Tour de France des manifs du 23 mars (6 articles)

mardi 30 mars 2010.
 

Les salariés ne se sont pas abstenus de descendre dans la rue

Ce mardi, ils étaient 800 000 manifestants selon la CGT, 380.000 selon la police, pour défendre pour les retraites et l’emploi.

Après les régionales dimanche, salariés du privé et du public étaient appelés à descendre dans la rue ce mardi pour les retraites et l’emploi. Ils étaient 800 000 personnes selon la CGT, 380 000 selon la police. C’est loin du pic historique du 19 mars 2009 (3 millions selon la CGT), mais leaders syndicaux et politiques se disent plutôt satisfaits.

Dans le défilé parisien, Bernard Thibault de la CGT a jugé la mobilisation « plutôt bonne compte tenu de l’absence de communication des médias auprès du public sur la journée d’action et de certains éléments de division syndicale ».

Pour François Chérèque (CFDT), les syndicats attendent « un signe de justice sociale ». « Tout le monde sait très bien que le problème des retraites ne pourra pas être résolu tant qu’on n’aura pas fait chuter le chômage et remonter l’emploi dans ce pays. »

Et Jean-Luc Mélenchon du Parti de Gauche d’analyser : « Chaque fois qu’on met une tannée à la droite, cela fait remonter la mobilisation sociale et chaque fois que nous, nous prenons une tannée, la mobilisation descend » dans les manifs.

« A La Poste, on voit les conséquences de la crise au quotidien »

A Paris, le cortège a rassemblé 31.000 personnes selon la police et 60.000 pour les syndicats. A voir, notre galerie photo avec les témoignages de profs, infirmières, greffier, postier, retraités ou chômeurs, croisés entre la place de la République et Bastille.

A Rennes, la mobilisation, avec ses 5000 à 10 000 manifestants, a d’abord surpris les leaders syndicaux, eux-mêmes. « Quand on cible les vrais problèmes des gens, il n’y a pas d’abstention. Les vrais enjeux ils sont là ! », s’est réjoui Patrice Forgeou, secrétaire adjoint de l’union départementale CFDT en Ille et Vilaine.

A Bordeaux, ils étaient entre 8.000, selon la police, et 20.000 selon les syndicats, à défiler ce matin dans le centre de Bordeaux pour « imposer d’autres choix ». Un cortège, de plus de 3 km de long, qui s’est étiré au rythme des chansons, du type « il y a longtemps que l’on sème, nous voulons récolter ».

« Quand on voit les similitudes entre la gestion du public et celle du privé, on ne peut être que déçu. Je ne suis pas entré dans la fonction publique pour assister à cette dérive », explique Patrick, un agent du ministère de la justice, croisé à Orléans.

A Toulouse, ils étaient entre 9.000 et 18.000 manifestants, selon la police et les organisateurs. « Une bonne manif de reprise du mouvement social », juge un syndicaliste.

Du monde aussi dans les rues de Lille (6 000 pour la police, 8 500 pour les organisateurs). Et surtout ouvriers et enseignants ensemble. Un point commun, la dégradation des conditions de travail.

10 à 15.000 manifestants à Lyon. Entre 12.000 et 50.000 à Marseille, dont les salariés de Fralib (groupe Unilever) fabriquant des sachets de thé Lipton, qui entament leur troisième semaine de grève pour obtenir des hausses de salaires. Des cortèges aussi à Tarbes (de 4 à 9.000 selon les sources), à Nantes (de 9.000 à 25.000), Rouen (de 10 à 15.000), Caen (de 10.000 à 12-17.000), Le Mans (de 7.000 à 30.000), Tours et Le Havre (5 à 5.500 selon la police, bien plus selon les syndicats), 5.000 à Grenoble, plus de Clermont-Ferrand, selon la police.

2) Lille : Lille : le travail, « de plus en plus dur »

Elles sont trois, elles travaillent dans la Vente Par Correspondance, à la préparation des commandes. "C’est physiquement de plus en plus dur. On a beaucoup de problèmes de tendinites aux épaules, on répète toujours les mêmes gestes. Et ils ne veulent pas le passer en accident du travail". Il y a du monde dans le cortège lillois, qui serpente de la porte de Paris à la place de la République, 6.000 pour la police, 8.500 pour les organisateurs. Dans le cortège (1), ouvriers et enseignants ensemble. Avec un point commun : les conditions de travail se dégradent.

Béquilles. Devant elles, les ouvriers de Cargill, une usine d’amidon à Haubourdin. "La retraite au-delà de soixante ans, je trouve cela immoral. A terme, on ira travailler avec des béquilles", s’exclame l’un d’eux. "On marche 345 jours par an, on tourne à 5/8. On travaille sept jours d’affilée, mardi mercredi du matin, jeudi vendredi de l’après-midi, et samedi dimanche lundi de nuit. Ensuite, on a quatre ou cinq jours de repos. Ca fait 28 ans que je fais ça, je suis déjà décalé au niveau du sommeil. Quand je suis de nuit, je ne dors que deux ou trois heures. Ca empire avec l’âge, alors...", explique un autre.Alors, ils réclament le départ à 55 ans pour les postés. "Surtout qu’avec les plans sociaux, ou les retraites maison, ils suppriment tous les vieux.Y en a pas beaucoup qui vont jusqu’à 60 ans."

Régis et Franck défilent en famille, père et fils. Une pancarte passe, "Non à l’awoerthement !". Ils estiment qu’il existe une pression de plus en plus forte au travail. "Si ça va pas, ils vous disent qu’il y en a trois millions dehors qui veulent ta place, et en plus pour moitié moins cher. On oppose les gens, ceux qui travaillent et ceux qui ne travaillent pas. Et en plus on embauche des gens qui ne sont pas qualifiés. Regardez le cas de France Telecom, avant il y avait des techniciens dans la rue, maintenant ce sont des commerciaux, avec des objectifs à tenir."

Valise. Sur l’inadéquation des recrutements, les enseignants en ont aussi gros sur la patate. Noëlle-Marie, professeur de français et d’éducation musicale à la retraite, ne décolère pas. "Des jeunes étudiants ou des retraités en remplacement des professeurs, alors que les jeunes ne demandent qu’à réussir des concours ! Le nombre des postes diminue d’année en année, ce qui provoque un tarissement des établissements publics." Elle dénonce les conditions de travail des jeunes profs, qui s’apparentent plus, pour elle, à "des représentants de commerce, toujours sur les routes avec leur valise." Elle s’exclame : "On les bringuebale de poste en poste, comment voulez-vous qu’ils s’investissent dans un établissement ?" Un père Noël en vélo passe, faux fusil en plastique à la main. "Fini de croire au père Noël, camarades !"

S.M.

Source : http://www.libelille.fr/saberan/201...

3) Toulouse, grosse manif mais sans potion magique

« Une bonne manif de reprise du mouvement social », juge un syndicaliste. Pompiers, ouvriers de la métallurgie, retraité d’Airbus, traminots, postiers, salariés de la fonction publique, enseignantsse sont mobilisés dans des proportions variables, à l’appel des CGT, CFDT, UNSA FSU et Solidaires pour l’emploi, les pensions, les salaires et les retraites.

ils étaient 18 000 selon les organisateurs, 9000 selon la police, à manifester dans les rues de Toulouse ce mardi 23 mars.

14h30. Place Arnaud Bernard. Au départ du cortège Le soleil et la température quasi estivale (21 degrés) mettent le mouvement de la foule en mode ballade. Les policiers de la Brigade anti-criminalité (BAC) n’ont pas sorti l’arsenal habituel des manifs étudiantes -tonfas et flashballs.

La banderole de tête est tenue par les ouvriers de la métallurgie. « Chez nous, il y a 55% de grévistes », indique l’un d’eux. La banderole suivante est portée par les salariés du ministère des Finances qui déclarent 45% de grévistes au compteur.

En fin de cortège et sans banderole, une cinquantaine d’ouvriers de Molex. Ils se disent « irréductibles ». Patrick, l’un d’entre eux, a revêtu le casque et les braies d’Obélix le gaulois. « Pour monter qu’on ne lâche pas l’affaire », dit-il. A son coté, un druide en toge et barbe blanche a le gui. Mais pas la potion magique.

15H30. Place Jeanne d’Arc. Les politiques, invisibles jusqu’ici, apparaissent au tiers du parcours. Les premiers arrivés sont les représentants du PCF avec à leur tête le vice président du Conseil Régional Charles Marziani, réélu ce dimanche. « Normalement toute la gauche devrait être là, dit-il. La victoire aux régionales a permis de franchir un cap. Désormais il faut inventer de nouveaux rapports entre la politique et le mouvement social ».

Suivent les élus du Parti de Gauche. « Pas la peine de chercher ceux du PS, ils ne viendront pas. Ce n’est pas leur style », ironise un militant du parti de Jean Luc Mélenchon. LO et le NPA sont aussi de la partie.

Gérard Onesta, nouvel élu régional d’Europe Écologie évite de jeter de l’huile sur le feu. Il estime plus important « de profiter de la faiblesse d’une droite au bord de la rupture pour l’obliger à reculer ».

Les politiques espèrent changer la donne sociale eux aussi. Mais n’ont pas la potion magique non plus. La manifestation se disperse à 16h30 sur la place du Capitole.

J-M.E

4) Rennes : "Pour les problèmes sociaux, il n’y a pas d’abstention !"

Employés de l’industrie automobile, de la confection, fonctionnaires de l’éducation ou des caisses primaires d’assurance maladie, entre 5500 et 10 000 manifestants selon les sources ont défilé mardi matin à Rennes pour défendre emploi, conditions de travail et pouvoir d’achat. Une mobilisation à laquelle ne s’attendaient pas forcément les syndicats.

“Quand on cible les vrais problèmes des gens, il n’y a pas d’abstention. Les vrais enjeux ils sont là !”, s’est réjoui Patrice Forgeou, secrétaire adjoint de l’union départementale CFDT en Ille et Vilaine. En tête de cortège, des employés de l’usine de lingerie “8 Diffusion” (120 salariés), en redressement judiciaire, craignent de perdre leur emploi et déploient des banderolles ornées de soutien-gorges et de petites culottes.

Pas loin derrière, arborant des drapeaux de la fédération de l’enseignement privé catholique (FEP), des enseignants déplorent leurs conditions de travail.

“Avec les suppressions de postes, nous sommes obligés de faire des heures supplémentaires et il y a de moins en moins de dédoublements de classes, en langues, en sciences physiques, alors que les classes comptent 35 à 40 élèves”, dénonce Anne Ramel, professeur d’anglais au Lycée Sainte Geneviève, où douze postes doivent disparaitre l’an prochain.

“Le personnel non-enseignant est toujours en train de courrir après le Smic et les directeurs sont de plus en plus mégalos, ils ne respectent plus les instances représentatives comme le CE”, ajoute Louisette Feron, employée à la vie scolaire dans le même établissement.

Jean-Pierre, délégué syndical à la CPAM, fustige également la baisse des effectifs. “Il y a de plus en plus d’allocataires, de gens en difficulté et de moins en moins de personnes pour s’en occuper”, constate t-il.

Des contrôleurs de l’inspection du travail, regroupés sous une banderole syndicale, décrivent aussi les conséquences des suppressions de postes et des fusions de services sur leur activité.

“Il y a une centaine d’agents de contrôle en Bretagne, un pour 35000 salariés, explique Philippe, 45 ans. On est déjà surbookés et il y a des secrétariats qui disparaissent, des compétences qui se perdent, il faut limiter les contrôles. Le patronat va pouvoir faire ce qu’il veut, bafouer les textes, licencier comme il veut.”

Philippe, qui évoque la complexité des procédures, avec des enquêtes contradictoires, les “huit livres” du code du travail, ne cache pas sa colère. “On appauvri volontairement les outils de protection des salariés pour laisser encore plus de liberté aux patrons. Il y a de moins en moins de service public”.

Dans sa robe noire, un manifestant a sa pancarte épinglée dans le dos : “greffier : espèce en voie de disparition”.

Entre 3000 et 5000 manifestants ont également défilé à Saint Brieuc, Lorient, Quimper, mais aussi plus de 1000 à Vannes, Lannion, Morlaix, ou encore plusieurs centaines à Redon, Pontivy, Guingamp...

Pierre-Henri ALLAIN

5) Dans le cortège bordelais, le combat pour sauver l’enseignement adapté

HANDICAPE - D’une pierre deux coups : la manif, la grève, "pour tout", pour l’éducation nationale, les retraites, pour la fonction publique en générale, et pour son école en particulier. Valérie Demanes enseigne au sein de l’E.R.E.A, un établissement à la périphérie de Bordeaux, entre le Haillan et Eysines, qui accueille des élèves lourdement handicapés, et leur propose une scolarité adaptée. Ils sont 177, âgés de 6 à 20 ans, ils évoluent du primaire au lycée professionnel, et à la rentrée ils devraient perdre 7 postes d’enseignants, soit plus de 20% de leurs moyens de fonctionnement balayés.

"On met des chiffres à la place des enfants, explique-t-elle. C’est grave pour tous, mais c’est encore pire dans notre école, où les élèves nécessitent une prise en compte de leur spécificité, de leurs besoins particuliers". La baisse de moyens implique pour cet établissement -le seul de ce type au sud de la Loire- la suppression d’une classe en primaire et d’une autre en collège. Ce qui mathématiquement provoquera l’augmentation des effectifs en cours, alors que, précisément, ces enfants nécessitent un accompagnement très personnalisé. "Le nombre d’élèves par classe varie de 6 à 14, précise l’enseignante. Il s’agit de gamins qui ne peuvent pas se débrouiller tout seul, et qui ont besoin parfois d’une personne à temps complet à leurs côtés. Il faut énormément individualiser, ils sont capables d’apprendre, mais il faut leur construire un chemin adapté, et ça, ça nécessite des bras".

Construit en 1969, l’E.R.E.A accueille tous types d’infirmes moteurs et cérébraux, touchés à différents degrés, mais incapables de suivre une scolarité normale, et qui viennent de toute la région. Depuis hier, plus de 70% du personnel s’est mis en grève, pour protester contre les suppressions de postes annoncées. Sous le soleil, ils ont rejoint ce matin le cortège unitaire bordelais. "C’est la même problématique pour tout le monde, analyse Valérie Demanes, la question du nombre d’élèves par classe, c’est la question de la qualité de l’enseignement que l’on veut donner". Avec des conséquences encore plus dramatiques pour des enfants déjà lourdement handicapés.

Laure Espieu

6) Orléans « Je ne suis pas entré dans la fonction publique pour assister à cette dérive »

SOCIAL. Plus de quatre mille manifestants ont défilé, mardi matin, dans les rues d’Orléans à l’appel de la CGT, de la CFDT, de l’UNSA, de FSU et de Solidaires. L’objet de leur mobIlisation : défendre « les salaires, l’emploi et les retraites ». Parti à 10 h 30 de la place du Martroi, le cortège s’est dispersé, dans le calme, vers midi. De nombreux slogans hostiles à la politique gouvernementale, et notamment à « la casse du service public », ont animé la manifestation qui résonnait des chansons de feu Jean Ferrat. (Lire la suite...)

Aux côtés des cheminots, des nombreux fonctionnaires territoriaux, mais aussi des salariés du secteur privé (TDA, Forclum, l’Oréal, Quelle...), défilait Patrick, un agent du ministère de la justice. « Même notre institution est aujourd’hui touchée par un mal être lié au sabrage budgétaire », a-t-il expliqué à LibéOrléans. « Les collègues n’en peuvent plus, et malgré un faible taux de syndicalisation, plusieurs se sont déclarés grévistes. C’est un phénomène inédit au palais de justice d’Orléans ».

Lui qui était dans le privé avant d’embrasser une carrière dans la fonction publique d’état, se dit dépité : « Quand on voit les similitudes entre la gestion du public et celle du privé, on ne peut être que déçu. Je ne suis pas entré dans la fonction publique pour assister à cette dérive ».

Au cours de la manifestation, les agents de l’institut national de recherches archéologiques préventives (INRAP) ont dénoncé l’accroissement des contrats précaires qui touche leur institution. Ces derniers oeuvrent depuis plusieurs semaines aux fouilles préventives liés aux travaux de la deuxième ligne du tramway orléanais (voir la vidéo ci-dessus).

Mourad Guichard


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