Jean Luc Mélenchon sur France 24 : régionales, voile... "Déat, Doriot avaient commencé par la capitulation intellectuelle et Eric Besson est sur la pente de la capitulation intellectuelle"

samedi 16 septembre 2023.
 

Ci-dessous, texte de l’interview sur France 24. Pour visionner la video, cliquer sur le titre en page d’accueil puis sur l’adresse URL portée en source (en haut de page, couleur rouge).

Roselyne FEBVRE.- Retour sur le plateau de Politiques avec notre deuxième invité, Jean-Luc Mélenchon. Bonjour.

Jean-Luc MELENCHON.- Bonjour.

Roselyne FEBVRE.- Vous êtes président du Parti de gauche. Vous aviez claqué, il y a un an, la porte du Parti socialiste pour créer votre petite boutique.

Jean-Luc MELENCHON.- Pourquoi « petite » et pourquoi « boutique » ?

Roselyne FEBVRE.- Nous allons en parler. En tout cas, vous êtes crédité de bons sondages pour les prochaines élections : 6 %. Vous damez le pion à Olivier Besancenot. Votre actualité aujourd’hui, c’est qu’après six mois de négociations, le Parti communiste, vous et la Gauche unitaire (l’ex LCR) allez lancer la campagne. Il y a eu un retard à l’allumage, mais cela y est. C’est parti. C’est l’idylle.

Jean-Luc MELENCHON.- Oui. Nous avons fait une contreperformance de communication, parce que nous avons amené des professionnels, comme vous par exemple, à s’imaginer que nous discutons depuis cinq mois. Non. En réalité, c’est eux qui discutent depuis cinq mois. Les communistes ont pris leur temps pour prendre une décision qui a un caractère politique absolument historique. Pour la première fois, ils ne seront pas avec les socialistes au premier tour.

Roselyne FEBVRE.- Sauf dans certaines régions.

Jean-Luc MELENCHON.- Oui, dans cinq régions et dix-sept autres, ils seront autonomes. Donc, nous avons quelque peu donné l’impression que cela traînait. En réalité, nous avons discuté pendant cinq semaines de la composition de nos listes. Or, les listes sont toujours un peu compliquées à réaliser ; il faut bien l’admettre. Globalement, cela va. J’espère que les élections régionales seront de vraies élections politiques et qu’il ne s’agisse pas simplement de plébiscites pour savoir quel grand duc régional est bien aimé de son peuple ou non. En effet, la tendance des notables socialistes, de toute cette gauche routinière et plan-plan est de dire : « Aimez-moi, parce que je vous aime » et vice-versa.

Roselyne FEBVRE.- Vous n’aimez plus les socialistes

Jean-Luc MELENCHON.- Pas du tout.

Roselyne FEBVRE.- Ils vous sortent par les oreilles et par les trous de nez.

Jean-Luc MELENCHON.- Non. Je sais pourquoi j’ai quitté le Parti socialiste, mais je ne suis pas membre du PS, je suis président du Parti de gauche. Mais, idéologiquement, je suis socialiste, bien sûr. J’ai fait ma vie là-dedans et je n’ai pas changé. Mais je n’aime pas, en effet, la manière avec laquelle ils sont complètement en dessous de la main des événements.

Roselyne FEBVRE.- L’affaire Frêche à Montpellier, par exemple, que vous inspire-t-elle ?

Jean-Luc MELENCHON.- Un dégoût insurmontable. C’est la raison pour laquelle vous remarquerez que le Languedoc-Roussillon est la région de France où toute la gauche se sera mise d’accord pour affronter Georges Frêche : le NPA, le Parti communication, le Parti de gauche, tous les petits partis de l’autre gauche. Même les Verts partent de leur côté au premier tour en opposition. Je vous le dis : nous ne serons, avec Georges Frêche, ni au premier, ni au second tour. Nous nous sommes accordés, avec les Verts, pour qu’au second tour, celui de nous deux – les Verts ou le Front de gauche – qui sera en tête, prenne la tête de liste du second tour. Donc, pas de compromis. Personne n’est tout blanc ou tout noir, mais Georges Frêche incarne, en quelque sorte, toute cette décadence notabilaire, ces empereurs locaux qui se moquent de toute règle, de toute convention, de toute bienséance, commandant tout et en tout chose.

Roselyne FEBVRE.- Il tient quand même des propos très choquants quand il dit que les Harkis sont des sous-hommes.

Jean-Luc MELENCHON.- Ecoutez, franchement, après, des gens gratouillent en disant : « Il n’a pas vraiment voulu… ». Mais enfin, on ne parle pas de la sorte quand on représente le peuple français tout entier.

Roselyne FEBVRE.- Là, le PS fait une erreur ? Il vend son âme pour gagner les élections en ne mettant pas de liste face à Georges Frêche ?

Jean-Luc MELENCHON.- A supposer qu’il ait une âme, en la circonstance, le PS manifeste qu’il est incapable du sursaut moral et politique que l’on attendait. Regardez, Madame Aubry elle-même a toujours dit qu’elle n’était pas d’accord avec Georges Frêche. Elle est incapable de l’empêcher d’être la tête de liste. Le Parti socialiste a exclu Georges Frêche ; il a passé des heures à discuter du cas Georges Frêche. Et maintenant, c’est lui qui est sa tête de liste.

Roselyne FEBVRE.- Parce qu’ils ne veulent pas perdre la région.

Jean-Luc MELENCHON.- Je pense qu’ils gagneraient plus sûrement la région dans un autre dispositif. En tout cas, je vous dis une chose. Ce n’est pas Georges Frêche qui aura la présidence de la région la prochaine fois, mais nous. René Revol passera en tête de la gauche et battra Georges Frêche et la droite, parce que dans ce coin elle est gratinée. En tout cas, pour un homme de gauche, la droite…

Roselyne FEBVRE.- Vous faites de la méthode Coué, un peu, comme Martine Aubry, la première Secrétaire du Parti, qui a présenté ses vœux à la presse, nous a annoncé une nouvelle : le Parti socialiste frétille à nouveau. Etes-vous heureux de le savoir ?

Jean-Luc MELENCHON.- Je suis tout à fait enchanté qu’il frétille. Mais, je me donne d’autres buts que de frétiller. Non, le Parti socialiste est un parti de gauche. Nous avons des désaccords, mais, en même temps, nous savons qu’au second tour, il faut se rassembler pour battre la droite. Donc, je les invite à prendre quelques vaccins contre la maladie de la grosse tête, parce que là, ils sont très mal partis avec l’idée, avant même que l’élection ait commencée, qu’ils vont avoir 30 régions sur 22. Cela ne me paraît pas raisonnable du tout.

Roselyne FEBVRE.- Cela veut dire qu’ils ne peuvent pas reprendre deux régions et faire le grand chelem. Cela vous paraît illusoire.

Jean-Luc MELENCHON.- Je ne sais pas. Je souhaite, évidemment, que nous gagnions un maximum de régions dans le pays, mais je crois que c’est sous-estimer le Président Nicolas Sarkozy que de croire qu’il va attendre les deux pieds dans le même sabot que l’on veuille bien l’éplucher. Cela ne se passera pas comme cela.

Roselyne FEBVRE.- Martine Aubry fait-elle un bon job à la tête du Parti socialiste ?

Jean-Luc MELENCHON.- Je ne sais pas. Je ne suis plus membre du Parti socialiste. Donc, ce n’est pas à moi d’en juger. C’est un Parti qui est dans un état de délabrement tel que le simple fait qu’il n’y ait pas de scandale pendant un mois passe pour un renouveau et un bien-être. Non, le Parti socialiste est essentiellement malade idéologiquement. Il ne sait pas où il va. Il a choisi, d’une manière un peu suiviste, de ressembler à ses mauvais cousins du reste de l’Europe et de faire des alliances avec le Modem. Bref, d’être plutôt vers le centre que vers la gauche. Et cela le mènera à un désastre. Vous me direz que nous nous en moquons, mais pour le pays, par contre, ce n’est pas une bonne nouvelle.

Roselyne FEBVRE.- Je peux vous retourner le compliment dans le sens où vous, vous rêviez d’une grande alliance, de faire un peu Die Linke sur le modèle allemand d’Oskar Lafontaine. Finalement, vous n’avez pas réussi à rassembler tout le monde.

Jean-Luc MELENCHON.- Non. J’en suis vraiment marri, parce que j’ai beaucoup travaillé à cela avec d’autres. Je me console, d’une certaine manière, en me disant que cependant…

Roselyne FEBVRE.- Dans les bras de Marie-Georges Buffet.

Jean-Luc MELENCHON.- Non, parce que les choses ont avancé. Marie-Georges Buffet est un partenaire dont le courage politique n’est pas bien analysé dans le milieu politique français. C’est quand même la personne à gauche qui a le plus bougé depuis dix ans. Les autres ne font que rabâcher ce qu’ils ont toujours dit. Le Parti socialiste répète tout le temps ce qu’il dit. L’extrême gauche répète, comme un disque rayé, les mêmes choses depuis 30 ans. Les deux personnes qui ont fait bouger le champ politique, c’est Marie-Georges Buffet avec cette décision de prolonger le Front de gauche dans les élections régionales et moi, en quittant le Parti socialiste et en créant le Parti de gauche. Il y a une dynamique – je ne l’exagère pas, mais elle existe autour de nous – qui consiste à dire : « Nous pouvons peut-être quand même changer quelque chose à gauche ». Besancenot est toujours montré du doigt. Moi, je ne suis pas d’accord avec cela, parce que, quand même…

Roselyne FEBVRE.- Est-ce que n’est pas davantage l’adversaire à abattre pour vous plutôt que l’UMP ?

Jean-Luc MELENCHON.- Sûrement pas.

Roselyne FEBVRE.- Est-ce que vos adversaires ne sont pas plus Besancenot et les Verts ?

Jean-Luc MELENCHON.- Non, non. Mon but est que nous finissions par nous retrouver. Ce que je sais et que j’ai appris – car j’ai mon âge et mon expérience – c’est que l’on ne peut pas faire d’alliance politique en touillant le potage électoral. Il faut quand même de la clarté dans les objectifs et dans les buts. J’essaie donc de produire cette clarté et de regrouper autour. Mais regardez, à l’heure à laquelle nous parlons, bien sûr, l’alliance n’a pas été faite avec le NPA, je ne vais pas essayer de vous démentir, mais il y a au moins trois régions où cette alliance a été faite, qui va du Parti communiste au NPA en passant par nous, le Parti de gauche. Il y a cinq régions où nous serons vraisemblablement alliés nous, le Parti de gauche. Je sais que c’est un peu compliqué cette géométrie variable de l’élection régionale, mais enfin, tout le monde arrive à comprendre.

Roselyne FEBVRE.- C’est de la tambouille politique, mais cela sert à gagner.

Jean-Luc MELENCHON.- Cela sert à faire vivre, devant les Français, une démocratie politique qui est terriblement malade. Vous savez, le principal danger des élections régionales est que les gens ne viennent pas voter. Alors là, ce serait très mauvais pour tout le monde.

Roselyne FEBVRE.- Nous allons peut-être passer un peu à l’actualité avec des débats qui vous passionnent. Nous allons peut-être commencer par le voile intégral. Nicolas Sarkozy et auparavant François Fillon se sont déclarés pour une résolution plutôt qu’une loi. Tout le monde est d’accord, dans le fond, pour supprimer le voile intégral, mais le problème c’est comment. Est-ce qu’il faut une loi ? Est-ce qu’il faut une résolution ? Comment fait-on ?

Jean-Luc MELENCHON.- Je les trouve assez inconséquents tous ces gens, parce que ce sont eux qui ont commencé à battre la grosse caisse en annonçant que l’on allait prendre des mesures et que l’on allait voir ce que l’on allait voir. Maintenant, nous voici ramenés à une résolution. Une résolution du Parlement peut s’appliquer à des grands principes, mais, comme la loi, elle ne doit pas viser un cas particulier ; elle doit viser une norme impersonnelle. Partons du point de départ. Il y a, dans ce pays, des gens qui se travestissent toute l’année, en portant un voile intégral. En le faisant, est-ce qu’ils sont simplement dans l’exercice d’une liberté religieuse, auquel cas, nous n’avons rien à en dire ? Mais, est-ce que leur pratique de la liberté religieuse, elle, met en cause un droit humain fondamental ? C’est cela, la question à poser. Parce que dans ce pays, on n’a jamais condamné une pratique religieuse. Mais, on condamne des pratiques qui dérogent au droit commun. Par exemple, ceux qui refusent les transfusions – vous savez, je ne veux pas nommer qui – mais ceux qui refusent les transfusions sanguines sont régulièrement...

Roselyne FEBVRE.- C’est leur droit.

Jean-Luc MELENCHON.- Non, ce n’est pas leur droit. Ils sont régulièrement poursuivis pour non assistance à personne en danger.

Roselyne FEBVRE.- Ah oui, vous avez raison.

Jean-Luc MELENCHON.- Il y a des traitements qui sont considérés, par la loi, comme dégradants. Par exemple, dans mon département d’origine, l’Essonne, il y avait eu, dans une boîte de nuit, du « lancer de nains ». Nous avons obtenu l’interdiction et le Conseil d’Etat a validé cette interdiction, en disant que c’était un traitement dégradant.

Roselyne FEBVRE.- (elle chuchote) Le lancer de nains !

Jean-Luc MELENCHON.- Oui, oui, mais le nain était d’accord pour être lancé. Vous voyez, donc ce n’est pas la volonté personnelle qui compte. Est-ce que le port du voile intégral déroge à des droits de l’homme ? S’il déroge, alors, il faut punir cette pratique. Je dis que c’est une pratique dégradante, voilà.

Roselyne FEBVRE.- Donc, il faut l’interdire, par la loi.

Jean-Luc MELENCHON.- Absolument. Mais la loi, à ce moment-là, devra respecter des conditions très précises. Premièrement, elle ne doit pas s’appliquer à un cas. Elle doit être impersonnelle. Personne n’a le droit, dans ce pays, de se balader dans la rue masqué, premièrement. Deuxièmement, il y a d’autres aspects dans la condition de l’égalité hommes/femmes qui devraient être traités par cette loi. Par exemple, interdiction de faire des horaires séparés de fréquentation des établissements publics, comme les piscines. A Lille, sous l’autorité de Martine Aubry ou telle ou telle autre activité.

Roselyne FEBVRE.- Il faudrait commencer par là déjà.

Jean-Luc MELENCHON.- Mais, on doit mettre toutes ces choses-là. Interdiction d’utiliser les équipements sportifs pour les uns ou pour les autres. Interdiction de récuser le personnel soignant s’il n’est pas du sexe qui vous convient. Donc, la loi devrait être en quelque sorte, impersonnelle, ne pas stigmatiser les musulmans. Les musulmans ne sont pour rien dans cette histoire. Et deuxièmement, elle doit intégrer l’ensemble des cas. Mais, il faut punir un traitement dégradant. Laissez-moi en dire juste un mot.

Roselyne FEBVRE.- Oui, oui.

Jean-Luc MELENCHON.- Pourquoi est-ce dégradant ? Premièrement, parce que cela nie l’identité de la personne. Ce qui fait qu’en nous regardant, vous, c’est vous et moi, c’est moi.

Roselyne FEBVRE.- On ne sait pas à qui on parle.

Jean-Luc MELENCHON.- Notre singularité nous distingue. Deuxièmement, j’ai le droit de savoir à qui je parle. Ce n’est pas seulement que vous avez le droit de vous masquer, mais c’est que moi, je veux savoir à qui je parle.

Roselyne FEBVRE.- Donc, vous êtes d’accord avec Jean-François Coppé.

Jean-Luc MELENCHON.- Je ne sais pas, mais moi, j’ai toujours été sur une position laïque intransigeante du respect des droits de l’homme et des femmes.

Roselyne FEBVRE.- Vous allez plus loin que Nicolas Sarkozy.

Jean-Luc MELENCHON.- Je ne me positionne pas par rapport à eux, je me positionne en Républicain. Ce que je dis n’est ni de gauche, ni de droite, c’est Républicain. C’est le respect de la personne humaine. Et enfin, comme femme, je voudrais attirer votre attention sur le fait que le voile est une pratique répugnante et obscène, parce qu’elle réduit la femme à son statut de proie sexuelle que l’on doit dérober au regard de l’homme. Et en se voilant, elle affirme le droit d’une personne à la regarder. Ce qui est vraiment la négation de la dignité de la personne humaine femme, portée à un point qui a peu d’exemples comparables. Donc, il faut interdire le port du voile intégral, c’est ma conviction personnelle, à la condition que la loi, naturellement, soit respectueuse des principes républicains.

Roselyne FEBVRE.- J’ai bien compris. Est-ce que cette loi, puisque visiblement, c’est ce que certains se posent comme question au sein de la majorité, est-ce que celle loi ne pose pas des problèmes juridiques ? Est-ce que juridiquement, elle est applicable ? Qu’est-ce que cela veut dire ? Que par exemple, des policiers vont arrêter dans la rue, des gens qui portent le voile intégral, ou la Burka ou le Niqab ?

Jean-Luc MELENCHON.- Est-ce qu’elle est juridiquement possible ? Oui, puisqu’il y a des précédents. D’autres lois qui condamnent des traitements dégradants et deuxièmement, parce que la Déclaration universelle des Droits de l’homme prévoit qu’il y a une limite à l’exercice des libertés, lorsque l’exercice de cette liberté met en cause un principe fondamental. Donc, sur le plan juridique, nous sommes bordés. Après, il y a la pratique. Alors, on nous dit : « C’est impossible dans la pratique ». Par exemple, vous pourriez me dire, il est impossible d’empêcher les cambrioleurs d’attaquer les maisons, donc, par conséquent, autorisons, puisqu’on ne peut pas. Puisque vous savez aussi bien que moi, qu’aussi longtemps que le monde sera monde, il y aura des cambrioleurs. C’est un raisonnement que j’ai entendu et qui est absurde. Qui a d’ailleurs conduit des gens à faire des propositions encore plus ridicules, du genre, seulement lorsque l’on se présente à un guichet ou à un service public. Mais, vous imaginez qu’on va demander à un postier, à une assistante sociale, à un gazier, à un électricien, de faire ce que des policiers ne feraient pas, c’est-à-dire de dire : « Ecoutez, je ne vous réponds pas tant que vous êtes voilée ». C’est manquer de tout sens pratique. Oui, on fera une contravention – parce que je ne propose pas qu’on envoie les gens en prison – à ceux qui se promènent avec un voile intégral.

Roselyne FEBVRE.- Donc, une résolution, ce n’est pas assez, c’est petit bras, quoi ?

Jean-Luc MELENCHON.- Cela n’a guère de sens, puisque, par définition, ceux qui font cela, si vous voulez bien le regarder, qu’est-ce qu’il s’est passé ? Est-ce que l’éternel Dieu s’est penché sur la France et a suggéré à quelques femmes de mettre un voile intégral ? Non, bien sûr que non. Ce sont des bandes, des sectes religieuses qui ont décidé de provoquer la loi républicaine, qui ont décidé de voiler leurs femmes. Parfois, elles sont assez sottes pour le vouloir elles-mêmes, de sorte que cela exerce une pression sur toutes les autres femmes de cette confession, en disant : « Eh vous, pourquoi vous ne mettez pas un voile ? Vous êtes une pervertie, vous êtes une dévergondée ». Ces gens-là attaquent la nature républicaine de notre Etat. Donc, bien sûr que l’on doit punir et comment le fait-on ? Si vous êtes dans votre voiture avec votre téléphone portable, vous aurez une contravention ; eh ben, là, c’est pareil ! Vous vous promenez avec un voile intégral, vous aurez une contravention.

Roselyne FEBVRE.- Vous êtes un dur !

Jean-Luc MELENCHON.- Madame, je défends la cohérence de la volonté de vivre ensemble. Nous devons réussir, dans ce pays, le fait que nous nous mélangions et qu’on fasse France de tout bois. En France, aucune religion n’a jamais été persécutée par la République, jamais. Mais, des pratiques religieuses sont interdites, parce qu’elles dérogent au droit commun.

Roselyne FEBVRE.- Est-ce que le Parti socialiste, là-dessus, là aussi, on est divisé, mais visiblement, ils sont contre l’idée d’une loi, est-ce que le Parti socialiste est trop frileux, encore, sur ce genre de thème-là ?

Jean-Luc MELENCHON.- C’est un débat compliqué, vous savez ?

Roselyne FEBVRE.- Oui, c’est compliqué.

Jean-Luc MELENCHON.- Il faut donc éviter de tordre le bas à qui que ce soit, par des invectives ou des mises au pied du mur. Je suis pour qu’on convainque. Je ne suis surpris de voir les socialistes, comme d’habitude, ne pas savoir ce qu’ils veulent, parce qu’ils sont à la fois contre la Burka, qu’ils trouvent déplaisante, et ils ne sont pas pour l’interdire, donc on ne comprend rien à ce pour quoi ils sont. Il faut avoir le courage – et c’est cela que je leur dis : « Quel genre de société voulez-vous ? ». La République est-elle un régime neutre ? Non, elle n’est pas un régime neutre. Chaque jour, on condamne des gens pour des pratiques sectaires, pas à cause de leurs convictions, mais à cause de leurs pratiques. Donc, si cette pratique est condamnable, si elle est attentatoire à la dignité des femmes, ce serait la première fois qu’on verrait au nom d’une espèce de différencialisme, c’est à la limite quoi, comme ce sont des indigènes, ils s’habillent comme ils veulent ? Comme ce ne sont pas vraiment nos égaux, ils font ce qu’ils veulent ? Ce sont des animaux ? Non, il faut traiter les gens, chaque personne a droit à un égal respect à sa dignité et, comme je respecte pour ma part, toutes les personnes humaines, je ne suis pas d’accord pour que l’une ou l’autre soit dégradée du fait de sa religion.

Roselyne FEBVRE.- Dernière question, qui concerne le droit de vote aux élections locales. On a l’impression que c’est un vieux serpent de mer. Tous les gouvernements successifs en ont parlé, comme par hasard, avant les élections. C’était dans les 110 propositions de François Mitterrand en 1981, mais personne ne l’a fait. Martine Aubry, finalement, coupe l’herbe sous le pied d’Eric Besson, qui s’est dit d’accord ‑ le Ministre de l’immigration ‑ tout en disant que Nicolas Sarkozy n’y était pas prêt. Que faut-il faire là-dessus ?

Jean-Luc MELENCHON.- Moi, j’en suis partisan et de longue date. J’ai observé, comme vous, que tout cela donnait souvent lieu à des utilisations pas très correctes. Parce que l’on sort cela au bon moment… Mais là, je ne sais pas si c’est le cas. Tous, ce que nous voulons arriver à démontrer, c’est l’hypocrisie d’individus du type Eric Besson et compagnie, qui sont, vous savez, comme les chauves-souris. Voyez mes ailes, je suis oiseau. Voyez mes pattes, je suis souris. Donc, voyez mes ailes et je sors du PS, voyez mes pattes je suis à droite et au gouvernement de droite. Nous voulons faire la démonstration, tous, à gauche, de l’hypocrisie de ces gens, parce que l’on prend au sérieux ce qu’ils font et ce qu’ils disent. Maintenant, il y a un aspect, pour répondre à votre question, qui est évidemment un peu manœuvrier. Elle cueille au passage, Besson, qui a l’air d’un idiot dans cette circonstance. Mais, pour autant, doit-on reléguer cette question au seul aspect folklorique et politicien de l’affaire ? Non. Je crois qu’une question de fond est posée. Les immigrés qui vivent parmi nous, qui paient des impôts ont le droit de participer aux élections notamment.

Roselyne FEBVRE.- Dernière question avant de nous quitter : Eric Besson a été comparé, par un de vos anciens camarades socialistes, à Pierre Laval. Une telle comparaison est-elle justifiée ?

Jean-Luc MELENCHON.- Nous sommes tous, à gauche, en général, très amateurs d’histoire. Donc, nous nous souvenons des personnalités qui ont marqué. Nous, dans le mouvement socialiste, nous avons quelques figures de grands criminels : Déat, Doriot, qui ont quand même fini dans la collaboration. Mais, avant de finir dans la collaboration, ils avaient commencé par la capitulation intellectuelle et Eric Besson est sur la pente de la capitulation intellectuelle, qui est déjà passée. Il est dans un au-delà de la droite et de la gauche et en France, l’au-delà de la droite et de la gauche, cela a toujours été l’extrême droite.

Roselyne FEBVRE.- Merci à vous d’avoir été là, Jean-Luc Mélenchon et bonne chance, donc, pour les élections et votre mariage avec le Parti communiste pour les élections régionales. Merci, on se retrouve plus tard sur France 24.


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