Pour s’en sortir, remporter des victoires significatives et durables, il faut allier la puissance du mouvement social à l’émergence d’une gauche capable d’incarner une véritable alternative politique (texte de Christian Picquet pour le site PG Midi Pyrénées)

vendredi 12 mars 2010.
 

Mon cher Jacques

Depuis le 12 février, déjà presque un mois, les nombreuses sollicitations, rencontres, interview, meetings que Denis a du mal à faire tenir dans mon emploi du temps ne m’ont guère laissé le temps de rédiger le texte que je t’avais promis. Je me suis aperçu tout de même que la neige et les moins 10 qu’il faisait à Rodez ont laissé la place aux prémisses du printemps … printemps pour nous dans les urnes ? Verdict bientôt.

Devant cette centaine d’héroïques aveyronnais rassemblés ce 12 février, j’ai réalisé qu’il existe une réelle attente : la colère et le rejet que suscite la politique de la droite ultraconservatrice au pouvoir sont orphelins d’une gauche à la hauteur, d’une gauche qui ne renie pas ses valeurs, d’une gauche qui refuse de faire de la concurrence libre et non faussée son horizon indépassable, d’une gauche qui porte l’espoir d’une alternative politique. C’est cet aspect que je veux développer ici.

Non qu’il soit inutile d’expliquer la nature de la révolution néoconservatrice en cours, qui atteint aujourd’hui notre pays après avoir déferlé sur les États-Unis de la famille Bush ou sur l’Angleterre de Thatcher, ce recul de civilisation qui est en cours et qui n’a pas de précédent depuis le régime de Vichy (quoique dans un contexte très différent). Il n’est de même jamais inutile de faire connaître la nature de la crise, crise de surproduction, classique depuis Marx mais se déroulant dans un contexte où la finance règne sur toute la planète. Cela permet de comprendre comment les mesures adoptées par les dirigeants de ce monde préparent de nouvelles bulles financières et donc de nouvelles crises encore plus dévastatrices. Nous faisons cela dans nos meetings, sur nos tracts, et pour approfondir ces questions les ouvrages de référence ne manquent pas.

Ce qui est nouveau aujourd’hui et qui ressort des très nombreuses rencontres que j’ai eues au cours de ces semaines, c’est l’idée que pour s’en sortir, remporter des victoires significatives et durables, il faut allier la puissance du mouvement social à l’émergence d’une gauche capable d’incarner une véritable alternative politique. Et de plus en plus nombreux sont ceux qui voient dans le Front de Gauche l’outil pour y parvenir. Cela apparaît clairement dans les nombreux échanges que j’ai pu avoir avec des syndicalistes de tous secteurs et de toutes obédiences. Qu’il s’agisse des métallos de Figeac, des cheminots de Matabiau ou Saint Jory, des enseignants, des postiers, électriciens, de ceux qui se battent à Villemur (Molex) ou à Bazet dans les Hautes Pyrénées contre les fermetures et les délocalisations boursières, tous témoignent d’un rejet profond des régressions sociales organisées par la droite et le patronat, tous aspirent à un mouvement d’ensemble, et ils partagent la même analyse de la manière dont les manifestations historiques du début 2009 se sont embourbées par la suite : il manque un répondant politique.

La direction du Parti Socialiste qui est majoritaire à gauche ne remplit pas ce rôle. Sur le fond, c’est l’acceptation des règles de l’Europe libérale contenues dans le traité de Lisbonne qui l’empêche. Et pour le cas où cela ne serait pas assez explicite, les mesures d’austérité (pour les travailleurs et les plus démunis, mais évidemment pas pour les financiers !) qu’impose le FMI dirigé par le "socialiste" Strauss Kahn aux pays les plus en difficulté en sont une illustration. Quoi de plus clair enfin que ce qui vient de se passer sur la question des retraites : Martine Aubry, relayée par François Hollande acceptent avant même que ne soit déployée la première banderole le recul de l’âge de départ à 62 ans. Sur ce point, le courant "écologiste" amené par Daniel Cohn Bendit n’est pas en reste : il propose un aménagement du temps de travail pour maintenir l’activité jusqu’à 67 ans ! Si j’ai mis des guillemets à "écologiste", c’est que je ne pense pas que le sauvetage de la planète soit soluble, comme le proclame le même Cohn Bendit, dans le productivisme et la course au profit. L’échec du protocole de Kyoto qui a transformé les droits d’émission de gaz à effet de serre en produit financier, puis l’échec du sommet de Copenhague sont de ce point de vue éclairants.

Ce sentiment qu’il y a un vide et qu’il manque une gauche de gauche n’est pas réservé aux syndicalistes, nous l’avons ressentie pendant cette campagne chez les militants associatifs, culturels ou de défense des services publics, et même chez les agriculteurs. Ces derniers, qui se sont parfois déplacés de fort loin pour nous rencontrer, dans le Quercy ou dans le Gers n’ont pas besoin de grandes théories et décrivent à partir de leur quotidien les ravages de l’agrobusiness : du kilo de pommes qu’on leur achète 0,08 € et qu’ils retrouvent à 2,30€ au supermarché, au récit poignant du suicide de l’un d’entre eux qui ne voyait pas où trouver l’argent pour remplacer la pièce cassée de son tracteur, ou au témoignage de cette retraitée agricole contrainte de survivre avec une pension de 86€ par mois. Dans la campagne de proximité que nous menons, l’émotion est souvent au rendez-vous.

Toutes ces rencontres sont autant d’occasions de construire ou consolider les réseaux qui nous permettent de tester et d’enrichir nos propositions, de construire les relais citoyens qui permettront à nos élus de mette en œuvre les nouveaux ressorts démocratiques que nous proposons. Il ne s’agit pas moins que de remplacer l’expertise des banquiers et de leurs alliés par celle des acteurs du mouvement social. De se donner les moyens de remplacer la délégation de pouvoir sans contrôle qui est la règle aujourd’hui par la participation effective des citoyens à l’élaboration des projets, la prise de décision et le suivi.

Notre Front de Gauche, l’unité des forces qu’il rassemble, représente visiblement un grand espoir pour toutes ces personnes qui ont pris sur leur temps, se sont déplacées parfois de très loin, ont bravé la neige et le verglas comme à Rodez, pour nous rencontrer, exprimer leur colère et leurs attentes. Nous commençons visiblement à préfigurer, même si c’est encore modeste, cette force 100% mouvement social, défendant l’intérêt collectif contre les appétits d’une poignée, qui pourrait en devenant majoritaire à gauche permettre au mouvement social de renverser la table. Le défi est énorme mais nous le relevons : le Front de Gauche n’est pas une alliance électorale de circonstance, après les élections européennes il est toujours là et se renforce. Nous mettons dés maintenant en débat l’idée d’"Assises" du Front de Gauche pour l’après Régionales et recueillons déjà des réactions positives.

Pas de doute, le vote Front de gauche sera, ce 14 mars, le seul à pouvoir convaincre des milliers d’hommes et de femmes de revenir aux urnes, de reprendre espoir en la gauche, de donner un prolongement à leur sourde colère …


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