Ségolène Royal nous pose des problèmes politiques, philosophiques, d’orientation politique extrêmement lourds

lundi 30 octobre 2006.
 

Jean-Luc Mélenchon était l’invité de Jean-Michel Aphatie sur RTL .

- Jean-Michel Aphatie : Bonjour Jean Luc Mélenchon. C’était le deuxième débat des Socialistes, hier soir ?

- Jean Luc Mélenchon : Oui.

- Votre sentiment ? Un bon débat ?

- C’était plus intéressant que la fois précédente, parce que plus animé. Bon, ça, c’est le premier côté. Vos collègues, les journalistes n’ont, à mon avis, pas été dans les bons clous, je me permets de le dire... Rien n’est parfait, mais il y a des petits moments où vous avez commis quelques légères erreurs...

- Rarement, mais ça arrive.

- Oui, c’est vrai... Non contents de répéter la vulgate libérale à tout bout de champ dans leurs questions, hier soir, ils ont interrogé les trois candidats sur les cinq ou six dernières propositions de Ségolène Royal, si bien qu’on avait l’impression que c’était...

- Que le débat tournait autour de ces propositions ?

- Eh bien oui...

... Et ça peut donner le sentiment, effectivement, que c’est elle qui domine la compétition...

Eh oui. Bien sûr. Alors, le lendemain, tous les journalistes reprennent en disant : Le débat a tourné autour de ses propositions. Et pour cause ! On répondait aux questions qui étaient posées. Donc, ça, c’est un peu le côté décevant.

- Ca fausse le débat, d’après vous ?

- Disons que ça exaspère les gens comme moi qui n’aiment pas qu’on discute seulement de ça... Parce que, franchement, en plus c’était pas curieux comme questionnement. Par exemple, il y a des énormités qui sont dites en cours de route, personne n’arrête, personne ne relève...

- Par qui ?

- ... Notamment par Ségolène. Le Conseil des ministres qui se tient en public. N’importe quelle personne censée dit : Mais attendez, ça marche comment une histoire pareille ? Bon, ah non, là on ne dit rien. Ca passe comme ça.

Les jurys citoyens, il y a deux jours, c’étaient des jurys. Ils étaient populaires. Il s’agissait de contrôler les élus. Là, ça devient des jurys citoyens, et il s’agit d’aider par des contributions. Bon, voilà, on ne pousse pas plus. Pourquoi on est passé d’une chose à l’autre ?

Les camps militaires sont devenus des camps humanitaires, et en plus à l’étranger. Mais est-ce que vous entendez l’énormité que c’est ? Il s’agit de demander à l’armée d’emmener avec elle des jeunes Français délinquants à l’étranger pour les redresser. Tout ça est absurde.

- ... Vous critiquez les positions, les propositions de Ségolène Royal.

- Ah bien oui, c’est normal. Oui, oui, bien sûr.

- ... Parce que ça vous paraît être le plus important, aujourd’hui. Il s’agit de démontrer que Ségolène Royal a des faiblesses ?

- ... Parce qu’elle est en tête dans les sondages d’opinions sur des quantités, il est vrai, assez négligeables de sondés ; mais néanmoins, c’est une réalité. Et puis parce que nous devons quand même essayer de percer - c’est un débat - il faut percer pour nous le mur de l’image. Et ce mur de l’image, il est constitué de l’à peu près qui fait que vous n’êtes pas curieux. Hier soir, par exemple, Laurent Fabius a évoqué la question des primo-délinquants. Il est quand même incroyable que ce soit un mois après que cette proposition tout à fait fantaisiste d’après laquelle il fallait mettre au premier acte de délinquance, les Jeunes dans des camps encadrés par des militaires, que quelqu’un pose la question de savoir : combien ça faisait de monde ? Moi, j’ai fait cette recherche. On tombe sur 48.000 personnes. Ca revient à dire qu’on double la population carcérale du pays. Et il n’y a pas eu un seul journaliste pour poser la question depuis un mois. Bon.

Et là, hier, vous avez entendu des choses comme : dans les établissements, les enseignants vont choisir leurs collègues... Bon, ce qui veut dire que ça met par terre toute l’organisation du déroulement de carrière des enseignants ; mais non, ça ne gêne pas. On peut le dire comme ça.

- Pour vous, Jean Luc Mélenchon, Ségolène Royal raconte n’importe quoi ?

Non, non, non. Ah là, là, là, là... Pas du tout, c’est extrêmement construit. C’est extrêmement cohérent. Mais j’ai le droit de désapprouver. Je désapprouve formellement et je pense que, d’ailleurs. Je vous dis les choses franchement : plus elle s’exprime, et plus le fossé se creuse entre une catégorie, tout un secteur de la Gauche et ce qu’elle dit parce que ça nous pose des problèmes politiques, philosophiques, d’orientation politique extrêmement lourds. Pour moi, ce paternalisme social - parce que c’est du paternalisme social - qui nie toutes les instances de représentation, du fonctionnement de la démocratie représentative, c’est un très gros problème. Hier soir, nous avons entendu le slogan, le contrat plutôt que la loi. Mais ça, ce n’est plus la république française ; ça mes amis, c’est autre chose.

- Pour critiquer ses positions, Laurent Fabius a employé le terme de "populisme" contre Ségolène Royal. Ségolène Royal vous paraît-elle populiste ?

- Moi, j’ai du mal avec ce mot parce que je ne sais pas bien ce que ça veut dire. Si ça veut dire : être populaire. Moi, j’ai plutôt envie d’être populaire qu’impopulaire.

Ca ne veut pas tout à fait dire ça.

Non, je crois que dans le vocabulaire, j’ai regardé dans les dictionnaires pour voir qu’est-ce qu’on voulait dire avec ce mot. Ca veut dire une espèce de mise en cause des élites au nom d’un savoir, comme ça, spontané. Alors, on dit : "Le peuple ceci, le peuple cela..." Moi, j’emploie souvent l’expression "le peuple" et je suis très attaché à ça. Seulement, je dis aux mêmes (vous avez vu dans le référendum : moi j’ai confiance à l’idée que le peuple français était capable de comprendre un texte compliqué). Ce que je veux dire, c’est que nous devons faire attention, à ne pas tout bousculer en faisant semblant que tout va mal et ce n’est pas grâce à des consultations informelles en prenant des paquets de gens dans la rue qu’on va ...

Ségolène ferait bien de réfléchir elle-même au fait que la phrase d’après laquelle "les citoyens sont experts" et comme elle l’a dit une fois, "meilleurs que les experts eux-mêmes", elle devrait réfléchir que c’est très grave de dire ça parce qu’on répand une illusion dont elle-même a été victime. Tout à l’heure, on a parlé d’Outreau, qui se rappelle que lorsque les arrestations ont eu lieu, elle a dit par un sentiment qu’on peut parfaitement comprendre, qui était spontané, un élan d’horreur, elle a dit : il faut les mettre en prison, et vite...

Elle a dit ça, comme ça ? Elle était ministre à l’époque ?

Eh oui, mon ami ! Donc, vous voyez, il faut faire attention, quand même... Je veux dire par là...

Non, elle a dit... C’était quand elle était ministre qu’elle a dit ça ?

Je ne veux pas... Je crois me souvenir... Je ne sais plus très bien quelle année c’était, donc...

Le débat évolue, ceci dit. Ségolène Royal demeure favorite ; et celui qui paraît en position de la contester, peut-être de provoquer un deuxième tour contre elle, c’est Dominique Strauss-Kahn. Vous soutenez Laurent Fabius, Jean-Luc Mélenchon ?

Oui.

Pourriez-vous, pour éviter que Ségolène Royal ne remporte l’investiture, soutenir Dominique Strauss-Kahn ?

Je comprends ce que vous voulez dire, Monsieur Aphatie...

... Avant que je finisse la question, vous êtes très vif ce matin...

Je ne suis pas trop mauvais. Je suis de Gauche mais quand même, j’ai un peu fait des études... J’arrive à comprendre une phrase...

C’est pas mal.

Donc, non je n’ai pas envie de répondre à ça parce que moi, j’en sais rien...

Merci.

Vous me dites... Non, mais attendez Monsieur Aphatie, ne vous fâchez pas ! Vous me dites : il semble que... il semble que... Moi, je ne raisonne pas sur des apparences. Je raisonne sur le fond. Il y a trois lignes qui se confrontent : la ligne social-démocrate que représente Dominique Strauss Kahn, dont je pense qu’elle est en impasse dans toute l’Europe. Un jour, on en parlera de l’impasse de la social-démocratie. On a beaucoup parlé de la faillite du communisme d’Etat, jamais du problème de la social-démocratie européenne. Il y a la ligne sociale républicaine de Laurent Fabius et puis, y’a la ligne du paternalisme social. Donc, laissez-nous, s’il vous plaît Monsieur Aphatie, de grâce, laissez-nous aller au bout de ce débat ! Et puis, après on verra.

Donc, Jean-Luc Mélenchon, vous souteniez le "Non" au référendum, il y a un peu plus d’un an. Est-ce que vous êtes triste de voir que le camp du "Non" n’arrive pas à s’organiser ?

Oui, c’est très triste. Je vous remercie de le dire parce que c’est lamentable de voir ça. D’abord ça a commencé au Parti socialiste : les partisans du "Non" ont été incapables de s’entendre, ont refusé l’offre que nous avons fait avec Laurent Fabius de se regrouper. Aujourd’hui, la vie serait différente si on avait fait une motion commune du non, au congrès du Parti. Et puis, dans la société elle-même, ça me désole de voir que la Gauche qui a voté "Non" était incapable de faire une proposition cohérente. Les communistes font ce qu’ils peuvent pour arriver à formuler quelque chose qui tient la route ; mais pour le reste, j’ai des fois l’impression que l’on s’est fait prendre la main. Ca, ça me rend triste. Bon, enfin, la vie continue. C’est pas fini tout ça.

Jean Luc Mélenchon qui en a autant à dire sur les journalistes que sur les hommes politiques, était l’invité de RTL, ce matin...

Mais je ne suis pas le seul !

Bonne journée.


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