"TVA sociale" de Sarkozy : le retour

samedi 20 mars 2010.
 

La veille du 1er tour des régionales, le 13 mars, dans un entretien avec le « Figaro Magazine », Nicolas Sarkozy a ressuscité le projet de « TVA sociale » que l’on croyait enterrée depuis l’automne 2007. C’est le Figaro Magazine qui a pris l’initiative du thème. Après une question sur Renault et une sur Total, voici la question posée au Président : « Avez-vous renoncé à votre idée de TVA sociale ? ». Réponse de Sarkozy : « L’expression TVA sociale est incompréhensible et inadaptée. Le sujet est pourtant bien à l’ordre du jour. Il faut continuer à réfléchir au moyen de financer notre protection sociale autrement qu’en taxant le travail ». Preuve que cette annonce ne doit rien au hasard, elle a ensuite été immédiatement relayée par plusieurs parlementaires de la majorité. Ils sont cités dans « les Echos » du 15 mars. Ce sont les deux hommes pivots du débat budgétaire pour la droite dans les assemblées. Gilles Carrez, le rapporteur UMP du budget à l’Assemblée a déclaré que « c’est une bonne chose de la remettre à l’ordre du jour ». Et Philippe Marini, le rapporteur UMP du budget au Sénat a ajouté : « une hausse mesurée de TVA serait tout à fait acceptable ». Ainsi, après avoir vidé les caisses de l’Etat en multipliant les baisses d’impôts pour les plus riches (bouclier fiscal, baisse des droits de succession, suppression de la taxe professionnelle, baisse de la TVA pour les restaurateurs), Nicolas Sarkozy s’apprêterait à augmenter la TVA sous couvert de meilleur financement de la protection sociale. Ca prouve qu’il ne lâche rien et que son histoire de « pause dans les réformes » est une bulle de savon médiatique.

Pendant sa campagne présidentielle, Sarkozy avait préparé le terrain en proposant d’ « imposer la consommation plutôt que le travail ». A peine élu, le projet de TVA sociale (baisse des cotisations sociales employeurs compensée par une hausse de la TVA) se précise et Sarkozy confie au gouvernement le soin de rédiger un rapport sur le sujet. Fabius mettant le sujet sur la table le soir du premier tour des législatives, le tollé coute cent sièges à l’UMP dit-on alors. La TVA sociale est alors mise en sourdine. A la rentrée de septembre 2007, Eric Besson comme secrétaire d’Etat à la prospective et Christine Lagarde comme ministre de l’économie remettent chacun un rapport sur le sujet. Toujours zélé, Besson s’y déclare plutôt favorable à la TVA sociale, alors que Lagarde affirme que « la TVA sociale n’est pas propice en France ». Fillon met ensuite le projet en sommeil, en appelant à élargir la réflexion sur le financement de la protection sociale…. Il confie à un député UMP, Yves Bur, le soin d’écrire lui aussi un rapport. Rapport qui existe mais qui n’a jamais été rendu public par le gouvernement …On en était là jusqu’à vendredi dernier.

Tout le monde ne voit pas tout de suite en quoi cette TVA sociale est une brutale injustice. Expliquons. Le mécanisme de la TVA sociale consiste à faire de la redistribution à l’envers en allégeant les prélèvements sur les employeurs pour les augmenter sur les ménages. Et, parmi les ménages, la hausse de la TVA pénaliserait surtout les revenus modestes, beaucoup plus exposés à la TVA que les ménages aisés qui épargnent une partie de leur revenu. Les 10 % des ménages les plus riches consacrent 3,4 % de leur revenu à la TVA, les 10 % les plus pauvres 8,1 %. La TVA est ainsi un impôt dégressif, dont la charge baisse à mesure que le revenu augmente. C’est l’exact opposé de l’impôt sur le revenu.

La hausse de la TVA marginaliserait un peu plus l’impôt progressif dans le système fiscal français. La TVA représente déjà 51 % des recettes fiscales de l’Etat, contre à peine 17 % pour l’impôt sur le revenu, progressif. C’est-à-dire une des parts les plus faibles des pays industrialisés, puisque l’impôt sur le revenu représente en moyenne 20 % des recettes fiscales dans les pays de l’OCDE et même 30 % au Royaume Uni. C’est aussi une mesure inefficace. La TVA sociale s’inscrit dans la logique des politiques de baisse du coût du travail, au nom de la compétitivité avec pour objectif verbal de limiter les délocalisations. Le député UMP Yves Bur prétend ainsi « faire participer les importations au financement de la protection sociale », en augmentant la TVA. C’est de la pure propagande. Ce raisonnement est largement erroné. Taxer la consommation des ménages ne pénaliserait que secondairement les importations. Selon un rapport du Sénat de janvier 2009, le rapport Angels, le contenu moyen en importations dans la consommation des ménages est très différentié. Il n’est en moyenne que de 14 %. Mais tout dépend sur quelles consommations. C’est entre 8 et 10 % pour les produits agro-alimentaires qui sont au total les plus gros volumes. Mais c’est 20 % pour les meubles, 35 % pour l’automobile, 40 % pour le textile. Et de toute façon, l’effet sur l’emploi de la baisse des cotisations sociales n’est pas mieux prouvé, comme l’ont souligné plusieurs rapports de la Cour des comptes. 70 % des baisses de cotisations, soit une vingtaine de milliards sur les 32 d’exonérations annuelles, sont concentrés dans le secteur des services. Et ce dernier n’est que très peu exposé aux délocalisations.

En 2004, une étude de Bercy remise à Sarkozy, alors ministre de l’économie, concluait à un effet nul sur l’emploi à long terme de la TVA sociale. Elle concluait même au risque d’une légère baisse de la production en raison du choc négatif produit sur la demande dans ses deux composantes : consommation et investissement ! C’est vraiment le moment de revenir là-dessus ?


Signatures: 0
Répondre à cet article

Forum

Date Nom Message