La mort des idéologies (formation PG du Vendredi à Paris)

mercredi 17 février 2010.
 

Les vendredis du PG ont accueilli, à Paris, Alfredo GomezMüller, professeur de philosophie politique, pour une séance consacrée au lieu commun de « la mort des idéologies ». Alfredo GomezMüller a ainsi présenté quelques clés nous permettant de décrypter ce discours qui vise avant tout à asseoir la domination idéologique de la droite contre toute idée de transformation sociale.

Les discours sur la mort des idéologies ou leur fin sont en effet récurrents. Pour les promoteurs de cette thèse, l’écroulement du bloc de l’est aurait symbolisé la défaite de régimes idéologiques face au modèle de la démocratie occidentale libérale.

Toute opposition à ce modèle est donc disqualifiée car idéologique. Prenant pour exemple un article du Figaro, Alfredo GomezMüller nous montre ainsi comment tout discours critique vis à vis du modèle capitaliste est aussitôt qualifié d’idéologique. Dans la dialectique dominante, l’idéologie est opposée au réalisme qui serait la tendance lourde et légitime de nos sociétés. Prendre des distances vis à vis de cette réalité nous entraine alors automatiquement dans l’idéologie donc hors de toute réalité ou réalisme politique.

Or, l’ironie vient du fait que ce type de discours correspond tout à fait à la définition de l’idéologie que propose Marx.

En effet, il convient de revenir sur cette définition. Si le mot existait déjà, Marx fût le premier à en proposer une définition qui sera reprise tout au long de l’histoire. Dans L’idéologie allemande, il définit l’idéologie comme une représentation inversée du réel. Pourquoi inversée ?

Parce que cette représentation déforme la réalité en cachant les liens entre le discours et les conditions sociales de production de ce discours. Ainsi, pour reprendre une représentation marxiste, l’idéologie décrit la superstructure – les idées – en la détachant de l’infrastructure – conditions sociales et économiques.

Il y a donc déformation du réel par la pensée, cette déformation étant inséparable de l’idée de domination car elle vise à cacher la nature des rapports sociaux, ce qui permet d’asseoir cette domination.

Donc quand Marx élabore cette définition il dénonce l’idéologie et présuppose la possibilité de construire un discours qui échappe à l’idéologie car basé sur une théorie critique. Cette théorie qu’il développe se veut donc à l’opposée de l’idéologie, il n’emploie d’ailleurs jamais le terme d’idéologie socialiste – c’est Lénine qui l’emploiera pour la première fois dans Que faire ?.

Dès lors, on perçoit bien qu’entre la définition marxienne du mot idéologie et l’utilisation qui en est faite actuellement, un retournement s’est opéré puisque ce sont aujourd’hui les héritiers de Marx qui sont accusés d’être des idéologues. Ce retournement s’est effectué dans les années 70/80, des courants comme celui des nouveaux philosophes en France y ayant apporté une forte contribution en imposant une resignification du mot idéologie afin de stigmatiser des discours de gauche qui seraient hermétiques à la réalité.

La chute du bloc de l’Est permettra ensuite de décréter, à tort, la mort des idéologies.

En effet, la meilleure preuve que les idéologies ne sont pas mortes nous est fournie par l’existence de ce discours idéologique sur la mort des idéologies.

Simon Arambourou


Signatures: 0
Répondre à cet article

Forum

Date Nom Message