Grâce à Obama et Clinton, au Honduras on torture, on tue, on fait disparaître les opposants

lundi 4 janvier 2010.
 

42 assassinats, 120 disparitions, 4 000 détentions arbitraires… Au Honduras, les droits de l’homme se sont brutalement détériorés depuis le putsch du 28 juin qui a renversé le président Manuel Zelaya. Une répression planifiée, depuis les organes 
de l’État, qui cible les résistants 
au coup d’État.

1) À Tegucigalpa, on tue et le monde se tait

Le 14 décembre, Walter Trochez a été abattu de deux balles dans la poitrine... Le 16 décembre, le corps décapité de Carlos Turcio, responsable de la résistance, a été retrouvé à 300 kilomètres au nord de la capitale, Tegucigalpa. Quatre jours plus tôt, Santos Corrales Garcia, un autre résistant a connu le même sort.

Depuis le putsch du 28 juin, on dénombre au moins 42 assassinats, 120 disparitions et plus de 4 000 arrestations arbitraires. Les droits de l’homme sont brutalement bafoués dans un contexte d’indifférence. Loin du regard de la « communauté internationale », les autorités usurpatrices ont les mains libres pour dérouler ses plans de mort.

Pour Reina Rivera, présidente du Centre de recherche et de promotion et des droits de l’homme, le Honduras est « face à une politique d’État, la même que la politique de sécurité nationale des années quatre-vingt qui a consisté à exécuter les activistes de gauche ». À cette époque, 182 personnes disparaîtront sous les mains de l’armée, de la police mais surtout du bataillon 3-16, transformé en escadron de la mort. Après le coup d’État, « beaucoup d’acteurs sociaux ont ressurgi sur le devant de la scène », poursuit-elle. Et c’est bien là que le bât blesse pour les putschistes dont le message est clair. « La résistance est dans la ligne de mire parce que le régime de facto ne tolère l’existence d’aucun mouvement social », tranche Reina Rivera.

« Tuer le mouvement de résistance par le bas »

L’ex-directrice du secrétariat d’État à la Culture, Rebecca Becerra, a été arrêtée sous les yeux de sa fille par une douzaine de policiers avant d’être relâchée. Farouche opposante au coup d’État, l’écrivaine parle de « chasse aux sorcières incessante ». « Nous vivons sous une dictature qui ne s’est pas achevée avec les élections dont nous n’avions rien à attendre, estime-t-elle. Avant d’évoquer la disparition de ce frère « parce qu’il était secrétaire général de la Fédération des étudiants universitaires ». « La guerre de basse intensité de l’ultra-droite hondurienne n’a jamais cessé », explique Rebecca Becerra, tout en disant craindre de « nouvelles stratégies de répression ». Trois dirigeants de l’organisation politique, Los necios (les naïfs), dont Gilberto Rios que l’Humanité avait interviewé au lendemain du coup d’État, ont été contraints de fuir le Honduras sous quarante-huit heures après avoir été menacés par des « encapuchados » (encagoulés).

Il s’agit « de saper le mouvement de résistance, de bas en haut, car c’est moins voyant que si l’on touchait à ses principales figures, estime Reina Rivera. L’objectif est de tuer la constituante impulsée par la résistance mais également l’idée même qu’une gauche puisse exister », d’autant que cette résistance hétéroclite a capté « un mouvement populaire jusqu’alors étouffé par le capitalisme et un système politique verrouillé », considère le sociologue Antonio Cruz Oliva. Une semaine avant sa mort, Walter Trochez fustigeait dans une lettre publique « un coup d’État augurant un retournement brutal dans la région marquée cette dernière décennie par des gouvernements (…) dont le dénominateur commun a signifié un changement de cap avec le néolibéralisme ».

Cathy Ceibe

Source : L’Humanité

2) La signature de l’oncle Sam

Depuis la mascarade électorale 
du 29 novembre le gouvernement putschiste hondurien poursuit 
son œuvre de normalisation. Pas question de se comporter comme de vulgaires Pinochet en d’autres temps au Chili. L’effet serait rédhibitoire vis-à-vis 
de l’opinion internationale. Surtout 
le contexte est devenu plus délicat sur un continent traversé par de nouveaux rapports de forces. D’où cette volonté de se faire discret, pour banaliser la situation issue du « golpe » du mois de juin contre le président Zelaya. Pourtant le naturel revient au galop pour mettre au pas ces citoyens qui résistent. Les escadrons de la mort circulent à nouveau. Il ne se passe pas une semaine sans que des cadavres de militants des diverses organisations démocratiques regroupées au sein du Front de résistance contre le coup d’État (FRCG) ne soient retrouvés atrocement mutilés. Preuve qu’on les a torturés avant de leur donner la mort. Andres Pavon, président du Comité pour la défense 
des droits humains, parle de « vague de terreur » planifiée qui a déjà fait plusieurs dizaines de victimes et accuse 
le pouvoir de vouloir désarticuler la résistance.

On tue, on torture, on piétine la démocratie 
et on peine à entendre la moindre voix officielle s’élever en France, en Europe contre ces exactions. 
Silence, on assassine. Pourquoi tant de complaisances pour 
les putschistes, pourquoi tant de désintérêt médiatique et donc tant de sollicitude à accompagner le processus de banalisation du « golpe » contre le président Zelaya, toujours réfugié à l’ambassade du Brésil à Tegucigalpa  ? 
Y aurait-il des organisateurs de coups d’État, des dictateurs plus « politiquement corrects » que d’autres  ? La réponse à ces questions tient bien sûr à l’enjeu que représente l’éviction de Manuel Zelaya. Il dépasse largement les frontières du petit Honduras. Le président élu sur un ticket de centre droit en novembre 2005 n’avait alors pas soulevé la moindre inquiétude 
à Washington ou dans les chancelleries occidentales. Sauf qu’entre-temps, confronté à la misère 
et à la dégradation 
du niveau de vie de la majorité de ses concitoyens, il a décidé de se rapprocher des pays de l’Alba (Alternative bolivarienne pour les peuples d’Amérique latine). 
En décembre 2008, il a décrété une augmentation du salaire minimum de 126 à 202 euros. Au grand soulagement 
des ouvriers agricoles des bananeraies. Au grand dam 
de la transnationale états-unienne, Chiquita, une descendante de la célèbre United Fruit, maître d’ouvrage de tous les putschs qui ont émaillé l’histoire moderne du pays. Zelaya avait aussi passé un accord avec l’organisation Petrocaribe du vénézuélien Hugo Chavez afin de réduire 
le coût de l’énergie, ce qui squeezait les grandes compagnies américaines. Enfin, summum de « l’aventurisme politique », il s’est entendu avec Cuba pour importer ces médicaments génériques bon marché qui faisaient si cruellement défaut aux populations les plus pauvres de son pays.

Tandis que d’autres pays de la région ont viré à gauche, la crainte d’un basculement plus prononcé du Honduras dans le « camp » progressiste latino-américain est devenue lancinante. Et voilà que Zelaya envisage la convocation d’une assemblée constituante 
pour conforter la démocratie et renforcer les pouvoirs 
des citoyens  ? Pour l’Empire, ce fut la goutte d’eau… 
Des figures de premier plan du département d’État 
ou de l’entourage de l’ex-président Bush sont venus porter main-forte au putschiste Micheletti, qu’ils « conseillent » encore aujourd’hui. Obama, après un temps d’hésitation, 
a suivi. Il a même surenchéri en poussant à l’installation 
de sept bases états-uniennes en Colombie, entérinant, de fait, le retour à une logique de guerre froide contre l’Amérique latine progressiste.


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