Honduras. L’armée et la police délogent des centaines de paysans qui réclament des terres volées par les responsables du coup d’Etat

mercredi 27 janvier 2010.
 

Plus de 600 personnes appartenant au Mouvement Unifié Paysans de l’Aguan (MUCA) une organisation affiliée à la Centrale Nationale des Travailleurs de la Terre (CNTC), ont été brutalement délogées par un important contingent composé de militaires, de policiers et de gardes de sécurité des propriétaires terriens Miguel Facussé Barjum, René Morales et Reinaldo Canales, dans les municipalités de Tocoa et Trujillo, département de Colon à l’ouest du pays. Les accords obtenus avec la Présidence de la République et l’Institut National Agraire (INA) quelques jours avant le coup d’état on été totalement violés.

Le Syndicat de Travailleurs de l’Institut National Agraire (SITRAINA), affilié à l’UITA, ainsi que des organisations internationales dénoncent cet outrage, demandant que cesse toute violence et que soit résolu le conflit agraire.

Sur le même modèle de violence appliqué depuis le coup d’état du 28 juin 2009 passé, des effectifs militaires, des policiers et des gardes privés ont attaqué à balles réelles et de caoutchouc, et de gaz lacrymogènes, des familles entières de paysans qui, depuis décembre dernier, avaient pris possession de terres qu’ils réclament être leurs dans la zone de la vallée de l’Aguan.

L’histoire du conflit

Selon les membres du MUCA, au début des années 60, c’est d’après la Loi sur la Réforme Agraire promulguée, que des centaines de familles paysannes pauvres s’octroyèrent le droit d’appartenance de terres publiques et privées.

Durant la décennie des années 70, l’état conclut des accords avec des entreprises paysannes sur des milliers d’hectares cultivant des palmiers africains, dans la région connue comme le Bas Aguan, dans le département nordique de la Côte atlantique du Honduras. Cependant, au début des années 90, la Loi pour la Modernisation et le Développement du Secteur Agricole qui fut approuvée, avait pour objectif de déposséder ces entreprises de leurs droits sur approximativement 20 000 hectares des meilleures terres du pays.

Toujours selon le MUCA, le processus s’est conclu avec la vente des actifs de 40 entreprises paysannes, toutes concentrées dans les mains des propriétaires terriens Miguel Facussé Barjum, René Morales et Reinaldo Canales. Ce processus d’acquisition a été caractérisé par plusieurs irrégularités. Des membres de la coopérative ont découvert que l’accord de vente établi par les acheteurs mentionnait qu’ils utilisaient la terre pour sa culture et sa production, mais que la propriété de cette dernière restait en possession de l’Etat pour l’utilisation exclusive en cas de réforme agraire.

C’est en 2001 qu’ont commencé les réclamations de terres acquises de manière frauduleuse par des entrepreneurs corrompus par les pouvoirs publics et pour d’autres terres qui n’ont jamais été inscrites au nom des acheteurs, mais dont l’Etat a reconnu les droits sous forme de concessions jusqu’en février 2005.

Après un long processus de revendications, de prise de terres et de routes en signe de protestation, c’est en 2009 qu’on est entré dans un processus de négociation dans lequel le MUCA a présenté une proposition d’accord pour solutionner le conflit, et deux semaines avant le coup d’état, une convention a été signée entre l’INA, les paysans et les propriétaires terriens, approuvé par le Président Manuel Zelaya Rosales, le maire de Tocoa et le Gouverneur de Colon. Ils se sont accordés pour créer une commission tripartite afin de réviser le procédé légal utilisé pour l’acquisition de terres par les propriétaires terriens.

Cependant, le coup d’état du 28 juin 2009 a paralysé le processus de négociation et le MUCA a commencé la lutte dans les rues pour exiger le retour de l’ordre constitutionnel, s’ajoutant à la prise de l’INA.

La lutte va continuer

Devant l’intransigeance des nouvelles autorités de facto, c’est le 9 décembre dernier qu’a commencé la récupération définitive des terres, ce qui a provoqué une violente réaction de la part des corps répressifs après avoir reçu un ordre judiciaire de délogement.

“Ces terres ont été acquises de façon illégale par une partie de ces 3 propriétaires terriens et elles appartiennent toujours à l’état. Mais ils ont préféré agir violemment au lieu de suivre le processus de négociation entamé avant le coup d’état afin de résoudre le conflit” a dit le secrétaire général du SITRAINA, Luis Santos Madrid, à Sirel.

Ce fut un délogement très violent et des gens ont été arrêtés. Le SITRAINA est en train de se mobiliser pour que le directeur actuel de facto, de l’INA procède à la légalisation de la terre en faveur des paysans du MUCA. Il est évident que ce qui s’est passé est le produit de la situation découlant du coup d’Etat, et nous sommes dans une situation dans laquelle la justice ne s’applique uniquement que dans l’intérêt des puissants et contre les paysans !” a conclu Madrid.

Au moment de la rédaction de cette note, les derniers paysans arrêtés ont été libérés par la police, cependant, trois d’entre eux seront traînés en justice et seront placées en détention provisoire.

Actuellement, il y a 300 autres personnes qui appartiennent au MUCA qui suivent le processus de récupération des terres et il est à craindre dans les prochains jours un autre délogement violent.

“Les gens continuent dans leur décision de récupérer des terres pour produire, parce que c’est la seule manière de survivre, même si la crainte qu’un massacre se prépare afin de nous éloigner de notre lutte pacifiste” a souligné à Sirel, le Secrétaire Général Régional de l’Atlantique de la CNTC, Lorenzo Cruz.

Les communautés voisines sont en train de s’organiser pour préparer un plan de récupération et nous voulons que ce soit une proposition de pays, avec la participation du Front de Résistance Populaire. Il n’est pas possible que seuls quelques puissants continuent de contrôler la majeur partie des terres et que des milliers de paysans pauvres n’aient rien.

“Nous voulons un Honduras différent et nous appuyons un processus de changement véritable pour tirer le pays de la pauvreté !” a conclu Cruz. Devant ces faits, le Comité de Familles de Détenus Disparus au Honduras (COFADEH), a appelé la Commission Interaméricaine de Droits Humains (CIDH) afin qu’ils émettent des mesures de protection en faveur des paysans du MUCA, et a condamné “ces actes qui atteignent à la liberté, à la vie et au développement intégral du peuple hondurien”.

Giorgio Trucchi


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