Carnet de campagne à Nanterre : la loi Liberté et Responsabilité des Universités (LRU), deux ans et demi après qu’elle ait été votée

lundi 22 février 2010.
 

J e me trouvai ce jeudi matin à l’Université de Nanterre avec Pierre Laurent, notre chef de file régional, en région parisienne, et Pascale Le Néouannic notre tête de liste sur place, dans les Hauts de Seine ! Ambiance militante, au beau fixe, compte tenu des sondages qui nous sourient par rapport à ceux publiés par CSA en début de semaine.

LA TÊTE A CLAQUE

Nanterre : C’est la tête à claque de la droite cette université. Juste à côté il y a la fac Léonard de Vinci, gouffre à pognon public et à contre performance universitaire. La droite cajole son coûteux jouet tout en serrant à la gorge Nanterre à qui elle coupe les vivres. Sans doute à cause du symbole. On a les « mai soixante huit à l’envers » qu’on peut ! En janvier 2010, le Conseil général du 92 a décidé de supprimer la subvention annuelle de 900 000 euros qui était jusque là versée à l’université publique de Nanterre et ses 32 000 étudiants. Argument avancé par Devédjian, ministre président du Conseil Général : Nanterre ne développe pas assez les formations aux métiers exercés à la Défense et dans les Hauts de Seine. Ca ne s’invente pas ! A l’inverse le Conseil général continue de verser 10 millions d’euros par an à la Fac privée Léonard de Vinci et ses 3 000 étudiants … Dix fois moins d’étudiants qu’à l’université publique ! Ce petit gouffre privé a déjà reçu comme ça 431 millions d’euros en 10 ans. 216 millions d’investissements et 215 millions de subventions de fonctionnement !

TRISTE ETE

Bon. Donc nous voila tous en rangs serrés pour aller tenir cette réunion en amphi. Je n’y suis pas resté jusqu’au bout car je prenais le train pour le meeting de Bordeaux. C’est dans le train que j’ai décidé de faire ce point de situation sur la loi Liberté et Responsabilité des Universités (LRU), deux ans et demi après qu’elle ait été votée et que je m’y soit opposé, longtemps bien seul, au groupe socialiste du Sénat dans lequel je siégeais. La moitié du groupe était pour. L’autre voulait s’abstenir ! Nous étions trois contre. Trois. A la fin du débat, l’abstention était devenue intenable. La majorité du groupe socialiste passa donc au vote "contre". Mais la droite évidemment a eu le dernier mot ! Elle venait de gagner la présidentielle. L’université était un test de son « mai soixante huit à l’envers ». La loi a été votée en plein été. Quasi sans résistance détectable pendant ce mois de juillet déprimant au lendemain d’une défaite.

BÊTE A PLEURER !

Depuis, 18 universités sont passées à l’autonomie en 2008 et 2009. Et 21 universités le font en 2010. Cela signifie donc 39 établissements en régime d’autonomie sur 81 universités en France. Le système est donc en place. Et sa conséquence aussi : désengagement de l’Etat et universités à plusieurs vitesses. Parmi les gros malins qui s’y voyaient, plusieurs ont déchanté dès la première vague de 18 universités « autonomes » en 2008. Le désengagement financier de l’Etat sous couvert « nouvelles marges de manœuvre de « gestion » accordées aux établissements » est proprement bestial. 900 postes ont ainsi été supprimés dans le budget 2009 de l’enseignement supérieur. Aberration : le nouveau système de répartition des moyens « à la performance », a conduit à un sous financement généralisé et pénalise en particulier les universités à fort potentiel de recherche ! Les chercheurs sont assez solitaires il est vrai ! Alors la où ils sont nombreux et actifs l’établissement est considéré comme moins performant, puisque le même nombre de gens produit moins d’heures de cours par élève ! Bête à pleurer ! Ce système vise à pousser les présidents d’universités à moduler le service des enseignants –chercheurs. La loi le leur permet ainsi que le nouveau décret statutaire des enseignants chercheurs. Objectif : leur faire faire plus d’heures d’enseignements et moins d’heures de recherches. Pas besoin de faire un dessin sur ce que ça va produire. Au final, cette logique d’économies à courte vue va amputer lourdement la capacité de recherche des universités.

UN HABILE MAQUILLAGE

Voyons de près cette histoire de moyens en baisse spectaculaire. Pour le masquer en affichage on insiste sur le bond extraordinaire des sommes allouées par l’Etat. Comment est-ce possible ? Facile, il s’agit du transfert des sommes correspondant aux salaires qui sont dorénavant à la disposition et à la discrétion de chaque chef d’établissement. Ce transfert permet d’afficher un gonflement extraordinaire des sommes venant de l’état. Et par la même occasion se trouve masquées les diminutions de postes opérées au passage. Par exemple, l’université Paris 6 Jussieu, passée à l’autonomie en 2008-2009 et première université scientifique de France a ainsi perdu 5 millions d’euros de dotations en 2009. Et il lui manque 400 postes. Si les scientifiques sont traités de cette façon on imagine ce qui arrive, par principe, aux universités de lettres et sciences humaines ! Conséquence immédiate, une hausse des frais d’inscription spectaculaire. Et généralisée. C’est ainsi que 40 % des universités pratiquent désormais des sur-frais d’inscription. Bien sur c’est illégal. Mais ça ne restera pas longtemps, vous verrez parce que c’est l’objectif et la logique de la création du marché du savoir que vise cette loi LRU. En tous cas dans 6 universités, les frais d’inscription dépassent déjà les 1 500 euros pour certaines filières. C’est tendance ! En 2010, l’université Paris Dauphine a décidé d’augmenter les droits d’inscription de ses 40 masters les plus prestigieux pour les faire passer entre 1 500 à 4 000 euros selon les revenus des parents des élèves. Jusqu’à présent il en coûtait 232 euros de droits d’inscription, tarif légal et national. Et pour bien enfoncer le clou, l’université a transformé ces 40 masters de diplômes nationaux en diplômes d’université. Car pour qu’il y ait un marché il faut qu’il y ait des producteurs concurrents (les universités autonomes) vendant une marchandise différente (des diplômes particuliers). Bien sur cette transformation a été validée par le ministère.

ET MAINTENANT LA FINANCE !

C’est le moment d’en venir au dernier volet actuel de cette grande mutation de l’enseignement supérieur en France en voie de normalisation anglo saxonne. C’est au moment où il a été question du volet universitaire du grand emprunt que ca s’est mis a puer particulièrement l’odeur de fric qui caractérise toute américanisation de la vie en général. Sur les 11 milliards d’euros du « grand emprunt » dédiés à l’enseignement supérieur, 8 milliards seront versés à « une dizaine de campus d’excellence ». Souvenons nous qu’il y a 81 universités ! La hiérarchisation de « l’offre de formation » sans laquelle il n’y a pas de marché vient bien d’en haut. En proportion du total de l’enveloppe universités du grand emprunt, cela représente 73 % des moyens pour 13 % des universités ! Toujours sur le modèle américain, ces dotations, environ 1 milliard par « campus d’excellence », seront versées en « capital ». Tiens, tiens ! Et pourquoi cette soudaine liquidité ? Ce milliard, emprunté et déjà payé par des intérêts sera placé par les universités. Les banques vois donc revenir en placement l’argent qu’elles ont déjà prêtés. Les universités, elles, installeront ces fonds dans les Fondations prévues par la loi LRU. Des fondations a créer "en lien avec des entreprises et leurs projets de formations et de recherches" évidemment !. Les revenus annuels de ce « capital » abonderont les budgets des universités, à hauteur de 400 millions par an environ. Soit 40 millions environ par campus d’excellence ! Ce modèle américain, d’ « universités acteurs financiers » a conduit à un véritable désastre aux Etats-Unis. Avec la crise financière : les universités américaines ont perdu 90 milliards de dollars ! Dont 12 milliards rien que pour Harvard, la plus prestigieuse d’entre elles ! Elle a dû supprimer 275 postes en juin 2009 et geler tous ses salaires. Bien fait pour les petits génies de la finance et du business qui sont formés la dedans et qui ont été incapables de prévoir le désastre que leurs théories économique fumeuse ont déclenché.


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