En Turquie, Medine, 16 ans, a été enterrée vivante pour avoir fréquenté des garçons

mercredi 17 février 2010.
 

Une nouvelle affaire de crime « commis au nom de l’honneur » plonge la Turquie dans un profond malaise. Une jeune fille de 16 ans a été enterrée vivante dans le jardin de sa maison, assassinée par sa propre famille, dans l’est de la Turquie. Son corps a été retrouvé en position assise, les mains attachées dans le dos, au fond d’un trou creusé sous le poulailler, près de la ville d’Adiyaman, dans une région à majorité kurde.

L’autopsie a révélé la présence de terre dans les poumons de la victime, attestant qu’elle avait été ensevelie vivante. Arrêtés, le père et le grand-père de la jeune Medine encourent la prison à vie. Ils sont soupçonnés d’avoir exécuté l’adolescente parce qu’elle fréquentait des garçons.

Ce fait divers macabre rappelle la persistance des crimes d’honneur dans les régions montagneuses de l’Est turc, majoritairement kurdes, mais aussi dans les grandes villes comme Istanbul. Pour avoir enfreint le code d’honneur tribal, ou avoir refusé un mariage arrangé, des jeunes filles sont régulièrement tuées ou poussées au suicide par leur famille.

En décembre 2009, à Diyarbakir, des jumelles de 24 ans ont sauté du balcon d’un appartement. L’une des deux soeurs devait être mariée contre son gré à un cousin jaloux et la famille avait dû annuler le mariage. Dans un village de la région, une enfant de 12 ans se serait « suicidée » au kalachnikov. L’instituteur avait découvert des mots doux dans sa trousse et en avait informé ses parents...

La persistance de tels actes préoccupe la Turquie. Une commission d’enquête du Parlement avait évalué, en 2006, à 1 091 le nombre de crimes d’honneur commis entre 2001 et 2006 dans le pays. Mais le chiffre réel est très difficile à connaître, de nombreux cas étant maquillés en suicides. Dans les campagnes et les provinces de l’Est, il est « plutôt en diminution », estime Yahya Kamçi, un instituteur de Diyarbakir qui organise des médiations pour tenter de prévenir les crimes d’honneur et les actes de vendetta.

Il faut dire que la justice se montre moins clémente que par le passé envers les auteurs de tels crimes, qui risquent la prison à vie depuis la réforme du code pénal de 2006. « Pendant des années, la loi a donné des occasions en or aux criminels », estime la journaliste Ayse Önal, auteur d’un ouvrage sur la question.

L’atteinte à l’honneur est encore parfois considérée, par certains juges, comme une circonstance atténuante. En janvier, un père qui avait tué sa fille a ainsi vu sa peine ramenée, en appel, à vingt ans de prison. L’Etat se montre souvent incapable de protéger les victimes : la jeune Medine, qui n’allait plus à l’école, avait alerté la police à trois reprises, signalant que son grand-père la battait.

Guillaume Perrier


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