Intervention de Corinne Morel Darleux lors de la Convention nationale du PG (décembre 2009)

mercredi 23 décembre 2009.
 

J’ai voulu profiter de l’occasion pour revenir sur le lien que nous faisons entre l’écologie et le social. Car ça peut paraitre un comble (et je n’aurais osé espéré dire ça un jour ;) mais certain-es ont pu avoir le sentiment que le PG devenait un peu trop "écolo". Je voulais revenir là-dessus, car je pense que nous ne devons pas éviter les débats qui nous traversent dans ce parti creuset en construction qu’est le PG. Surtout que celui-ci me paraît facile à dépasser ;)

D’abord, c’est une évidence mais elle mérite d’être rappelée, il ne s’agit évidemment pas d’oublier la question sociale au profit de l’écologie, ça n’aurait aucun sens puisque toute l’ambition de notre projet est précisément de lier les deux. Et si certains d’entre vous ont parfois l’impression que l’écologie est plus mise en avant, c’est simplement je pense que le PG n’a pas naturellement cette identité antiproductiviste. Donc, quand nous prenons une position écolo, ça surprend évidemment plus que quand on défend les droits des travailleurs... Mais ça veut aussi dire qu’il faut qu’on en fasse deux fois plus dans ce domaine pour gagner notre crédibilité et faire rougir nos adversaires lorsqu’ils présentent encore Jean Luc Mélenchon comme un méchant béton électricité et le PG comme un vieux parti de gauche productiviste !

La réalité est toute autre et nous pouvons en être fiers. La réalité, c’est que l’écologie sociale est au cœur de notre projet, depuis le début du PG, et que depuis nos orientations politiques, notre discours liant l’écologie et le social, la critique du capitalisme mondialisé et le refus du productivisme ne cesse de s’étoffer. Nous sommes les seuls à pouvoir réussir cette synthèse. L’arrivée de nos camarades de la Gauche Ecologiste, que nous accueillons officiellement ce week end, en est une magnifique preuve et cela va considérablement nous aider pour renforcer et développer nos positions en matière d’écologie sociale. Ça a d’ailleurs plutôt bien commencé, puisque les deux propositions de loi déposées cet automne, sur la fiscalité écologique et vendredi dernier sur la planification écologique sont déjà le fruit d’un travail de coopération entre le PG et la Gauche Ecologiste.

Mais reprenons les éléments qui font débat.

Au hasard... La question de la décroissance ;) D’abord, nous ne parlons pas de décroissance, mais d’objection de croissance, au sens où nous voulons déconstruire cette illusion, tenace sous nos latitudes, selon laquelle la croissance économique résoudrait tous les problèmes. Si c’était le cas, depuis le temps, ça se saurait. Dire que les richesses existent et qu’on ne va pas attendre une hypothétique relance de la croissance pour les redistribuer, ce n’est pas seulement critiquer le mythe de la croissance. C’est aussi faire preuve de bon sens en matière de justice sociale.

Car passé un certain niveau de bien être, la croissance économique ne consiste en réalité plus qu’à écouler toujours plus de production pour augmenter toujours plus les profits des actionnaires. Le bien être humain et le progrès social n’ont plus rien à voir là-dedans ! C’est ça le productivisme : on crée des besoins artificiels, par la publicité, en montrant en exemple le mode de vie des plus riches, en faisant passer l’accumulation matérielle comme l’alpha et l’omega du progrès social. C’est la fameuse phrase de Séguéla expliquant que « si t’as pas une Rolex à 50 ans, tu as raté ta vie ! ». Résultat : on pousse les gens à travailler plus, à s’endetter plus et au final à consommer plus de choses dont ils n’ont pas besoin, alors que pour beaucoup les besoins fondamentaux de base ne sont même pas remplis !

Et les capitalistes s’en mettent plein les poches. Fin de l’histoire.

On entend certains dire, parfois, que l’objection de croissance serait une idée de riches... Mais même les plus acharnés tenants de la décroissance n’ont jamais dit c’était aux plus pauvres de se serrer la ceinture ! Et aux dernière nouvelles, ceux qui souffrent le plus de la consommation effrénée et du productivisme, ce ne sont pas les 20% de plus riches qui consomment plus de 80% des richesses de la planète, ce sont bien les 20% les plus pauvres qui eux doivent se contenter d’un minuscule 1,6% ! Gandhi ne s’y était pas trompé en disant : « Vivre simplement, pour que simplement d’autres puissent vivre ». Car ce sont bien les pays du Sud, qui voient leurs ressources naturelles pillées, leur agriculture transformée en champs d’agrocarburants et d’huile de palme pour alimenter la surconsommation du Nord, quand leurs populations n’ont même pas accès aux besoins fondamentaux de base et que plus d’un milliards de personnes souffrent de la faim dans le monde !

Ce qu’il faut, c’est une réduction globale de la consommation, ce qui veut dire que les plus riches, qu’ils soient au nord ou au sud, réduisent leurs consommations pour permettre aux plus pauvres d’augmenter la leur. Et que globalement, si on fait la somme de tout ça, on se mette dans une trajectoire de baisse de la consommation mondiale. Parce qu’au-delà des inégalités sociales que génère ce système, les ressources de la planète ne sont pas infinies... Au début des années 60, on avait besoin de la moitié des ressources renouvelables de la Terre pour répondre à notre consommation. Début des années 80, on consommait tout ce que la Terre pouvait nous offrir sans compromettre ses capacités à se régénérer. En 2008, nos « besoins » ont excédé de 30% les capacités de la planète. A ce rythme là, avec un PIB mondial en croissance de 2 à 3%, en 2050 il faudrait 2 planètes pour répondre à la demande de consommation.

Il y a donc une nécessité impérieuse, pour pouvoir un jour vivre tous dignement sur cette planète, à revoir en profondeur le modèle de développement qui est le nôtre aujourd’hui. C’est une exigence que nous partageons tous au PG, et je crois que nous sommes tous d’accord sur la critique de la croissance économique à tout prix, de la société de consommation, de l’accumulation matérielle et du productivisme. Tous d’accord, également, sur le fait que le PIB ne peut pas être la seule boussole politique en matière de progrès humain. Tous d’accord, enfin, sur le fait de ne pas attendre la fameuse relance de la croissance pour engager un vaste mouvement de redistribution des richesses. C’est déjà une bonne base de travail ;)

Placer l’écologie sociale au cœur de notre projet, c’est exactement ça. Et un peu plus... Nous devons pousser la logique jusqu’au bout, sinon on va se contenter de gratter la surface, on sera tous d’accord, soit, mais on n’aura pas beaucoup avancé. Parce que notre ambition, pour le coup, implique un véritable changement culturel, y compris dans le vocabulaire que nous employons. Les mots ont un pouvoir idéologique important, le camp d’en face l’a bien compris, qui a réussi à transformer les « cotisations sociales » en « charges », les « gardiens de la paix » en « forces de l’ordre », et l’écologie en « croissance verte ». C’est une question de cohérence intellectuelle et politique.

Parler de « relance de la croissance par la consommation », c’est rester dans la logique productiviste. Parler de « pouvoir d’achat », c’est continuer à désigner l’individu comme un consommateur. L’important n’est pas de pouvoir « acheter », mais de pouvoir vivre bien, d’avoir ce qu’il faut pour vivre bien. Alors parlons plutôt de droits fondamentaux, de gratuité, de valeur d’usage... Et inventons de nouvelles notions, de nouveaux concepts, comme nous l’avons fait avec succès pour la planification écologique. Prenons exemple sur le Sumaq kawsay des Andins, ou sur le « vivir bien » de Bolivie.

Trouver les mots pour raconter notre projet d’une société radicalement différente, c’est aussi ça qui nous permettra de rendre l’écologie désirable. De faire la démonstration que le défi écologique peut être un levier d’émancipation, et qu’au final ce que l’urgence écologique nous impose, il ne tient qu’à nous de le transformer d’une contrainte en une opportunité.

Corinne Morel Darleux est secrétaire nationale du PG au combat écologique


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