la jeunesse, des travailleurs et des quartiers populaires. Il doit donc être militant et porter un discours commun partout où il intervient.

Sa priorité est de se tourner vers l’extérieur, sur le terrain des luttes. La bagarre sur les retraites en lien avec l’emploi et les salaires est à ce titre capital. Mais avec un contenu revendicatif qui permette d’enclencher une véritable lutte autour des 60 ans, des 37, 5 annuités et des 1500 euros nets.

Dans le cadre de ce CPN, nous avons 6 présentations de bilan, mais en réalité malgré les nuances, il y a deux orientations fondamentales qui préfigurent les débats du congrès à venir : faut-il construire un parti de la gauche de la gauche qui exerce une pression électorale sur le PS ou faut-il construire un parti ouvrier populaire œuvrant à la transformation révolutionnaire de la société ?

Nous pensons qu’il est possible d’agir pour que la seconde perspective soit majoritaire dans le NPA.

Texte 5

présenté par Monique Migneau (CPN), Lisbeth Sal (CPN), Omar Slaouti (CPN).

Le résultat des élections régionales constitue une défaite importante de la droite et un désaveu majeur pour Sarkozy qui en ressort politiquement affaibli et contestédans son propre camp. Affaibli pour aborder « la réforme » des retraites et contesté au point qu’on ne peut exclure qu’il y ait plusieurs candidats de l’UMP à la prochaine élection présidentielle.

Dans cette situation Sarkozy ne va pas faire de pause dans les réformes, bien au contraire : il s’est donné comme feuille de route six mois pour boucler le « dossier » des retraites. Et on peut s’attendre à une droitisation de sa politique sur l’immigration, la sécurité… pour satisfaire son électorat traditionnel d’une part, et tenter d’autre part de récupérer une deuxième fois l’électorat du Front national. Son objectif est de gagner l’élection présidentielle, et de la gagner à droite ! Finis donc l’ouverture ou les clins d’œil à l’électorat écologiste (oublié le grenelle de l’environnement, sa pourtant mauvaise et limitée taxe carbone, les discours de Copenhague..).

Le Front national se refait une santé. Il a bénéficié du débat sur l’identité nationale et a réussi à récupérer une partie de l’électorat populaire qui avait voté Sarkozy en 2007, déçue par les « promesses » non tenues. Cette élection lui a permis également de régler le problème de la succession de Jean-Marie Le Pen, sa fille tenant la corde pour la prochaine présidentielle.

Le Parti socialiste sort renforcé de cette consultation ainsi que sa première secrétaire Martine Aubry dans l’optique de la présidentielle pour représenter le PS. Il est en plus débarrassé de l’hypothèque du Modem, ce qui affaibli sérieusement la position de Ségolène Royal. Mais cette unité retrouvée reste fragile et peut voler en éclat tant sur le choix du mode de désignation du candidat que sur la désignation elle-même. Le PS peut lui aussi être confronté à plusieurs candidatures issues de son sein.

Enfin, même s’il est sûr qu’au moment de la présidentielle le PS apparaîtra comme le plus à même de virer Sarkozy, son indigence de par son orientation social-libérale à s’opposer à la politique de Sarkozy en terme de mobilisations, que ce soit sur les retraites, l’immigration ou la sécurité, va apparaître au grand jour.

La crise européenne avec la violence des mesures d’austérité prises par des gouvernements de gauche comme celui du PASOK en Grèce, ou la question des retraites en Espagne avec celui du PSOE n’aidera pas non plus le PS.

Même si ses résultats électoraux sont inférieurs à ceux des Européennes, Europe Ecologie a confirmé son nouveau statut de deuxième force de la gauche. C’est devenu aujourd’hui un partenaire incontournable (d’autant plus avec la claque du Modem) pour le Parti socialiste, avec qui cependant les rapports sont conflictuels. Son problème est aujourd’hui de gérer et de consolider ses succès électoraux, ce qui ne se fera pas sans contradictions comme en témoignent déjà les divergences de vue entre la coopérative politique proposée par Cohn Bendit et Cécile Duflot, porte-parole des Verts sur fond d’horizon 2012.

Le Front de gauche, malgré le vote utile, a résisté et réussi à préserver sa place sur l’échiquier politique à la gauche du PS. Le PC a enrayé et différé son déclin, le PG avec la figure de Mélenchon a crédibilisé son existence. Mais là encore, des contradictions majeures sont à l’œuvre d’une part entre les différents partenaires de ce front, liées entre autres à la volonté hégémonique du PCF, la « rivalité » en vue de la prochaine présidentielle, l’approche différente des alliances avec le PS (participation ou non aux exécutifs, prochaines cantonales très importantes pour le PC, etc.) et d’autre part au sein même de ses différentes composantes.

Lutte ouvrière, qui a mené une campagne très propagandiste, présentant des listes pour que « les travailleurs puissent crier leur colère » s’enfonce sans cesse dans la marginalité politique.

L’abstention reste à un niveau très élevé. L’analyse de sa réalité sociale et politique est comme toujours fort complexe, mais ce serait une grossière erreur que de penser qu’elle exprimerait pour l’essentiel une remise en cause des institutions de la V° République et qu’elle se composerait pour bonne part des salariés les plus mobilisés et les plus combatifs contre la politique de Sarkozy. Le facteur dominant, c’est plutôt, hors l’électorat traditionnel de la droite, qu’une partie des salariés, de la jeunesse est totalement démobilisée politiquement, sans perspective crédible, avec les replis individualistes que cela comporte.

La marginalisation du NPA.

Globalement, les scores du NPA sont très mauvais et entament largement son ambition de devenir le pivot de la recomposition à la gauche du PS. Si une analyse détaillée de chaque région est nécessaire, on peut retenir deux grandes configurations : celle où le NPA a mis en œuvre une politique visant réellement à réunir les conditions d’un accord unitaire et celle où le NPA était hostile à toute forme d’alliance. Les résultats sont meilleurs là où nous ne nous présentons pas seuls sans que cela ait entraîné forcément une véritable dynamique militante et/ou électorale. Pour autant, des contacts ont été pris et les campagnes unitaires sont des points d’appuis pour la suite, y compris là où nous avons mené bataille pour des listes unitaires sans que cette démarche n’aboutisse. A l’opposé, certaines régions ont adopté un profil très propagandiste, bien éloigné des options stratégiques du congrès de fondation. On ne peut par ailleurs que regretter que notre porte-parole ait décidé de privilégier les meetings où le NPA se présentait seul et de boycotter de fait ceux où l’unité la plus large a été réalisée (Languedoc Roussillon, Limousin notamment).

Tirer un bilan, c’est aussi tirer le bilan de ce que les uns et les autres ont défendu lors de la conférence nationale. Rétrospectivement, nous pensons, même si aucune des positions n’avait raison ou tord à 100 %, que la position C était la plus cohérente. Le fait qu’elle était, forte ou majoritaire, en concordance d’ailleurs localement avec la partie unitaire de la position A, en Languedoc Roussillon et dans le Limousin, n’est pas totalement étranger au fait que des accords unitaires aient été réalisés et que les obstacles nombreux aient été surmontés. Et si cette volonté unitaire avait été une véritable orientation nationale du NPA, il est sûr que cela aurait favorisé la possibilité d’autres accords unitaires régionaux et mis le PCF dans une situation très inconfortable. Sans parler du fait que cela nous aurait permis de grappiller les quelques voix qui nous ont manqué dans deux régions pour atteindre 5 %.

Ces élections montrent les limites de la « stratégie » du « parti des luttes », de ne considérer les élections que comme un baromètre ou un moyen pour crier notre révolte. Le NPA doit élaborer une stratégie plus globale, réfléchir au rôle qu’il peut et doit jouer dans le mouvement ouvrier, dans l’émergence et la construction d’une alternative à la social-démocratie et à quelle politique unitaire il doit mener pour avancer dans ce sens en partant de l’état d’esprit des salarié-e-s et de la jeunesse. L’aspiration à donner une correction à Sarkozy était très forte et le fait que le NPA soit apparu indifférent, voire hostile dans certaines régions à cette aspiration a coûté très cher.

Un mot enfin sur la candidature d’Ilham. Quelles que soient nos positions (fort diverses…) sur la question de l’opportunité de cette candidature et des conséquences sur les résultats électoraux, il est sûr qu’un débat aurait dû avoir lieu dans l’organisation, ce qui aurait pu permettre d’éviter une gestion catastrophique de notre intervention une fois la polémique faisant rage sur la scène politique.

Errare humanum est, perseverare diabolicum.

Il faut en finir avec les analyses qui n’ont pour objectif que de justifier une orientation. Ainsi en a-t-il été de la soi-disante inévitable alliance du PS avec le Modem, de la participation du PCF dès le premier tour sur des listes avec le PS dans la grande majorité des régions… Et cela continue aujourd’hui encore quand des camarades nous expliquent qu’une nouvelle union de la gauche s’est reconstituée, que tous les partenaires du Front de gauche sont allés à la soupe et que cela montre bien que nous avons eu bien raison de ne pas faire d’accord unitaire au niveau national et régional. Que le PS veuille reconstituer une nouvelle forme d’union de la gauche est une évidence. Mais cela n’est pas fait. Les contradictions sont multiples. Contradictions au sein d’Europe Ecologie entre le projet de Cohn Bendit et celui des Verts. Contradictions connues au sein du PCF. Contradictions au sein du Front de gauche dans lequel la Parti de gauche a décidé de ne pas participer aux exécutifs régionaux. Ne balayons donc pas d’un revers de main ce qui se joue dans la gauche radicale pour éviter de nous poser des questions. Sans céder aux sirènes de l’union de la gauche, nous pouvons peser sur ces contradictions pour peu qu’on ne se situe pas à l’extérieur de ces processus en cours mais qu’on s’appuie notamment sur les liens construits dans les régions comme le montre l’exemple du Limousin. Ce n’est que de cette manière que le NPA apparaîtra comme une organisation utile, non seulement dans les mobilisations, mais aussi pour donner une crédibilité à la construction d’une véritable alternative anticapitaliste.

Texte 6 (courant « Convergences et alternative »)

par Yann Cochin (CE Clamart), France Coumian (CPN Paris 19e), Mael Goepfert (CPN Paris 10e), Yannick Herbert (CPN Paris 20e), Olivier Mollaz (CPN Clermont-Ferrand/Bobigny), Danièle Obono (CE Aubervilliers), Anthony Smith (CPN Chalon), Stéphanie Treillet (CPN Créteil)

Le NPA doit changer au plus vite son orientation politique

1) Une crise politique est ouverte

Le verdict des Régionales est sans appel : la politique de la droite au pouvoir a pris une claque historique, descendant à 36%, son score le plus bas sous la 5e République. Les discours démagogiques du « travailler plus pour gagner plus » ou sur l’« insécurité » ne fonctionnent plus. Avec la réalité de la crise économique, ils n’arrivent plus à cacher la politique antisociale du gouvernement tournée vers la préservation des intérêts des banques et des actionnaires, tandis que pour les autres, c’est plus de chômage, moins de revenus, une remise en cause des acquis sociaux, des services publics, des droits démocratiques. Les manipulations aux relents racistes des thèmes de l’insécurité ou l’« identité nationale » aboutissent à renforcer le FN. C’est cette politique qui provoque un dégoût et une abstention massive, jusqu’à démobiliser même l’électorat de droite ou le renvoyer vers Le Pen. L’ampleur de cette abstention témoigne plus fondamentalement d’une perte de repères et d’une désaffection profonde vis-à-vis de l’action politique, notamment dans les couches populaires.

Une crise politique est désormais ouverte, se conjuguant avec une crise démocratique. Avec la victoire de la gauche, le retour d’un vote FN indépendant et l’échec de sa « politique d’ouverture », le pouvoir perd sa légitimité au moment où il s’apprête à appliquer une politique d’austérité renforcée. La prétendue « pause » annoncée par Sarkozy ne masquera pas longtemps sa volonté de mettre en place, dès maintenant, une austérité renforcée contre les régimes de retraite, la fonction publique, la protection sociale, les salaires et l’emploi. Ce qui se passe en Grèce, en Islande, en Espagne ou au Portugal, présage de ce que la droite a l’intention de faire en France. La « pause » consiste en fait à laisser le Parlement « délégiférer » pendant un an, c’est-à-dire détricoter le code du travail, de la santé, toutes les législations qui ont été arrachées par de multiples combats sociaux et démocratiques et sont encore un minimum de protection. Il faut donc l’empêcher de nuire, avant même 2012. Les échéances de mobilisations sociales (sur les retraites, l’éducation, la régularisation des Sans-papiers, la culture, etc.) sont autant de moment qui doivent participer à amplifier la défaite électorale et la crise du pouvoir, et redonner confiance aux secteurs militant-e-s et à remobiliser de larges pans de la mobilisation pour résister aux attaques et organiser la riposte.

Ces résultats électoraux provoquent un changement de situation politique, plus que ne l’avaient fait les élections intermédiaires depuis 2007 (municipales, européennes). Ils installent dans le paysage la fin possible du règne de la droite, rendent difficile à Sarkozy la possibilité de répéter le cocktail démagogique qui lui avait permis d’être élu, fragilisent le pouvoir en cas de confrontation sociale. Ils remettent aussi à l’ordre du jour le débat pour une alternative vraiment à gauche pour sortir de la crise capitaliste.

2) Les perspectives se ré-ouvrent à gauche

Avec 52 %, et malgré le taux d’abstention très élevé, l’ensemble de la gauche est majoritaire. Le PS retrouve un niveau électoral qu’il avait perdu ces dernières années. Beaucoup d’électeur-trice-s se sont à nouveau servies du vote PS pour sanctionner une droite de plus en plus insupportable, sans pour autant approuver sa politique social-libérale. Ce parti semblait pourtant rapidement perdre du terrain à gauche après les Européennes, mais tant que le principal objectif des électeur-trice-s reste de s’opposer à la droite au pouvoir, le vote PS est encore utilisé, notamment aussi parce qu’une alternative plus crédible n’existe pas. Mais dans le même temps, la remise en cause de son hégémonie politique à gauche reste engagée : son orientation sociale-libérale, ses choix d’alliance, l’anticipation des compromis à accepter (les retraites), ses luttes de pouvoir (primaires) sont autant de contradictions à venir.

Par ailleurs, la gauche se transforme. Elle voit se confirmer une composante écologiste importante, qui souligne que la lutte contre les dangers menaçant notre environnement est devenue une préoccupation majeure. Europe Ecologie apparaît pour partie comme « une autre solution » face au PS, mais devra clarifier ses choix stratégiques, ses alliances et les rapports antagoniques entre programme écologique et logique capitaliste. La gauche de gauche, même moins influente qu’il serait nécessaire, s’installe comme perspective durable. L’écroulement du Modem qui ne passe pas les 5 % traduit le fait que les électeur-trice-s ont rejeté l’illusoire perspective d’une 3e voie, et, du coup, prennent le PS à contre-pied. Celles et ceux qui rêvaient de faire alliance avec lui, y compris dans Europe Ecologie, pour justifier la nécessité d’accepter des choix politiques libéraux, sont contraint-e-s de remiser pour le moment ce choix qui a fait tant de mal aux forces de gauche en Europe. Pour battre la droite, pas besoin du Modem : il faut s’unir à gauche sans préalables. Et pour une sortie de crise en faveur des intérêts des salarié-e-s, il faut une politique de rupture avec le social-libéralisme, que celui-ci soit allié ou non avec le Modem.

3) La nécessité d’un rassemblement unitaire

Les résultats et la nouvelle situation qui s’ouvre soulignent encore la nécessité d’accentuer l’unité sociale et politique de la gauche de transformation sociale, unité cruciale si l’on veut construire des résistances à la droite et fournir une alternative à la politique du Parti socialiste. L’absence d’unité complète entre toutes les composantes de la gauche de transformation a affaibli ses résultats globaux. Mais ils montrent clairement que l’aspiration unitaire est dominante en son sein. Les écarts entre les listes « Ensemble/Front de Gauche » ou les listes d’unité plus partielle, et celles du NPA isolé sont sans appel : 2, 5 % pour le NPA en moyenne dans les 13 régions où il se présentait seul, entre 4, 8% et 4, 9 % pour les listes où le NPA se présentait dans une configuration unitaire partielle (NPA, PG, Fase, Alternatifs, secteurs du PCF …), 7 % pour les listes « Ensemble » dans les 17 régions où elles étaient présente, 8% ou 13 % où le NPA était allié au le Front de Gauche. Les électeur-trice-s ont préféré choisir les listes qui indiquent le début d’un rassemblement, à la posture isolationniste du NPA qui a été désavoué. Cet échec exige du NPA qu’il se tourne vers une autre politique : il ne peut plus prétendre représenter à lui seul l’alternative dont les salarié-e-s et les classes populaires ont besoin, il ne peut plus se dérober aux exigences d’une unité avec d’autres forces à gauche du PS.

Il faut tenir compte du bilan de ces Régionales pour relancer une perspective de rassemblement d’une gauche de transformation sociale. L’aspiration à une unité sur des bases alternatives est toujours fortement présente. Elle a entraîné un vote massif des militant-e-s du PCF pour des listes indépendantes du PS, en rupture avec la tradition habituelle de listes d’union avec le PS au premier tour des élections locales. Elle a aussi, à un autre niveau, bousculé le NPA qui s’est retrouvé sans majorité, divisé entre trois orientations différentes. Elle a levé un espoir, pendant ces mois de longues tractations entre les partis, parmi des milliers de militant-e-s du mouvement social, de voir enfin se réaliser un rassemblement où elles et ils trouveraient leur place et la traduction de leurs combats sur le terrain politique. Bien des obstacles n’ont pas été surmontés et ont freiné une dynamique possible. En premier lieu, le refus du NPA a affaibli le rassemblement et les résultats en ont été diminués pour tou-te-s. L’absence du NPA du rassemblement des listes « Ensemble…. » l’a empêché de peser sur les évolutions des listes unitaires et de contrebalancer les pratiques hégémoniques du PCF. Le bilan montre pourtant que la divergence sur la participation aux exécutifs n’était pas insurmontable, et n’empêchait pas de faire une campagne dynamique pour rassembler au 1er tour, sans abandonner les débats sur les suites. L’exemple du Limousin a été emblématique, au 1er comme au 2nd tour : une large union réalisée sur un programme alternatif, une dynamique et une camaraderie sur le terrain militant, un résultat électoral à 13%, une solidarité maintenue face aux exclusives du PS, et une dynamique encore plus forte au 2nd tour atteignant presque les 20%. Cet exemple montre un chemin qui était possible ailleurs, comme cela s’était engagé également en Languedoc Roussillon mais sans que cela puisse aller jusqu’au bout.

Les listes « Ensemble » avec le Front de Gauche se sont installées dans le paysage politique de la plupart des régions. Elles confirment ce qui avait commencé aux Européennes : un regroupement du type du Front de Gauche répond à une aspiration réelle au sein de l’électorat de gauche. Certes, leur dynamique a été affaiblie par les divisions au sein du PCF, quand des secteurs de celui-ci n’ont pas suivi la ligne d’indépendance vis-à-vis du PS, ou quand des secteurs de l’appareil ont voulu restreindre le rassemblement autour du seul PCF en ne visant que la réélection de leur sortant-e-s. Bien des listes « Ensemble », dans la préparation du 1er ou du 2nd tour lors des fusions, se sont heurtées à des logiques d’appareil. Le caractère « cartellisé » du rassemblement, l’absence de collectifs locaux ouverts ont eu raison de bien des volontés unitaires. L’implication de secteurs du mouvement social y a été faible, tandis qu’elles étaient inexistantes et impossibles dans la campagne solitaire du NPA.

4) Entrer dans le débat de l’alternative de gauche dans la crise capitaliste

La nécessité de faire bloc reste indispensable, et le Front de Gauche et celles et ceux qui se sont allié-e-s dans les listes « Ensemble » ne peuvent être contourné-e-s si l’on veut forger une alternative politique unitaire dans le soutien aux luttes et contester l’orientation social-libérale du PS, qui reste, malgré tout, majoritaire à gauche. A partir du bilan de ces élections, il est désormais possible de lever les obstacles qui ont été rencontrés. Là où l’unité a été complète, du Front de gauche au NPA, là où des vrais rassemblements unitaires ont vu le jour, sans le NPA, des dynamiques se sont créées dans les urnes mais aussi sur le terrain de l’action collective. Elles montrent la voie à suivre : un front politique et social permanent, capable de fournir une alternative politique à gauche et d’aborder ensemble les prochaines échéances sociales et électorales. Capable aussi de construire collectivement une autre représentation politique. Le NPA doit appuyer et participer aux initiatives de type appels ou assises, localement ou au niveau national, pour ouvrir et étendre le rassemblement des listes « Ensemble » encore incomplet. C’est à cette urgence et à cette nécessité unitaire que le NPA doit répondre dès maintenant : un bloc de l’autre gauche, large, ouvert à toutes les composantes, aux représentant-e-s et acteur-trice-s du mouvement social, s’appuyant sur des collectifs unitaires locaux.

Les débats pour forger un bloc alternatif vont désormais se poser différemment. Le défi à relever est celui d’une cohérence permettant d’offrir une solution politique de sortie de la crise économique en faveur des intérêts de la classe salariée et de la majorité de la population. L’éclatement social résultant de la crise et des effets multiples de la mondialisation rend plus difficile une alternative crédible. Celle-ci implique une recomposition attractive à gauche du PS, mais aussi une recomposition des repères de classe, indissociablement liée aux questions écologiques et à la lutte contre toutes les oppressions. Il est donc urgent que le NPA change d’orientation et s’attèle au plus vite à cette tâche.

Il faut bien sûr commencer par l’unité dans l’action, le développement et le soutien au mouvement de grèves, pour défendre les retraites à 60 ans, les services publics, etc. L’unité de toute la gauche politique et syndicale, le recours à toutes les formes de mobilisations, referendum, débats publics de masse comme lors du referendum sur le TCE…, en appuyant sur la crise politique et l’illégitimité des contre-réformes du pouvoir. Pour les forces qui composent la gauche de gauche, il y a ainsi un terrain spontané de convergences dans les mobilisations sociales. Mais elles doivent faire plus : elles doivent avoir la volonté partagée de proposer une solution politique globale, cohérente, qu’elles chercheront à rendre majoritaire à gauche, dans les mobilisations, et qu’elles devront défendre en commun lors des prochaines échéances électorale. L’enjeu est de construire une force politique rassemblée capable de se nourrir des mobilisations sociales, de porter cet espoir d’issue politique au sein du mouvement populaire, de bousculer les rapports de force à gauche en faveur d’une politique de transformation.

C’est une des leçons des régionales : il faut plus d’unité, et une unité enracinée dans les localités, les entreprises et les quartiers, appuyée sur des comités unitaires de base. Le NPA doit décider d’apporter sa contribution et de prendre sa place dans un front qui s’élargisse et se transforme, tire les leçons des divisions antérieures, redonne un espoir à gauche. Les cantonales en 2011, suivie des législatives de 2012, pourront être l’occasion de présenter des candidatures unitaires qui défendent ce projet de mesures pour changer la vie de tout ceux qui subissent la crise. Et en abordant la discussion par le biais du programme législatif à défendre, on pourra essayer de surmonter le piège tendu par la 5e République à chaque élection présidentielle, qui dépolitise le débat et personnalise la politique, en cherchant une candidature rassemblant les différentes forces autour d’un même projet.

Le parti que nous construisons actuellement est-il un outil dans cette perspective ? En a-t-il la volonté ? S’il veut refonder une perspective de rassemblement d’une force nouvelle, le NPA ne peut éviter d’entrer en discussion avec d’autres partenaires potentiels, en apprenant aussi des expériences positives qui se déroulent en Europe à la gauche de la gauche. Aucune ne s’est faite autour d’un seul courant. L’échec de notre politique électorale et les reculs dans notre construction nous obligent à reprendre ces discussions lors de notre prochain congrès.

Texte 7 présenté par Jean Philippe Divès (CPN)

Identifier nos erreurs et en tirer les leçons

Le niveau inédit de l’abstention parmi les classes populaires s’est combiné, dans la fraction de l’électorat de gauche qui s’est rendu aux urnes, à un vote utile pour les partis (PS, Europe Ecologie, Front de gauche) perçus comme ayant la capacité de gouverner, les régions aujourd’hui et le pays demain, sur fond de formation d’une nouvelle union de la gauche.

Ce double phénomène a résulté d’une série de processus objectifs qui se sont additionnés et entrecroisés : perte de confiance envers les partis politiques et la politique elle-même, désintérêt pour les enjeux de la gestion des régions, volonté de ne pas laisser tous les pouvoirs à la droite, sentiment d’impuissance à faire bouger les choses par la mobilisation, espoir d’en finir avec Sarkozy en 2012, recherche d’un outil électoral qui le permette…

Dans ces conditions (et en laissant de côté le vote FN dont les ressorts sont autres), tous les projets se présentant en alternative au PS et à la « gauche solidaire » en gestation d’Aubry, Duflot et Buffet ont été électoralement laminés. A droite, le Modem. A gauche, principalement le NPA, avec ou sans alliés, mais aussi LO qui continue à se tasser, ou encore une expression locale telle que la liste Gremetz en Picardie.

Notre mauvais résultat électoral s’explique donc, fondamentalement, par des raisons indépendantes de notre intervention. Les programmes et les configurations de liste n’ont joué qu’à la marge. [De même, sur un autre plan, il serait erroné de surévaluer les conséquences électorales de l’affaire dite du voile. La chute du vote des femmes en faveur du NPA reflète en partie le fait que notre électorat devient plus masculin à mesure qu’il se réduit au champ protestataire ou de l’extrême-gauche.] Une preuve en est donnée par… les programmes et configurations de liste de notre campagne, ou plutôt de nos campagnes.

Celles-ci, en effet, ont été sensiblement différentes d’une région à l’autre. Si les choix incarnés dans les positions A, B ou C de la consultation militante avaient vraiment influé sur les résultats électoraux, certaines régions auraient fait de meilleurs scores que d’autres. Or, le recul du NPA est général quels que soient les situations et choix majoritaires des régions (voir mon étude « Résultats NPA : comparatif régionales/européennes et quelques remarques »).

Les chiffres démentent notamment l’idée que se serait manifestée électoralement une « dynamique de l’unité » avec le PG ou le Front de gauche. L’argument selon lequel, là où des listes unitaires ont été présentées, une telle dynamique aurait été freinée par l’absence d’une politique nationale allant dans ce sens, n’est pas non plus très solide : l’électeur bourguignon ne se détermine pas en fonction de la campagne francilienne, ni le haut-normand par rapport à la ligne auvergnate, et le discours national « grand public » du NPA a été suffisamment général (et exempt d’attaques contre le Front de gauche) pour pouvoir « englober » toutes les configurations de liste.

Il n’y a pas eu de dynamique électorale à une exception près, celle du Limousin. Mais pas au premier tour, dans lequel la liste FG-NPA a perdu 22 % par rapport au total FG + NPA des européennes de 2009. Quand on considère d’une part les scores des uns et des autres en 2009, d’autre part le résultat national du Front de gauche seul dans ces régionales, qui est en légère progression, on ne peut que conclure que dans le Limousin aussi, le NPA a reculé le 14 mars, et cela dans des proportions comparables aux autres types de liste auxquels il a participé.

L’exception s’est produite au second tour : c’est une fois le sarkozysme balayé (au premier tour), et après que le PS, grand vainqueur de ce premier tour, ait fait obstacle à une fusion démocratique, que la liste FG-NPA a réalisé sa percée. L’expérience du Limousin, avec ses singularités (refus du PCF de céder aux pressions du PS en se désolidarisant du NPA - contrairement à ce qu’il a fait ailleurs par rapport à son allié privilégié, le PG -, décision de ses élus de ne pas entrer dans l’exécutif régional pour garder leur indépendance), mérite en tout cas une étude et un débat sérieux, loin de toute instrumentalisation à des fins d’agitation interne.

A l’origine de notre crise : la politique du « processus unitaire » et son échec

Si nos problèmes et désaccords n’ont donc pas eu d’incidence électorale majeure, en revanche, ils ont fortement affecté notre cohérence politique, notre capacité à peser collectivement dans le champ politique (qui ne se réduit pas aux élections), ainsi que la perception extérieure de notre projet comme porteur d’une alternative. Comme le signalent les principes fondateurs, les aspects électoraux sont importants mais ne sont ni prioritaires, ni forcément décisifs. Le problème est ici que c’est indépendamment de ses résultats électoraux (qui, n’en doutons pas, auront l’occasion de varier substantiellement au gré des situations et des élections…) que le NPA se trouve aujourd’hui affaibli.

Nous avons mené cette campagne des régionales dans une situation d’éclatement politique majeur, avec de nombreuses divergences et des profils de liste très différents. La discussion sur le bilan va naturellement aborder ces questions. Je pense pour ma part que dans le cadre d’autres problèmes, il y a eu par endroits de sérieux dérapages opportunistes, et ailleurs des positionnements franchement gauchistes, les uns et les autres contreproductifs. Cependant nous savions tous, dès le CPN de début novembre, que cette campagne se présentait pour le NPA de façon très compliquée, qu’elle serait dans tous les cas difficile (cela a d’ailleurs été une raison du choix d’Olivier Besancenot comme tête de liste en Ile-de-France). Notre marginalisation électorale a constitué une déception, mais nullement une surprise ! Il convient donc, avant tout, de s’interroger sur ce qui est à l’origine de la crise actuelle du parti. La réponse apparaît évidente : la politique du « processus unitaire » et son échec.

C’est le 30 juin que le comité exécutif du NPA a engagé le dit processus unitaire, suite à sa rencontre avec la direction du PG, à l’issue de laquelle un communiqué commun fixait l’objectif de parvenir à des listes communes NPA-Front de gauche (personne ou presque n’ayant d’illusions sur la réponse de Lutte ouvrière) : « les deux partis constatent que les propositions issues de leurs instances nationales respectives peuvent permettre d’avancer dans cette voie unitaire pour les élections régionales. En conséquence, ils décident d’engager dés maintenant les discussions nécessaires entre eux ainsi qu’avec leurs autres partenaires NPA, PCF, LO, Alternatifs, Alterekolos, Fédération »

Ce processus a duré plusieurs mois, jusqu’à la rupture intervenue au niveau national le 10 novembre. Pendant toute cette période, et même au-delà puisque c’est seulement après la rupture des négociations nationales qu’est intervenue la consultation des militants du NPA, il a polarisé la vie interne du parti, et dans une large mesure son expression externe, prenant le pas sur toute autre question. Dans sa propagande publique, le NPA a systématiquement mis en avant le fait qu’il en avait pris l’initiative. A l’arrivée, il s’est retrouvé seul alors que les forces qu’il avait pris l’initiative de réunir se sont à peu près toutes unies dans les listes « Ensemble » du Front de gauche élargi. Et c’est le NPA qui a été très largement considéré, dans les milieux militants de gauche, comme responsable de la « division ».

Au plan interne, le résultat a été un éparpillement politique majeur. La majorité de la direction, qui représentait 80 % du CE et 70 % du CPN, a obtenu le soutien de 35 % des militants. Le parti s’est retrouvé divisé en trois blocs de poids comparable. La configuration et les bases politiques des listes ont alors été laissées à la responsabilité des différentes régions, où elles ont varié en fonction des différentes réalités politiques, internes et externes. L’extrême pluralisme des listes du NPA a confiné à la cacophonie, tout en facilitant les dérapages dans un sens ou dans l’autre.

Une dernière conséquence de l’échec du « processus unitaire », et non la moindre, a été que le parti, profondément ébranlé, s’est globalement peu engagé dans la campagne ; par exemple, moins d’un tiers des militants a participé aux activités de campagne dans la fédération 75, la plus importante en termes d’effectifs.

Si l’on prend l’image d’un match de football, on peut dire que nous avons perdu face à l’équipe du Front de gauche en marquant contre notre camp, après avoir pourtant organisé nous-mêmes le match (le « processus unitaire ») en en choisissant le terrain et la date. A la suite de quoi, comme cela arrive souvent, notre équipe a pris un coup au moral et s’est trouvée prise dans une spirale descendante, au point qu’elle doit maintenant lutter pour s’éloigner de la zone de relégation. Alors que nos concurrents directs, de leur côté, se sont renforcés, ont gagné en confiance et nous distancent au classement.

Nécessairement, quelque chose n’a donc pas fonctionné : soit dans la stratégie suivie, soit dans la tactique appliquée, soit dans la préparation de l’équipe, soit même dans la définition de l’objectif (fallait-il jouer cette partie dans ces conditions ?) Les explications qui se borneraient à mettre en avant les conditions climatiques et l’état du terrain (principalement social et qui, nous en serons tous ou presque d’accord, n’est pas excellent), ou bien les ressources inattendues déployées par l’équipe adverse (nos « partenaires » du Front de gauche), ne seraient pas admissibles : notre équipe était censée prendre ces éléments en considération, et se disposer en conséquence.

De même ne peut-on pas fermer les yeux en attendant simplement que la mauvaise période passe. Surtout pas cela, parce que si l’on veut prendre les moyens de se redresser, et éviter qu’à un moment ou un autre le même type de causes ne produise le même type d’effets, il faut impérativement identifier les raisons de l’échec, en essayant d’aller au fond des problèmes posés.

L’oubli de la politique concrète

Pendant tout le processus unitaire, on a discuté sans fin de « la (non) participation aux exécutifs régionaux dirigés par le PS », en expérimentant par ailleurs une large gamme de formules de compromis à différents niveaux, mais sans jamais mettre cette question en rapport avec ses contenus concrets et immédiats : « participer », pour fairequoi exactement ?

De même s’est-on lancé dans des négociations pour former des listes, visant notamment à obtenir des élus au sein d’une institution, sans avoir la moindre idée (ou alors, on l’aurait été bien caché) de ce que pouvaient faire concrètement au sein de cette même institutionles élus actuels des partenaires envisagés ; en particulier, les 43 vice-présidents (« ministres » des gouvernements régionaux) membres du PCF. Il est révélateur que le premier texte de travail abordant la place des conseils régionaux et la politique de leurs exécutifs (une « Info CE » rédigée par Myriam C. et Lucien) ait été publié… au mois d’octobre, c’est-à-dire alors que le processus unitaire arrivait à son terme.

A l’évidence, les « discussions unitaires » auraient pris un tour éminemment plus concret si, au lieu de n’aborder pendant des semaines que des généralités, de ne discuter que sur de grands slogans nationaux qui pouvaient être justes mais concrètement n’engageaient personne, on avait dès le début engagé le débat, y compris publiquement, sur la politique menée par la gauche dans les conseils régionaux. Le PCF et le PG sont officiellement pour « l’interdiction des licenciements » dans les entreprises qui font des profits, délocalisent ou versent des dividendes - pendant que dans les conseils régionaux ils soutiennent les pôles de compétitivité et l’apprentissage, votent toutes les subventions au patronat, maltraitent les personnels des régions, etc.

Il est difficile de comprendre pourquoi ces questions, pourtant au cœur de la gestion sociale-libérale concrète d’aujourd’hui, ont été à ce point négligées. Volonté de ne pas fâcher les partenaires ? Concession à cette partie de nos camarades qui estimait que parler des « compétences régionales » signifiait sombrer dans le réformisme institutionnel ? Mais c’est de façon générale, y compris en rapport à notre propre campagne, que ces aspects de programme ont été mis de côté.

Pour preuve, le fait que le CPN ne les a jamais abordés en tant que tels - alors que le débat a ensuite été très vif en région, au moins dans certaines d’entre elles. L’unité, pas l’unité ou comment l’unité, polarisait en revanche chaque CPN... Comment dans ces conditions s’étonner que, par exemple, alors que notre propagande nationale rejetait les subventions aux entreprises en soulignant qu’il s’agissait d’aides au patronat, et dénonçait comme démagogiques les affirmations selon lesquelles il fallait les conditionner à des critères sociaux et écologiques, le NPA ait défendu dans quatre régions… le conditionnement des aides aux entreprises à des critères sociaux et écologiques ?

Pour preuve encore, le modèle de profession de foi rédigé par le CE (et repris tel quel dans une région), qui fixait comme tâche centrale à des conseils régionaux qui mèneraient une politique en faveur des travailleurs et de la population, de mettre en place de nouveaux services publics répondant à des besoins sociaux… qui sont du ressort des départements et des communes (petite enfance et quatrième âge). Heureusement, la grande majorité des professions de foi se sont recentrées sur ce que font effectivement les conseils régionaux, en se démarquant de leur gestion sociale-libérale et en évitant le discours démagogique du « demain, on rase gratis ».

Pour preuve toujours, la brochure nationale. C’est fin décembre, c’est-à-dire en catastrophe au dernier moment, qu’un membre du CE a pris l’initiative de constituer une équipe pour la rédiger (avec les deux camarades déjà cités et le signataire de ce texte). On a fait au mieux, ce qu’on a pu. Mais le programme, notamment les axes de campagne proposés, n’a fait l’objet d’aucun débat collectif dans le parti et dans ses instances de direction - sans parler d’élaboration.

Un problème de méthode

Un autre grand problème est que l’on s’est lancé dans ces négociations sans avoir la moindre idée (en tout cas, sans l’avoir jamais formulée) de ce qui pourrait bien en sortir. Donc, sans s’être préparés collectivement à répondre aux différentes situations qui pouvaient en résulter. La devise semble avoir été : « on ne sait pas où on va mais on y va ». Certes, cette étrangeté s’explique en partie par le fait qu’il y avait dès le départ des appréciations différentes, tant sur les possibilités que sur les conditions pour des listes unitaires. Mais comme rien n’en avait été explicité… Et que l’on avait face à nous des gens qui, eux, savaient où ils voulaient aller ensemble…

Il serait bon d’admettre une fois pour toutes que ce genre de consensus ne renforce pas le parti mais le fragilise. Bien sûr, il faudra toujours savoir faire des compromis. C’est d’autant plus nécessaire dans un parti anticapitaliste large et pluraliste comme l’est le NPA. Mais la condition est que les compromis soient clairs et assumés, donc interviennent après que les débats aient permis d’aller au fond des choses, sans faux-semblants. Lorsque cela se fait dans le non-dit, on met en place soi-même une bombe à retardement.

Une erreur d’analyse

On sait maintenant de source sûre (par le texte de 7 membres du CE dont Alain Castan, Alain Pojolat…) que la majorité de direction a abordé les discussions unitaires armée de l’analyse suivante : comme en 2004, le PCF ira avec le PS dès le premier tour dans une majorité de régions, ce qui veut dire que la proposition de Mélenchon, de former partout des listes unitaires de « l’autre gauche », mettra en difficulté le PCF, par répercussion le Front de gauche lui-même, et que les délimitations se feront d’abord sur cette question-là.

Après une première réaction publique à l’annonce de « l’offre nationale » du PCF qui était totalement déphasée (en gros, il s’agissait d’une manœuvre pour faire passer le maximum de listes de premier tour communes avec le PS), le réveil a été douloureux. Le NPA s’est retrouvé victime de la théorie des « deux gauches » héritée de la LCR. En résumé : il y a d’un côté la gauche sociale-libérale, de l’autre la gauche anticapitaliste et antilibérale, il n’y a pas de milieu possible, entre les deux il faut choisir. Raisonnement simpliste qui nie l’autonomie relative de la gauche de collaboration de classes « antilibérale » (désormais incarnée dans le Front de gauche), ainsi que sa capacité à continuer à tromper comme le faisait le vieux réformisme avant sa conversion au capitalisme néolibéral.

Tout aussi fausse s’est avérée une autre idée, liée à la précédente : celle selon laquelle la direction et l’appareil du PCF mettraient au-dessus de tout la préservation de leurs élus dans les conseils régionaux. C’est un Patrice Bessac qui nous donne, en quelque sorte, une leçon de politique quand il signale le 23 mars dans L’Humanité, en réponse aux questionnements consécutifs à la réduction de moitié du nombre des conseillers régionaux du PCF : « le résultat est avant tout politique. Le Front de gauche, dont le PCF, est installé parmi les trois rassemblements qui compteront pour penser l’alternative à gauche. Si nous n’avions pas existé, nous serions aujourd’hui pris dans l’étau socialiste et Europe Ecologie. Là, il y a un troisième acteur, déterminant. »

Signalons aussi qu’un autre pronostic s’est trouvé démenti : celui voulant que toute la gauche « réformiste » s’achemine, suivant l’exemple italien, vers la constitution d’une coalition de centre-gauche. Evidemment, personne n’avait prédit l’effondrement du Modem. On aurait cependant pu éviter de développer ce discours de façon systématique et sans précaution - jusque dans la conclusion de la brochure nationale. Plus grave, nous avons laissé entendre que le Front de gauche se rallierait à une coalition de centre-gauche alors même qu’il s’en défendait, tout en lui donnant un coup de pouce en légitimant son argument de campagne « placez-nous devant le Modem pour imposer l’union de la gauche face aux tentations de centre-gauche ». Autre exemple de but que nous nous sommes marqués nous-mêmes…

Et maintenant ?

Conséquents avec la politique qu’ils ont défendue jusqu’à présent, les camarades du courant C&A proposent de redéfinir le projet politique du NPA (avec lequel ceux de leurs membres qui viennent de la LCR n’ont jamais été d’accord), pour faire de notre parti une composante du Front de gauche. Indépendamment de cela, il est de toute façon indispensable de rediscuter le projet. Et de le faire non plus de façon principalement « théorique », comme cela avait été le cas à travers les Principes fondateurs, mais en termes politiques, concrets et actualisés.

Le premier congrès ordinaire du NPA devra inévitablement s’ordonner autour de cette tâche - les questions de programme général s’en trouvant d’autant relativisées. Pour cela il devra, à la fois, tirer des bilans et affronter les défis nouvellement posés. En sachant que nous sommes (momentanément jusqu’en 2012 ?) dans une situation plus difficile, avec un capital politique entamé et un espace réduit.

Si l’on ne peut savoir ce que nous réservent la crise économique et les luttes sociales, en revanche, un élément politique central est en train de se mettre en place : la reconstitution d’une nouvelle mouture d’union de la gauche. Avec comme l’une de ses composantes, plus ou moins autonome, plus ou moins dépendante mais dans tous les cas intégrée, le Front de gauche. Bien sûr il y aura des contradictions et il faudra tenter d’agir sur elles. Mais la prise de position première, fondamentale, ne peut être que (comme le dit très bien le projet de résolution politique pour ce CPN) : « nous n’en serons pas, parce que ce n’est qu’une autre façon de faire payer la crise aux travailleurs. »

Les débats de la consultation militante sont donc en partie dépassés. Le problème n’est définitivement plus de savoir si le projet du NPA doit être plus ou moins « ouvert » ou « fermé », mais à quelles forces, quels courants il convient de s’ouvrir ou de se fermer en fonction des enjeux politiques réels. Comme tout parti politique, nous allons maintenant devoir nous définir d’abord par rapport à la question du gouvernement, du pouvoir.

Ensuite, à un second niveau, se (re)poseront les autres problèmes, très importants eux aussi, du type d’intervention, de politique de construction, de délimitations programmatiques…


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