De l’affaire Ben Barka au procès Clearstream, la Ve République depuis sa fondation est une machine à fabriquer des « scandales »

lundi 8 février 2010.
 

Quand on jette un coup d’œil en arrière une évidence s’impose : la Ve République depuis sa fondation est une machine à fabriquer des « scandales » : affaires immobilières (la Garantie foncière, etc.), policières (l’affaire Ben Barka), militaires (barbouzes, affaire des frégates, scandale Dassault, etc.), droits communs (le SAC, meurtres de de Broglie, de Fontanet, suicides en tous genres), affaires évidemment financières (Mairie de Paris, URBA, financement des partis politiques, ascenseurs de l’Ile-de-France…). Naturellement, j’en oublie.

Il est arrivé que ces « scandales » se transforment en crise politique ouverte. L’une des raisons qui ont conduit J. Chirac premier ministre à démissionner -pour la première et seule fois dans l’histoire de la Ve République- ce sont les investigations policières que Giscard et Poniatowski multiplièrent contre le SAC, les réseaux de financements en Afrique. Bref, une crise dans l’appareil d’Etat peut provoquer les célèbres « dysfonctionnements » jusqu’à impuissanter pour un temps le gouvernement, le Président de la République. Mais soulignons immédiatement que toutes ces crises ont été surmontées. Jamais elle ne se sont transformées en crise sociale, jamais les masses n’ont utilisé la faiblesse du pouvoir pour frapper le gouvernement et le patronat. C’est un problème auquel il faut réfléchir et qui souligne la frilosité politique des salariés et des jeunes.

N’empêche, une crise politique affaiblit le gouvernement et le pouvoir d’Etat, facilite objectivement une mobilisation.

La crise qui vient d’éclater à propos du procès Clearstream est de très grande ampleur. Il faut, un instant s’y arrêter, surtout si on prétend « faire de la politique » c’est-à-dire notamment prendre en compte les problèmes de la superstructure comme déterminants dans l’analyse du rapport entre les classes.

Nous sommes de ceux qui, depuis le début, soulignons la fragilité politique de N. Sarzoky. Certes depuis deux ans il multiplie les réformes : elles sont mesurées et ne peuvent être mises en œuvre que grâce aux directions syndicales et à… l’appui du PS. L’affaire des retraites en est une nouvelle preuve. Sans la CGT, FO et le PS pas de réforme. Nous ne citons pas la CFDT puisqu’elle est toujours, en tout du côté de Sarkozy. L’affaire Clearstream est une anecdote. Le fond c’est la colère qui monte, c’est le refus, au-delà des salariés, du système sarkozyste, notamment l’atmosphère ultra-sécuritaire (centaines de milliers de gardes à vue) et enfin la menaçante réforme de la justice qui vise à la suppression du juge d’instruction.

Pour la première fois dans l’histoire de la Ve République, à l’occasion de la rentrée de la Cour de cassation, l’avocat général, principal magistrat dans la hiérarchie a pris la parole devant Alliot-Marie, les Présidents du Sénat et de l’Assemblée pour dénoncer le projet de réforme de l’institution ! Du jamais vu. Dominique de Villepin est-il ou non coupable ? Qu’importe. C’est une histoire de voyous. Ce qui compte, c’est que les juges ont refusé d’obéir à Sarkozy ! En cela cette affaire est plus qu’un petit scandale de plus dans la longue histoire de la Ve République.

Les juges se sont exprimés politiquement. D’où la panique. En moins de quarante-huit heures, une cascade d’événements ont illustré et la faiblesse du pouvoir et son désarroi.

Décision de faire appel. Une écrasante majorité de Français considère que cette décision est injuste. Les affirmations du procureur Marin ne changent rien. On envoie sur le champ à la radio, à la télévision, les dirigeants de l’UMP, la femme du Président et in fine, le secrétaire général de l’Elysée !

Ca ne règle rien : le pouvoir est isolé. Dans le pays, et surtout dans l’appareil d’Etat. Enfin le dimanche c’est la totale : le gratin de l’UMP, le comité national appelé à ratifier les listes aux élections régionales, vote contre.

Le Figaro relève que le scrutin a été « arrangé » pour aboutir à 60 % de pour, 40 % de contre. Dans une maison comme l’UMP où on vote toujours à 100 %, ce résultat révèle un véritable problème. Nous sommes en fait en-dessous de la réalité. Voilà ce qu’écrit le reporter du Figaro : « Malgré les efforts de chacun, le service d’ordre de l’UMP doit à plusieurs reprises lancer la claque pour saluer le nom du président de la République ».

L’affrontement Sarkozy-Villepin marque le début de la fin pour le premier. Il ne s’agit pas seulement de haine et de ressentiment personnel. De véritables désaccords sur la manière de gouverner opposent les deux hommes. La machine infernale est en route, rien ne l’arrêtera. C’est dans ces conditions que les élections régionales -qui en soi n’ont aucun intérêt- vont intervenir. Evidemment une grande partie de l’électorat de droite s’abstiendra. Moins à gauche. L’écart sera considérable et malgré le PS, la défaite de Sarkozy sera consommée...

Robert Duguet


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