6 au 8 février 1937 : les assassins franquistes se surpassent lors de la prise de Malaga

samedi 24 février 2024.
 

En juillet 1936, la lie de la société espagnole (officiers félons, fascistes, évêques, grands propriétaires, patronat autocratique) entreprend un coup d’état militaire contre la république du Frente Popular. Leur objectifprincipal, c’est évidemment la prise de la capitale : Madrid.

Les volontaires madrilènes organisés en milices des partis de gauche et syndicats réussissent à stopper l’armée fasciste du Nord commandée par le général Mola ( troupes coloniales, légion étrangère espagnole, milices carlistes et phalangistes soutenus par des unités régulières mussoliniennes et ).

Cet échec sur la capitale devient évident fin novembre 1936.

Franco élabore alors un nouveau plan consistant à élargir sa base de départ au Sud. En effet, il dispose seulement du port d’Algésiras pour accueillir d’une part les unités coloniales venues d’Afrique, d’autre part les forces considérables et très bien armées envoyées en renfort par Mussolini.

Le 17 janvier 1937, l’armada franquiste du Sud se met en branle vers Malaga. Elle comprend :

- l’armée fasciste de Gonzalo Queipo de Llano

- l’armée fasciste d’Antonio Muñoz Jiménez

- une colonne d’environ 5000 combattants du Corpo Truppe Voluntarie, groupés dans la 1re division d’infanterie des Chemises noires « Dio lo Vuole » (Dieu le veut). Elle se compose de soldats réguliers et paramilitaires fascistes italiens disposant de chars légers, voitures blindées et artillerie.

- les avions de combat hitlériens présents en Espagne

- les navires de guerre passés aux franquistes : Canarias, Baleares et Velasco

Début février, dès les premiers combats, les fascistes font reculer les miliciens républicains. Le 6 février, ils atteignent Malaga.

Les républicains vont perdre cette ville de Malaga, première grande défaite pour eux. On peut avancer quatre raisons :

- leur chef n’était pas à la hauteur de l’évènement : Le colonel Jose Villalba Lacorte dirige la défense de la ville face aux fascistes. Engagé dans le soulèvement militaire aux côtés de Franco, il a changé de position lors du golpe (probablement en croyant qu’il avait échoué).

- Les Républicains disposent dans Malaga de forces supérieures en nombre (environ 40000 miliciens anarchistes andalous de la CNT) mais leur armement est insuffisant en nombre et surtout en qualité face au matériel moderne des franquistes et des chemises noires italiens.

- la supériorité aérienne des fascistes pèse lourd dans la rapidité de leur avance

- Durant toute cette campagne de Malaga, il est évident que les troupes républicaines manquent d’organisation.

Craignant l’encerclement de Malaga, le colonel Villalba décide le 7 février de l’évacuer vers Almeria située à 200 kilomètres de là.

Ci-dessous, récit de la "Desbanda" publié dans L’Humanité du 6 mai 2011 :

" Imaginez 150 000 hommes et femmes, vieux et enfants, fuyant à pied, à bicyclette, à dos d’âne et sur de rares véhicules, à la recherche d’un refuge vers la ville d’Almeria, distante de 200 kilomètres. Sans nourriture, souvent sans chaussures et gelant de froid, les réfugiés forment un flot humain qui s’étire de Malaga à Almeria. La petite route côtière qu’ils empruntent ouvre un passage étroit entre la côte méditerranéenne et la Sierra Nevada.

À la droite du chemin, côté mer, les canons des bateaux –le Canarias, le Baleares et le Velasco– de Franco crachaient le feu. Depuis le ciel, les avions italiens et allemands bombardaient et mitraillaient ces civils sans défense. À leur gauche, la montagne était tenue par les fascistes... À l’arrière, les troupes fascistes faisaient preuve d’une sauvagerie inhumaine et massacraient tous les malheureux civils désarmés qui se trouvaient devant elles, fuyant terrorisés.

Cette route vers Almeria était un couloir organisé par les fascistes pour y pousser les populations civiles afin de les exterminer depuis la mer, l’air et la terre. Un vrai crime contre l’humanité qui reste un des épisodes les plus cruels et inhumains de cette maudite guerre. Un crime méthodique, annonçant Guernica, mais que l’histoire officielle espagnole a totalement occulté de la mémoire collective.

Des témoins gardent pourtant le douloureux souvenir de cet exode sous les bombes. Leon Cuenca avait treize ans en février 1937  : «  Les 
avions lâchaient des bombes incendiaires et les canons des navires énormes de Franco ne cessaient de nous bombarder. Nous voyions parfaitement les mariniers se déplacer sur le pont des navires, les canons qui étaient dirigés vers nous. C’est quelque chose de difficile à comprendre quand on ne l’a pas vécu. Les bateaux ne pouvaient pas être plus proches de nous, sinon ils risquaient de se déchirer sur les rochers, et ils nous tuaient comme si nous étions des insectes. »

Les rives du Guadalfeo ont été un piège mortel pour les réfugiés. Miguel se souvient  : « Il était environ minuit ou 1 heure du matin, il faisait un froid exténuant sous une pluie incessante, les fascistes avaient détruit le pont sur le Guadalfeo. De manière précaire, avec des morceaux de bois, des cordages et en utilisant les restes du pont, s’improvisa, de manière très dangereuse, la traversée de la rivière, à 200 mètres de la mer. Alors que la rivière est en crue en raison des fortes pluies, les cadavres flottant sur ses rives accroissent les craintes, cependant nous traversions avec d’innombrables difficultés quand nous sentons comme un tremblement de terre accompagné d’un bruit assourdissant toujours croissant, plus terrible. On entendait des cris d’enfants et de femmes terrorisés… Les fascistes avaient ouvert les vannes du barrage situé plus haut dans la montagne. Le flot énorme ainsi créé emporta avec lui des centaines de personnes, noyées ou enterrées entre la boue et les débris, tandis que d’autres victimes flottaient jusqu’à la mer. Cette rivière a été le point de séparation de nombreuses familles qui, désormais, ne se retrouveront jamais. Il n’est pas possible que les jeunes générations, nos enfants, continuent de ne pas connaître notre histoire car cela les condamnerait à ce qu’elle se reproduise. »

Le 20 février 2011, une marche a été organisée et une stèle inaugurée sur les lieux de la Desbanda.

Nous devons tous garder trois objectifs majeurs :

- que les crimes franquistes contre l’humanité ne soient jamais oubliés

- que les crimes franquistes contre l’humanité soient un jour jugés

- que le courage et les souffrances des républicains restent au coeur de la mémoire de tous les républicains, de tous les socialistes, de tous les antifascistes.

Jacques Serieys


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