Le "carré magique" du rassemblement à gauche, par Claude Bartolone, PS

dimanche 4 avril 2010.
 

La gauche et les écologistes viennent de remporter une victoire éclatante. Et pourtant, dès le lendemain de ce triomphe, un piège guette les Français. Ce piège consiste à croire qu’une forme de cohabitation pourrait s’instaurer entre un Etat à droite et des territoires à gauche. Une espèce de "jugement de Salomon" électoral confiant la sécurité et la fiscalité à la droite, tandis qu’on livrerait la solidarité et la proximité à la gauche...

Le croire serait une double erreur. D’une part, on le voit bien avec la réforme territoriale, l’Etat a le pouvoir de rayer d’un trait de plume les collectivités locales et de modifier la règle du jeu électoral. D’autre part, on le constate chaque jour, quand l’Etat décide de supprimer des enseignants, du personnel médical et des policiers, les collectivités n’ont le droit que de protester, pas les moyens de compenser.

Si bien qu’aujourd’hui dans la Ve République telle qu’elle est - celle du quinquennat et de l’inversion du calendrier électoral -, qu’on le veuille ou non, l’élection mère de tous les changements, c’est l’élection présidentielle.

Ces dernières années, il ne s’est pas passé un jour sans besoin de rassemblement de la gauche. Et pourtant, pas un jour ne s’est passé sans qu’une frange ou une autre de la gauche explique à l’autre pour quelle bonne raison ce rassemblement est impossible... Voilà résumés les termes de la vieille schizophrénie de la gauche française. Et nous n’avons jamais été aussi près de sortir de cette impasse.

Il existe, selon moi, quatre "côtés" qui peuvent former le "carré magique" indispensable à un rassemblement de la gauche gagnant pour la France.

Premier côté, une vision de société commune.

Je ne crois pas qu’une dynamique politique puisse naître simplement de la signature d’un accord électoral entre deux centrales politiques, un soir d’entre-deux-tours, sur un coin de table. Seule une vision de société partagée peut permettre de générer cette dynamique.

Je crois que ce projet commun capable de rassembler la gauche, c’est la République sociale-écologique. Le travail de la gauche, ce n’est pas d’arbitrer entre la question sociale et la question environnementale, mais de nourrir l’une de l’autre. Le débat sur la défunte taxe carbone en est une parfaite illustration.

Prétendre lutter contre le réchauffement climatique en ponctionnant les plus modestes, ce n’est rien d’autre que le choix politique de soumettre la question sociale à la question environnementale par effet de mode. En revanche, porter le projet de mutation d’un capitalisme financier dépassé vers un modèle d’économie verte garant d’emplois durables, c’est la République sociale-écologique.

Deuxième côté du "carré magique", un contrat de gouvernement.

Là, il s’agira de ne pas rééditer les erreurs d’hier. La gauche, ça ne se saucissonne pas ! Par le passé, nous avons trop souvent donné le sentiment de découper notre programme de gouvernement en tranches : le social pour les communistes, l’environnement pour les écologistes, la laïcité pour les radicaux, la République pour les chevénementistes et... les embarras de la gestion pour les socialistes.

Dans le nouveau monde, où s’interpénètrent les questionnements politiques, un tel cloisonnement n’a plus de sens. Le rassemblement de la gauche doit s’appuyer sur une tout autre logique. Ce n’est pas une juxtaposition de couleurs, mais une plateforme programmatique globale qu’il nous faut inventer, un rigoureux contrat de gouvernement basé sur quelques engagements denses : comment redonner de la force au service public à la française, notamment à l’école, à la santé et à la sécurité ?

Quel nouveau modèle de développement, plus soucieux de la valeur salaire que de la valeur travail, moins obsédé par la rentabilité à court terme que par l’état dans lequel nous laisserons la planète ? Comment redonner de la force à la République, notamment pour affronter les nouveaux périls qui menacent la laïcité ?

Dès 2011, la gauche devra apporter des réponses communes à ces grandes questions et organiser ces réponses en un solide contrat de quinquennat.

Troisième côté, un accord électoral.

Dès à présent, il nous faut construire les conditions politiques du rassemblement. Non pas en catimini, mais en transparence. Ce n’est en rien dégradant pour la gauche et la démocratie que de dire devant les Français que le rassemblement s’opérera aussi sur un accord électoral.

Lorsque demain les Français seront appelés à élire un président de la République issu de la gauche, je préfère qu’ils connaissent à l’avance les grands équilibres de la majorité parlementaire qui sera amenée à le soutenir.

A ce titre, l’idée de s’accorder avec nos partenaires sur leur représentation à l’Assemblée nationale en échange d’une candidature unique à l’élection présidentielle est une idée qui fait sens.

Quatrième côté du "carré magique", une candidature commune à l’élection présidentielle.

La Ve République hyperprésidentielle, nous voulons la changer. Mais le fait est que, pour la changer, il faut d’abord gagner. Et pour cela, il faut s’adapter à ses codes.

Nous le savons bien, au soir du premier tour, le candidat de la gauche, s’il obtient un score trop éloigné de celui de la droite, ne sera pas en mesure de générer la dynamique nécessaire à une victoire au second tour. Un seul remède à cela : la candidature commune de la gauche.

Les primaires ouvertes peuvent être un bon moyen d’établir cette candidature commune et de lui donner toute la force nécessaire. Mais, de grâce, n’en faisons pas l’alpha et l’oméga du rassemblement. La mécanique importe bien moins que la philosophie.

Et quoi qu’il en soit, une fois notre projet de société inventé, notre accord de gouvernement scellé et notre accord électoral établi, s’il apparaît que la présence de plusieurs candidats de gauche au premier tour est porteuse de la meilleure dynamique de victoire au second tour, c’est dans un esprit de complémentarité et non de concurrence que doit s’opérer ce choix.

Claude Bartolone est député PS et président du conseil régional de Seine-Saint-Denis.


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