Femmes : La révolution inaboutie

vendredi 19 mars 2010.
 

Cette révolution est silencieuse mais, en quelques décennies, elle a bouleversé en profondeur le monde du travail : de 1970 à 2010, le taux d’activité des femmes a explosé, passant de 50 % à plus de 80 %. "Les comportements des femmes ont fondamentalement changé, constate Brigitte Grésy, inspectrice générale des affaires sociales, dans un rapport sur l’égalité professionnelle remis au gouvernement en juillet 2009. En France, comme dans beaucoup d’autres pays, la majorité d’entre elles cumule aujourd’hui activité professionnelle et vie familiale. La norme n’est plus celle de la femme au foyer."

Ce bouleversement des modes de vie s’est accompagné d’une véritable révolution scolaire : au lycée comme à l’université, les filles ont peu à peu rattrapé, puis dépassé les garçons. Depuis 1971, les bachelières sont ainsi plus nombreuses que les bacheliers ; depuis 1975, les étudiantes sont plus nombreuses que les étudiants. "Aujourd’hui, le niveau scolaire et universitaire des femmes, dans la plupart des pays européens, est supérieur à celui des hommes, constatait la sociologue Margaret Maruani lors d’une conférence au CNRS, le 1er mars. La progression des scolarités féminines constitue un événement majeur de la fin du XXe siècle."

Cet investissement dans la formation leur a permis de prendre durablement pied sur le marché du travail. "Elles commencent à tirer profit de leur réussite scolaire", analysent Alice Mainguené et Daniel Martinelli, auteurs d’une étude publiée dans un numéro d’Insee Première daté du 24 février (www.insee.fr). En 1984, les femmes qui entamaient leur carrière étaient nettement plus souvent au chômage que les hommes (29 % contre 20 %). Trente-trois ans plus tard, la tendance s’est inversée : en début de carrière, les taux de chômage des hommes sont plus élevés que ceux des femmes.

Emportées par ce mouvement, les femmes ont, au cours des trente dernières années, enchaîné les premières, donnant le sentiment que l’égalité professionnelle s’imposait peu à peu : première femme major de l’ENA (1969, Françoise Chandernagor), première femme à Polytechnique (1972, Anne Chopinet), première femme préfet (1981, Yvette Chassagne), première femme pilote de l’armée de l’air (1985, Isabelle Boussaert). Au même moment, des femmes accédaient pour la première fois à Matignon (Edith Cresson, en 1991) ou à la tête de confédérations syndicales (Nicole Notat, secrétaire générale de la CFDT en 1992).

Ce mouvement vers l’égalité semble cependant s’être ralenti dans les années 1990. "Après l’avancée majeure que fut l’accession massive des femmes à l’éducation supérieure et au salariat dans les années 1960 et 1970, les évolutions se sont bloquées au milieu des années 1990, analyse le Laboratoire de l’égalité, une plate-forme créée récemment qui réunit des élus, des syndicats, des chercheurs et des associations autour du thème de l’égalité professionnelle. On a assisté à une véritable panne de l’émancipation."

Les inégalités salariales, qui se sont réduites pendant les années 1970 et 1980, ont ainsi cessé de reculer : en 2006, dans les entreprises de dix salariés ou plus du secteur concurrentiel, la rémunération brute moyenne des femmes restait inférieure de 27 % à celle des hommes, 16 % si l’on prend en compte le salaire horaire. "Cet écart s’est réduit depuis les années 1960 mais il a cessé de diminuer depuis le milieu des années 1990, une interruption observée également dans la plupart des pays européens", souligne le rapport de Brigitte Grésy.

Contrairement aux idées reçues, les femmes restent en outre cantonnées dans certains métiers : sur les 86 familles professionnelles recensées par l’Insee, seule une dizaine (soit 12 % des actifs) affiche une répartition hommes-femmes à peu près équilibrée (entre 40 % et 60 % de femmes). Les métiers qualifiés comme l’enseignement (70 % de femmes), le droit (57 %) ou la médecine (59 %) se sont ainsi féminisés alors que dans les autres, la ségrégation semble en revanche s’accentuer.

Enfin, les femmes ont beaucoup de mal à accéder aux responsabilités : selon Brigitte Grésy, elles représentaient, en 2005, 41 % des cadres administratifs et commerciaux... mais seulement 17,2 % des dirigeants de société. Afin de féminiser les cercles dirigeants du monde économique, l’Assemblée nationale a décidé de recourir à la contrainte : les députés ont adopté en janvier une proposition de loi de Jean-François Copé et Marie-Jo Zimmermann imposant un quota de 40 % de femmes dans les conseils d’administration des entreprises.

Anne Chemin


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