Congrès CGT de décembre 2009 : Rapport d’activité de la Commission Exécutive sortante

dimanche 6 décembre 2009.
 

Adopté à l’unanimité le 9 juin 2009

Les résolutions adoptées par le 48e congrès confédéral ont manifesté de fortes ambitions de justice, de démocratie et de progrès social, dans un contexte de mondialisation économique et financière porteuse d’inégalités et de régressions. Il s’agissait de contribuer à donner au syndicalisme la place et le poids dont les salariés ont besoin en France, en Europe et dans le monde ; d’agir pour changer le travail afin qu’ils et elles soient reconnus, respectés et entendus ; de situer son action dans une démarche de conquête de droits nouveaux reposant sur des valeurs de progrès humain et de démocratie sociale ; d’entreprendre une modernisation de l’outil syndical Cgt visant un décollage de la syndicalisation et une efficacité revendicative à la hauteur de ses ambitions.

Dans le présent rapport d’activité, la commission exécutive confédérale présente au 49e congrès son évaluation de la démarche entreprise pour avancer vers ces objectifs, des obstacles externes rencontrés, ainsi que des limites inhérentes à la vie interne de la Cgt.

1. C’est dans un contexte et un rapport de forces évolutifs que se sont situées les initiatives et interventions de la confédération

Un patronat actif pour déréglementer et remodeler le droit social

La France a subi une pression patronale permanente visant à modeler l’économie et la société sur les dogmes du libéralisme capitaliste. Marqué depuis 2003 par la stratégie de « refondation sociale » du Medef, le discours patronal dominant a stigmatisé l’ensemble des grands acquis sociaux comme autant d’erreurs historiques : sécurité sociale solidaire, Smic, retraite à 60 ans, durée du travail à 35 heures… Il a exigé d’affranchir l’entreprise du respect de la hiérarchie des normes, d’y décentrer la production des normes sociales afin d’en faire une variable d’ajustement dans la concurrence économique et commerciale mondialisée : « La liberté de penser s’arrête là où commence le code du Travail » (Laurence Parisot à l’Assemblée générale du Medef de janvier 2005).

Si des contradictions ont pu apparaître au sein des organisations patronales, toutes se sont retrouvées pour stigmatiser le niveau des cotisations sociales des employeurs et des prélèvements obligatoires. Cette pression permanente visant à réduire la part socialisée des salaires, a poussé à modeler l’ensemble des rapports sociaux sur l’individualisme, la concurrence et la précarité. Le grand patronat a même tenté de les faire admettre comme des valeurs humaines universelles ! « La vie, l’amour, la santé sont précaires. Pourquoi le travail échapperait-il à cette loi ? » (Laurence Parisot à l’Assemblée générale du Medef de janvier 2006). Il a stigmatisé les acquis sociaux comme autant de « rigidités du code du Travail » faisant obstacle à la croissance économique. Il n’a eu de cesse d’exiger la libéralisation des licenciements présentée avec cynisme comme un moyen de développer l’emploi.

Cela n’a pas empêché notre pays d’être marqué durant les trois dernières années par la vigueur des attentes sociales. Si l’idéologie patronale a pu semer des confusions dans l’opinion entre les charges pesant sur les entreprises et le besoin de financer la protection sociale par les richesses créées par le travail, les salariés ont manifesté un grand attachement à leurs acquis sociaux et, au-delà, de fortes attentes en matière de pouvoir d’achat des salaires, de protection des emplois, de réduction de la précarité et des injustices.

Un contexte politique aiguisé par l’élection, les objectifs et la méthode de Nicolas Sarkozy

C’est dans ce climat que se sont déroulées les élections présidentielle et législative de 2007. Le social s’est trouvé hissé au cœur des campagnes. Nicolas Sarkozy a été élu en se présentant à la fois comme le candidat de la rupture et celui du pouvoir d’achat et de la protection des salariés.

Candidat de la rupture, il a présenté un programme amplifiant une orientation libérale de l’économie et de la société. Face aux mises en garde adressées par la Cgt aux salariés, il n’a pas hésité à la faire huer dans les meetings de l’Ump, l’accusant de faire obstacle à la prétendument nécessaire normalisation de la France dans le monde occidental. Le patronat a pu ainsi saluer son élection comme sa victoire.

Candidat autoproclamé de la protection des salariés, son discours a pu séduire certains et il s’en est suivi au fil du temps une grande désillusion au vu de la politique réellement menée. Certes pour la Cgt, la déception n’est pas de mise, la priorité étant pour elle la création d’un rapport de forces revendicatif. Les promesses politiques du candidat Sarkozy voulaient faire écho à de réelles attentes sociales, elles ont en fait contribué à renforcer l’urgence et la crédibilité des revendications.

Pour autant, l’action syndicale s’est trouvée confrontée à une pratique inédite de l’exercice du pouvoir présidentiel, reposant sur une centralisation et une personnalisation sans précédent de la vie politique sur fond de contrôle de la communication, imposant au pays un rythme accéléré des réformes, faisant pression sur le déroulement des négociations nationales interprofessionnelles pour orienter le contenu des accords vers ses objectifs politiques et tentant d’étouffer le débat démocratique dont l’intervention syndicale est partie prenante.

Dans cette situation et jusqu’à la fin de l’année 2008, le syndicalisme français n’a pas su s’unir durablement à travers une démarche de riposte unitaire, malgré la portée considérable du succès obtenu en 2006 avec l’abandon du Contrat première embauche (CPE) et les efforts de la Cgt pour poursuivre le rassemblement des syndicats. Ainsi le pouvoir a-t-il pu opérer quelques régressions économiques et sociales (loi Tepa et son bouclier fiscal, privatisation de Gaz de France, déréglementation de l’aménagement du temps de travail, réforme générale des politiques publiques, franchises médicales…). Malgré tout, les actions revendicatives menées n’ont pas permis au gouvernement d’aller jusqu’au bout de certaines de ses réformes (service minimum, fichier Edvige…) ou l’ont contraint à céder des contreparties (réforme des régimes spéciaux).

Les élections prud’homales de décembre 2008 ont bousculé le paysage syndical

La place de premier syndicat français occupée par la Cgt s’est trouvée considérablement renforcée, les salariés l’ayant créditée d’un nombre de suffrages de moitié supérieur à celui de la Cfdt et de deux fois celui de Fo. Elle enregistre un progrès d’audience dans tous les collèges, et sur la quasi-totalité des départements alors que les milieux gouvernementaux et patronaux escomptaient une poursuite de l’érosion de son électorat. Ce résultat est à mettre à l’actif du progrès de son image et de son activité revendicative auprès des salariés, ainsi qu’à la campagne de terrain dans laquelle se sont investis les militants. Les résultats de ce scrutin sont autant d’encouragements à poursuivre la démarche syndicale déployée par la Cgt. Ils confèrent à la Cgt de plus grandes responsabilités au sein du syndicalisme français.

Un contexte international tendu et contradictoire

La situation internationale a été marquée par une politique militaire agressive des États-Unis au Moyen-Orient, en Irak et en Afghanistan. Menée au nom de la lutte contre le terrorisme, elle ne fait en réalité que dégrader l’image des pays occidentaux dans de nombreuses régions du monde, alimentant les mouvements extrémistes sur fond d’extension de la misère et d’absence de perspectives. Le gouvernement israélien a mis ce climat à profit pour mener des opérations de guerre meurtrières au Liban et à Gaza, dans l’objectif avoué de refuser au peuple palestinien le droit à un Etat indépendant.

L’élection de Barak Obama à la présidence de la première puissance mondiale a répondu, dans ce pays comme dans de nombreux autres, à de fortes attentes de changement.

2. La crise du capitalisme mondialisé

Une situation nouvelle s’est créée fin 2008 avec l’effondrement du système financier mondial et l’entrée de très nombreuses économies dans une récession d’une gravité historique. L’ampleur des plans de sauvetage des banques et des institutions financières mis en œuvre aux États-Unis et en Europe, a sévèrement pris à revers les campagnes visant, en France, à culpabiliser les salariés sur l’importance des déficits publics et sociaux et à rejeter leurs revendications sous prétexte que « les caisses sont vides ». S’est largement développé parmi eux un puissant sentiment d’injustice et de refus de payer la facture de la crise, que ce soit par les suppressions d’emplois, la non-revalorisation des salaires ou la réduction d’acquis sociaux.

En réponse, grâce à l’action persévérante de la Cgt pour un syndicalisme rassemblé, l’unité syndicale la plus large s’est construite à partir de janvier 2009. Elle a créé les conditions de mobilisations exceptionnelles, sur la base de la déclaration revendicative commune du 5 janvier 2009, au contenu offensif sur les salaires, l’emploi, les services publics, l’introduction de normes sociales dans les échanges internationaux.

Le pouvoir politique a tenté de se dédouaner en incriminant le comportement des banques d’affaires américaines. Mais il n’avait lui-même cessé de louer le libéralisme anglo-saxon, paré des vertus de l’efficacité et du dynamisme économique, et l’avait présenté comme modèle pour la France. Le patronat a tenté de se faire passer lui-même pour victime d’une crise financière mondiale venue d’ailleurs. C’est faire peu de cas du rôle déterminant joué par les groupes et grandes entreprises cotés en Bourse dans la financiarisation de l’économie. Leurs profits ont été massivement investis dans des opérations spéculatives et les dividendes versés aux actionnaires ont été multipliés par trois en dix ans et par huit en vingt ans, atteignant en 2007 un niveau supérieur aux investissements. Ils sont aussi supérieurs aux cotisations sociales des employeurs et impôts sur la production réunis et constituent de fait la première charge pesant sur les entreprises.

Les groupes ont été restructurés en centres de profits, des relations clients-fournisseurs instaurées entre filiales et services, la production organisée en réseaux de sous-traitance. Ont été mis en place de scandaleux modes de rémunération des dirigeants liant leur enrichissement personnel à la hausse de la valeur boursière de l’entreprise, fût-ce au détriment de l’emploi, des conditions de travail et des salaires. Depuis le début de la décennie 1990, ces options stratégiques ont déporté l’entreprise d’une finalité productive vers une finalité financière au prix d’une grave dévalorisation du travail.

Cette crise est loin de résulter uniquement d’un déficit de contrôle et de régulation du capitalisme mondial. Elle trouve sa source dans un partage des richesses qui, depuis deux décennies, a privilégié de façon outrancière le capital au détriment du travail, tant dans la répartition des revenus que dans celle du pouvoir économique. Les institutions internationales OMC, Banque mondiale, FMI, ont contribué à cette orientation. L’OMC a impulsé la libéralisation du commerce international, souvent au détriment des pays en voie de développement et de leurs travailleurs. Le FMI, au travers de sa politique de prêts sous conditions, a entraîné la mise en cause de services publics et de garanties sociales.

Il en a résulté, en France comme dans le monde, une aggravation importante des inégalités, vécues comme des injustices humainement inacceptables, que la crise a en outre révélées comme des impasses économiques. Trop de capitaux pour la spéculation, trop peu de salaires pour la consommation, des ressources amputées pour l’investissement dans un développement social et durable ! On a voulu faire apparaître le crédit aux particuliers comme un substitut de la revalorisation salariale pour soutenir la consommation ; les taux pratiqués, quasi usuriers, ont en fait révélé que l’économie dite "de marché" entend tirer profit non seulement du travail, mais aussi de la vie.

Avec l’accroissement des suppressions d’emplois et le non-renouvellement des contrats précaires, cette situation a engendré de nouveaux drames humains et appelé le syndicalisme à remplir sa fonction de défense des salariés.

Mais en soulevant les questions les plus fondamentales sur le fonctionnement et la nature du capitalisme, elle a aussi redimensionné sa fonction de conquête sociale. La Cgt s’est employée à l’assumer par la construction d’un rapport de forces nouveau, unitaire et durable.

3. L’animation des luttes de conquêtes sociales

La Cgt s’était prononcée au 48e Congrès pour un syndicalisme acteur essentiel de solidarités et de conquêtes sociales, par l’action et la négociation, la proposition et la négociation, l’union et le rassemblement. C’est cette démarche que la confédération s’est employée à mettre en œuvre dans tous les domaines.

C’est notamment ce qui l’a guidée dans les négociations nationales interprofessionnelles. Elle a cherché à obtenir des positions syndicales communes face au patronat, tant pour contester ses projets que pour obtenir des avancées sociales. Les textes d’accord ont systématiquement fait l’objet d’une appréciation de la Commission exécutive et d’une consultation du Comité confédéral national. Certains ont été signés par la Cgt, d’autres désapprouvés.

La Cgt a impulsé une démarche de conquête en matière de salaire, de pouvoir d’achat, notamment dans le cadre des négociations annuelles obligatoires. Elle s’est située au premier rang des forces revendiquant la revalorisation des salaires comme l’une des réponses essentielles à la crise. Cela a déjà permis quelques succès revendicatifs appréciables dans certaines entreprises. Les actifs et les retraités ont exprimé leurs exigences avec beaucoup plus de force. Le patronat et le gouvernement ont beaucoup moins de prise pour opposer salaire et emploi.

L’emploi, menacé par l’ampleur de la crise, est resté une préoccupation majeure des salariés. La Cgt a animé les luttes contre les plans sociaux, les licenciements, les délocalisations. Auprès des pouvoirs publics et du patronat, elle a revendiqué l’instauration d’une véritable politique industrielle et, pour s’en donner les moyens,d’un pôle public de financement ; des droits économiques plus étendus permettant, via les comités d’entreprise, l’intervention des salariés sur les stratégies des entreprises, et notamment un droit de suspension des plans de suppressions d’emplois ; l’instauration d’une sécurité sociale professionnelle comme alternative aux licenciements. Si le rapport de forces créé par la mobilisation donne crédit à ces revendications, la réponse revendicative aux restructurations se focalise encore trop souvent et trop vite sur le niveau d’indemnisation des licenciements.

Nous ne sommes pas en outre parvenus à obtenir la mise en place d’un véritable service public de l’emploi, de l’orientation et de la formation professionnelle. Le gouvernement a mis en place Pôle Emploi en vue de limiter les moyens du service public et d’accroître le recours aux opérateurs de placement privés, de limiter la place des instances paritaires pour réduire les moyens de l’intervention syndicale. L’accroissement actuel du chômage confirme le manque d’effectifs dans le service public de l’emploi.

La Cgt a créé les conditions de débats et mobilisations pour défendre et promouvoir la santé des salariés, l’égalité d’accès aux soins, le service public de la santé et la protection sociale solidaire. Elle l’a fait sur les questions et de la retraite du régime général et de la retraite complémentaire, de la réparation de la pénibilité, de la santé au travail, de l’organisation du système de santé et de la couverture sociale. Cette démarche s’est heurtée à l’offensive du patronat et du gouvernement sur le thème « travailler plus » et contre les fondements du système de protection sociale solidaire.

Le rapport de forces n’a pas encore permis d’obtenir l’instauration d’un dispositif de reconnaissance des pénibilités ni d’empêcher l’instauration des franchises médicales, mais il a permis le maintien de l’âge de départ à la retraite dans les régimes Arrco et Agirc. Les enjeux de la santé et de la protection sociale, portés dans les mobilisations interprofessionnelles et intergénérationnelles, restent insuffisamment articulés à travers les démarches revendicatives dans les entreprises, et pour la prise en charge de la perte d’autonomie.

Il se poursuit aussi pour gagner l’idée que le financement de la protection sociale solidaire n’est pas une charge pour les entreprises ni pour l’État-employeur, mais un atout économique valorisant le travail et créateur d’emplois.

La Cgt a mené une action soutenue pour l’égalité entre les femmes et les hommes. La Charte pour l’égalité dans la Cgt pousse à intégrer dans chaque dossier revendicatif sa dimension féministe : droits à la retraite, soutien à l’action dans la grande distribution, revalorisation des salaires, lutte contre le temps partiel imposé ou le travail le dimanche, propositions lors de la Conférence sur l’égalité professionnelle et salariale entre les femmes et les hommes.

Cet engagement a favorisé l’investissement des syndicats dans des actions juridiques contre les discriminations subies par les femmes dans le travail, pour engager des négociations sur l’égalité professionnelle. Mais la Cgt reste handicapée par une présence encore insuffisante des femmes dans les directions syndicales. Cela peut, en partie, expliquer notre difficulté à obtenir du Premier ministre une loi pour sanctionner les employeurs qui refusent de négocier pour réduire les écarts de salaires.

La Cgt a joué un rôle décisif dans la lutte pour la régularisation des travailleurs sans papiers. Elle a, avec eux, montré que les politiques de stigmatisation des immigrés conduisent en réalité à nier les droits fondamentaux de milliers de travailleurs, à fermer les yeux sur des situations de surexploitation frisant l’esclavage et à créer les conditions d’un dumping social éhonté.

Dans ce mouvement social inédit, la Cgt a permis de fonder la solidarité sur la demande de droits pour tous et l’intérêt partagé d’agir ensemble contre un patronat sans loi. La régularisation obtenue de nombreux travailleurs sans papiers a fait reculer son caractère exceptionnel et la politique sécuritaire du président de la République.

Si certaines tentatives d’instrumentalisation politique de leurs luttes ont parfois compliqué l’action revendicative de la Cgt, les succès revendicatifs ont reposé sur une démarche de mobilisation, de syndicalisation et d’organisation des travailleurs sans papiers par eux-mêmes (environ 1500 adhésions et des créations de bases syndicales), de solidarité avec les autres salariés, de convergences avec des mouvements associatifs. La Cgt a mis à profit les dispositions de la loi Hortefeux faites pour le patronat autorisant la régularisation des travailleurs sans papiers des filières dites « en tension ». On estime entre 300 000 et 400 000 le nombre de travailleurs sans papiers. Leur régularisation est une exigence.

Début 2009, dans les pays d’outre-mer (Guadeloupe, Martinique, Réunion, Guyane) par vagues successives, les salariés et la population de ces territoires se sont mis en mouvement pour leurs droits à la dignité et à la justice sociale. La crise, la baisse du pouvoir d’achat, la hausse des prix et du chômage ont fédéré les populations contre un pouvoir de type colonial qui maintient ces territoires dans une marginalisation entretenue depuis des décennies.

En lien étroit avec les centrales syndicales de ces territoires, la Cgt a apporté son soutien actif en popularisant leurs luttes, en intervenant auprès du président de la République et du gouvernement, en appelant et en participant aux manifestations de soutien en France, en organisant et exprimant la solidarité notamment à l’occasion de l’assassinat de J. Bino, militant de la Cgtg.

4. L’action pour un syndicalisme rassemblé

La conception de syndicalisme rassemblé portée par la Cgt a été confortée lors du succès obtenu par le syndicalisme étudiant, lycéen et salarié dans la lutte contre le Cpe et le Cne. Depuis, le débat sur cet enjeu a été alimenté par la recherche et la mise en pratique de l’unité dans les entreprises, les professions et au niveau interprofessionnel. L’offensive libérale du patronat et du gouvernement, l’ampleur prise par la crise économique, ses conséquences sociales, ont renforcé l’opinion des salariés sur le caractère incontournable de l’unité d’action syndicale.

Celle-ci est perçue par eux comme l’une des conditions premières à remplir pour obtenir le maximum d’efficacité lors des mobilisations revendicatives. Le rassemblement à partir de janvier 2009 des huit organisations syndicales nationales s’est traduit par des mobilisations d’une ampleur rarement atteinte. Le soutien de l’opinion aux mobilisations a souvent été massif, l’utilité de l’intervention syndicale a progressé dans les consciences.

La Cgt a joué un rôle central dans cette construction unitaire en valorisant tout ce qui fait convergence et en refusant de globaliser des désaccords. Elle a rejeté toute logique de blocs opposant artificiellement un prétendu « syndicalisme radical » à celui qui négocierait. Ainsi, après la signature de la position commune par la Cgt et la Cfdt sur la représentativité syndicale, elle a refusé d’entrer dans le climat de divisions et de tensions entretenu par d’autres syndicats pour marquer leur hostilité à cette réforme. Au contraire, elle s’est adressée à tous sans exclusive pour situer la responsabilité du syndicalisme dans son ensemble dans la situation de crise : permettre aux salariés d’exprimer leur refus de payer les dégâts de la crise et construire un socle de réponses revendicatives communes.

Cependant les causes des difficultés rencontrées pour rassembler le syndicalisme, identifiées dans le document d’orientation du 48e Congrès, n’ont pas toutes disparu. Toutes les organisations n’ont pas la même conception du rôle de la négociation, des revendications à y porter, de l’articulation entre la responsabilité syndicale et l’intervention des salariés. La contradiction entre la véhémence de discours de certaines organisations et leurs pratiques syndicales concrètes n’aide pas à la dynamique unitaire.

Ce constat implique de poursuivre sans relâche et de gagner partout le débat sur les défis posés au syndicalisme, sur ce que les salariés attendent de lui au regard des enjeux sociaux et économiques actuels, de lever les réticences qui demeurent sur l’utilité du rassemblement du syndicalisme dans notre propre organisation, qui ont pu constituer des freins à la mobilisation.

Les attentes exprimées par les salariés vis-à-vis du syndicalisme dans un contexte où les contradictions entre le capital et le travail se dévoilent au grand jour, sont pour la Cgt un facteur favorable à l’ancrage de la démarche de syndicalisme rassemblé.

5. La Cgt a pris toute sa place dans le syndicalisme européen et international

Dans la Confédération européenne des syndicats

L’engagement de la Cgt dans la Ces a dix ans. durant ces trois dernières années, il a visé la mise au point d’objectifs revendicatifs communs au niveau européen, le développement d’une démarche d’action et d’intervention collective et le renforcement de la Ces comme outil décisif pour atteindre ses objectifs.

Ces trois années ont été rythmées par des euromanifestations à Bruxelles, Ljubljana, Strasbourg, pour mettre en échec la directive sur les services dite "Bolkestein", rendre contraignante la charte des droits fondamentaux, refuser le dumping social, défendre les salaires, mettre en échec la révision actuelle de la directive "temps de travail". Soulignons que les luttes ont amené le Parlement européen à rejeter le texte de la Commission.

La Cgt s’est efforcée de réaliser une démarche unitaire des organisations syndicales françaises en direction des eurodéputés et du gouvernement français pour appuyer ces actions, en impulsant et en soutenant les initiatives en faveur d’une reconnaissance des services publics en Europe, en revendiquant une directive cadre pour les services d’intérêt général, en faisant signer la pétition de la Ces sur cette question.

La Cgt a participé activement au débat sur la flexisécurité refusant que celle-ci se traduise par plus de flexibilité pour les salariés. Le donnant-donnant ne peut se traduire que par un recul pour ces derniers.

La Cgt, avec la Ces, a condamné les derniers jugements de la Cour européenne de justice qui donnent la prépondérance aux droits économiques sur les droits sociaux et fondamentaux des travailleurs. La révision de la directive "détachement"s’impose : « Les salaires, les conditions de travail et la protection sociale doivent être identiques pour un travail de même valeur sur le même lieu de travail et sur le même territoire. » Néanmoins, avec d’autres syndicats européens, la Cgt a exprimé son désaccord sur la manière dont la Ces a discuté et approuvé la directive sur les comités d’entreprise européens.

Au mois de mai 2009, la Cgt s’est engagée pour la tenue et la réussite des quatre euromanifestations exigeant que la crise ne soit pas facturée aux salariés européens et pour la construction d’une europe sociale.

Pendant ce mandat, la Cgt s’est efforcée d’associer étroitement ses organisations aux réflexions, prises de décisions, comme elle l’a fait notamment avec la révision de la directive sur les comités d’entreprise européens.

Les résultats des élections européennes du 7 juin 2009 se sont caractérisés, en France comme dans la plupart des pays, par une forte abstention de l’électorat. L’absence de construction d’une Europe sociale et les politiques libérales menées par les institutions européennes suscitent davantage le désintérêt que l’adhésion. Cette situation conduit paradoxalement au renforcement de la droite au sein du Parlement européen. Cela rehausse le besoin de solidarités, de construction et d’actions revendicatives au niveau européen.

Dans la Confédération syndicale internationale

La Csi a été créée en novembre 2006 à Vienne. Elle a été l’aboutissement d’un processus de réflexions, de débats au niveau international où la Cgt a pris toute sa place. Le Ccn de septembre 2006 a approuvé à une large majorité l’adhésion de la Cgt à la Csi. C’est une nouvelle étape pour un syndicalisme international renforcé et plus unifié après soixante ans de divisions.

Dès sa création, la Cgt y a été active, impulsant et participant aux appels de la Csi pour des campagnes de solidarité et de luttes contre les atteintes aux libertés, les répressions syndicales ; aux actions de solidarité, pour l’égalité des genres et la reconnaissance des droits des femmes et de leur place dans le syndicalisme et la société ; aux initiatives pour peser sur les problématiques de la mondialisation libérale et pour la réorienter au service de l’humain.

La Journée mondiale pour le travail décent, le 7 octobre 2008, a été un moment important de l’action de la Csi et de ses affiliés. Elle a connu un premier succès dans le monde avec des initiatives diverses dans plus de 130 pays. Cette première action mondiale coordonnée en appelle d’autres.

En France, elle s’est concrétisée par un rassemblement unitaire et européen au Trocadéro, la Cgt organisant l’articulation entre une journée nationale d’action face à la politique de Sarkozy et l’action mondiale. Certes, certains affiliés de la Csi ont refusé de participer à la journée d’action. Il a aussi fallu discuter, dans la Cgt, des incompréhensions de certains syndicats sur la portée de cette action mondiale et de l’insuffisance de leur mobilisation.

La Cgt a poursuivi sa participation aux forums sociaux européens et mondiaux favorisant les échanges avec d’autres syndicats européens et du monde, des Ong et la société civile, pour promouvoir une société plus juste, plus solidaire, pour l’égalité entre les peuples et affirmer qu’« un autre monde est possible ».

La Cgt a également poursuivi ses relations et ses projets bilatéraux avec certaines organisations syndicales d’Europe et du monde, qu’elles soient membres ou non de la Csi, au moment où le capitalisme mondial traverse une crise financière, économique, sociale et environnementale d’une profondeur sans précédent depuis la Seconde Guerre mondiale.

6. L’animation des grandes ambitions de démocratie et de progrès économique et social

La décision du 48e Congrès de procéder à l’élaboration et à l’actualisation des repères revendicatifs a été mise en œuvre. Sur proposition de la Commission exécutive, le Ccn a débattu, adopté et actualisé l’ensemble des repères qui constituent des références et points d’appui pour la construction revendicative des organisations, des syndicats et des salariés.

Le nouveau statut du travail salarié

Nous avons affirmé au 48e Congrès que la sécurité sociale professionnelle et le nouveau statut du travail salarié étaient des revendications « brevetées Cgt ». De fait, si ce concept a été repris et utilisé par beaucoup d’acteurs, y compris pour habiller une « flexisécurité » à la française, il peine à trouver une traduction concrète en termes de droits nouveaux pour les salariés.

Les journées d’étude et forums organisés par la Confédération en 2007 et 2008, concrétisés par la publication d’une plaquette et la mise à jour des repères revendicatifs, ont permis à la Cgt d’enrichir ses propositions et de décliner l’exigence de ce nouveau statut en termes de droits : droit à l’emploi, droit à une carrière, droit à la formation continue…

Attacher des droits à la personne du salarié plutôt qu’à la nature de l’employeur, favoriser une continuité et une progressivité de carrière pour chaque individu, prévoir des financements mutualisés de la part des entreprises, sont des concepts que la Cgt a portés dans chacune des grandes négociations interprofessionnelles de la période. Elle les a fait grandir dans le débat public comme un ensemble cohérent de propositions apportant des réponses aux attentes sociales générées par les mutations de la production et de la société. Des avancées concrètes ont été acquises, notamment en termes de transférabilité de droits (formation, prévoyance). L’avis du Conseil économique et social du 29 mai 2007 a prôné la sécurisation des parcours professionnels.

La réforme de la représentativité

L’exigence de démocratie sociale constituait l’un des piliers forts de nos orientations ; le 48e Congrès s’est prononcé « pour la reconnaissance de la représentativité réelle des syndicats » et « la validation majoritaire des accords », formalisant des revendications de démocratie sociale nées durant la décennie précédente.

En novembre 2006, la Cgt a joué un rôle déterminant dans l’avis adopté par le Conseil économique et social, préconisant de fonder la représentativité sur le vote des salariés, afin de donner une légitimité incontestable aux acteurs de la négociation collective. Le Medef et la Cgpme ont mené un véritable tir de barrage contre cet avis, afin de faire perdurer le droit patronal de conclure des accords minoritaires au rabais, voire dérogatoires.

Sans tarder, en décembre, Cgt et Cfdt ont rendu public un positionnement commun indiquant les modalités par lesquelles cette représentativité pourrait se mesurer à partir du résultat des élections professionnelles dans l’entreprise.

En 2008, le patronat a dû accepter que s’ouvre une négociation sur le sujet, le Medef se trouvant de surcroît affaibli par le scandale de la caisse noire de l’Uimm. C’est ainsi qu’a abouti la position commune du 9 avril 2008, signée par la Cgt, la Cfdt, le Medef et la Cgpme, qui a servi de socle à la première partie de la loi du 20 août 2008.

Dans la Fonction publique, l’accord du 2 juin 2008, signé par Cgt, Cfdt, Fsu, Unsa, Solidaires et Cgc, reprend une logique similaire. Il est en voie de transposition dans la loi.

Malgré ses limites et quelques chausse-trappes, la loi acte une première rupture avec des pratiques patronales de négociation établies depuis plus de cinquante ans qui visaient à choisir des interlocuteurs syndicaux privilégiés pour contourner l’influence de la Cgt parmi les salariés. Elle va dans le sens de la reconnaissance de la négociation collective comme un droit des salariés exercé par les syndicats. En incitant les pratiques syndicales à se tourner vers la consultation des salariés, elle rapproche la représentativité institutionnelle de la représentativité attendue par les salariés, donnant plus de crédit et de force aux appels à la syndicalisation.

Il faut souligner que la position commune avait rejeté les demandes du Medef et de la Cgpme de troquer l’avancée de la démocratie sociale contre l’extension de la négociation d’accords d’entreprise dérogatoires au code du Travail. Néanmoins, le gouvernement a refusé de s’en tenir au texte négocié et a ajouté à la loi une seconde partie procédant à une grave déréglementation des dispositions relatives à l’aménagement du temps de travail. Devant les parlementaires, le ministre du Travail Xavier Bertrand a qualifié la position commune de statu quo en matière de temps de travail, et lui a opposé le programme politique du président de la république condamnant les « 35 heures ». Il a ainsi assumé la responsabilité politique de fouler aux pieds la démocratie sociale. La cgt a déposé une plainte contre le gouvernement français auprès du Conseil de l’Europe à propos de dispositions de la loi d’août 2008 sur le temps de travail.

La dimension économique de la démocratie sociale

La bataille pour de nouveaux droits individuels et collectifs a constitué l’autre volet de nos actions en matière de démocratie sociale. L’intensification de la crise a conduit la Cgt à mettre en avant tout particulièrement l’exigence de droits nouveaux pour les comités d’entreprise en matière de restructurations, de plans sociaux ou de conditionnement des aides publiques. Si les pouvoirs publics ont pris une première mesure très timide (l’obligation d’informer le comité d’entreprise des aides publiques perçues par l’entreprise), l’acharnement patronal à refuser toute possibilité d’intervention des salariés dans les processus de décision de l’entreprise souligne l’affrontement qui se manifeste sur cette question et le besoin d’élever le rapport de forces dans ce domaine.

La lutte contre les discriminations et pour l’égalité des droits

Notre combat permanent contre toutes les formes de discrimination s’est poursuivi. Si le droit communautaire offre un important panel de ressources pour lutter contre les discriminations, il n’en demeure pas moins que celles-ci perdurent au sein des entreprises.

C’est vrai pour la place des femmes au travail et dans la société. Le collectif « Femmes-Mixité » confédéral a incité les organisations à agir pour la conquête de droits à l’égalité en s’appuyant sur les textes nationaux et internationaux. Ces actions commencent à porter leurs fruits.

Les actions contre les discriminations syndicales ont également permis d’obtenir des réparations importantes pour des militants. Alors que la crainte des représailles de l’employeur constitue le premier obstacle à la syndicalisation, ces succès sont des points d’appui pour empêcher d’autres discriminations et contraindre le patronat à des négociations. L’accord national interprofessionnel « diversité » signé en décembre 2006 est aussi un point d’appui important pour la lutte contre toutes les discriminations et pour gagner l’égalité.

La Cgt a organisé de grandes initiatives nationales pour la commémoration de la fin de l’esclavage.

La Cgt contribue à la lutte contre les préjugés et les discriminations liées à l’orientation sexuelle et à l’identité de genre, notamment en participant chaque année à la marche des fiertés.

Lors de dernières élections prud’homales, nous avons une nouvelle fois exigé l’éligibilité des salariés étrangers.

En 2008, l’ampleur de la mobilisation citoyenne contre le fichier Edvige a payé. Cela a contraint le gouvernement à reculer et à revoir sa copie. Plus de 200000 signatures ont été récoltées par le collectif « non à Edvige ».

La défense et la promotion des services publics

La poursuite des privatisations et de la déréglementation des entreprises publiques, la « révision générale des politiques publiques » ont conduit à affaiblir le service public, rendant plus difficile l’accès à des services essentiels. Nombreux sont les secteurs qui ont fait les frais de la politique visant à soumettre aux lois du marché les activités économiques répondant aux besoins fondamentaux, à donner la primauté aux objectifs financiers, à mettre en concurrence les salariés du public et du privé.

Portant la place et le rôle des services publics comme un fort enjeu de société, de nombreuses luttes se sont construites sur tout le territoire avec l’implication confédérale (fusion Gdf-Suez, privatisation de La Poste, service public de l’audiovisuel, loi Bachelot, etc.).

Les réformes dans l’enseignement répondent à une conception régressive de l’École et contribuent à aggraver les inégalités. Celles concernant la recherche et particulièrement la réforme Pécresse visent un pilotage managérial des établissements selon une logique d’entreprise. Elles ont fait l’objet de multiples actions et manifestations afin de lutter contre les suppressions d’emplois et le démantèlement des grands organismes de recherche. Une journée d’étude confédérale s’est tenue en 2009 pour contribuer à l’action contre les difficultés et les inégalités scolaires et sociales.

Le logement est le premier poste de dépenses des familles. Les prix à l’achat ont doublé depuis l’an 2000, et les loyers ont suivi cette escalade. Pour rendre effectifs le droit et l’accès au logement pour tous, la Cgt a défendu ses propositions face à la loi Boutin, particulièrement l’exigence de production et de financement de logements sociaux. Elle a contribué à la défense du 1% logement en négociant et signant l’accord national interprofessionnel du 27 septembre 2008.

Pour une véritable politique industrielle et de développement durable

Suite à la rencontre de Villepinte en 2004, la Cgt a poursuivi son activité revendicative pour une véritable politique industrielle, s’appuyant sur une revalorisation du travail et des qualifications, la place des territoires et la dimension européenne. Cinq propositions innovantes ont été mises au débat et elles ont servi de support au lancement de la campagne Cgt pour une vraie stratégie industrielle. Prenant appuis sur des initiatives régionales, une rencontre d’un millier de militants s’est déroulée le 11 juin 2009.

La Cgt est intervenue pour imposer aux entreprises d’assumer leur responsabilité sociale par l’adoption de dispositions contraignantes. Notamment, elle a exigé la mise en place d’un système de contrôle des aides publiques.

La Cgt a été porteuse d’exigences fortes au Grenelle de l’environnement, dans une conception liant le travail, le social et l’environnemental. Elle a fait acter au Grenelle le principe du droit d’intervention des salariés sur les questions environnementales. La compétence des Chsct sur ces questions n’a toutefois pas été reprise dans la loi. La démarche de la Cgt a permis de construire des convergences fructueuses entre les Ong et les syndicats, qui se sont traduites par des déclarations et initiatives communes pendant et après le Grenelle.

7. L’impulsion d’une démarche de syndicalisation

Au 31 mai 2009, les règlements de cotisations 2007 effectués par les syndicats à Cogetise s’élèvent à 638000. Ils ne prennent pas en compte quelques organisations n’ayant pas encore concrétisé leur décision d’entrer dans le nouveau système de répartition des cotisations, qui annoncent 16 000 Fni à régler. La Confédération estime donc le nombre de syndiqués Cgt à 654 000.

Depuis le congrès de Lille, la confédération a tenu des rendez-vous hebdomadaires de syndicalisation, a mis à disposition des matériels de communication, a organisé des temps forts confédéralisés de syndicalisation. Elle a engagé un Tour de France visant un engagement opiniâtre des organisations professionnelles et interprofessionnelles sur cet enjeu. Il a permis de réunir plusieurs milliers de militants qui ont mis en place des plans de travail et des dispositifs.

Les secteurs où notre taux de syndicalisation est le plus élevé sont ceux où les effectifs salariés déclinent. Et les secteurs en croissance d’emplois restent ceux qui ont le taux de syndicalisation le plus faible. ce constat s’étend aussi à la fonction publique. Cette tendance est démontrée par les chiffres Cgt 2007 et 2008, et l’animation de la campagne prud’homale de décembre 2008 a confirmé ce constat.

Le Ccn de mai 2008 s’est penché sur les conditions du renforcement, analysant « que nous n’avons ni les forces organisées, ni une organisation de la Cgt nous permettant d’atteindre nos ambitions revendicatives. Pour autant, nous ne pouvons pas seulement prétendre d’être une force de résistance face aux attaques gouvernementales et patronales. Mais, un défi nous est posé. »

Cet état de faits montre le décalage important et qui va croissant entre notre structuration et les dynamiques d’évolution du salariat, la présence de la Cgt n’assurant le contact qu’avec un peu plus du quart des salariés.

La continuité syndicale n’est pas suffisamment assurée lors du passage de l’activité à la retraite ou à l’occasion des évolutions de situation professionnelle des syndiqués actifs.

Et pourtant, le potentiel de syndicalisation est important : des salariés viennent frapper à la porte de la Cgt, des bulletins d’adhésion sont envoyés par Internet – mais on estime à 20% seulement le nombre de ces demandes d’adhésion réellement concrétisées dans un syndicat – des plans de travail sont mis en place avec des ciblages particuliers faisant progresser le travail commun entre professions et territoires.

Tous les sondages réalisés depuis quelques années mettent en évidence le fait que les salariés font confiance au syndicalisme et que la Cgt est la seule force reconnue par les salariés alliant contestation, revendication et proposition.

8. Vie syndicale

Afin de gagner une meilleure prise en compte de la Charte de la vie syndicale (adoptée au 47e congrès confédéral), un Tour de France a été engagé dans les années 2008 et 2009.

Cela a permis de faire un état des lieux de nos pratiques, mais surtout de proposer quelques pistes de transformations pour nous aider dans nos objectifs de conquêtes et, par le biais de collectifs de vie syndicale, de se fixer des objectifs concrets partagés par syndicats, unions locales et départementales, voire aussi fédérations.

La Charte de l’égalité entre les femmes et les hommes, adoptée le 31 mai 2007, procède de cette logique. Elle appelle à combler le décalage entre la place que les femmes occupent dans le salariat et dans la Cgt, à la fois en termes de syndicalisation et de prise de responsabilité. En révélant une proportion de 40% de femmes parmi les nouveaux syndiqués en 2009, les statistiques issues du CoGiTiel sonnent comme les premiers succès de cette démarche.

La Charte des élus et mandatés a été adoptée le 24 avril 2008. Elle est fondée sur le principe de la démocratie syndicale. Pour autant, elle n’est pas encore le bien commun de toute l’organisation. Des questions restent à approfondir et elle aura besoin d’être actualisée.

S’agissant de l’accès à la formation syndicale, une réflexion s’est engagée avec les différentes structures de la Cgt. Tout le monde s’accorde à dire que la formation syndicale est un outil nécessaire et doit devenir une priorité. Dans les faits, cela s’avère plus compliqué car elle est souvent laissée à desdits "spécialistes". Depuis mars 2008, un état des lieux plus précis sur l’existant (stages départementaux, fédéraux, régionaux, confédéraux) a été réalisé afin de mieux cerner les besoins et d’évaluer l’offre de formation Cgt dans sa diversité. Par manque de moyens humains, matériels, de temps, …, les nouveaux syndiqués n’ont pas toujours la possibilité de suivre une formation d’accueil et attendent souvent une longue période avant d’enclencher leur cycle de formation.

La publication d’un mensuel confédéral compris dans la cotisation a compté parmi les décisions marquantes du 48e congrès, afin de répondre aux besoins d’information des syndiqués et de lien avec leur organisation. Le journal Ensemble a ainsi vu sa première diffusion en mai 2007, et paraît, depuis, tous les mois en dehors des vacances d’été. L’objectif que chaque syndiqué reçoive son mensuel à domicile est atteint pour la moitié d’entre eux. Cela a incité les syndicats à accélérer l’intégration de leurs syndiqués dans le CoGiTiel, mais cette démarche est encore loin d’être généralisée.

Cela a ouvert une réflexion cohérente sur notre stratégie de communication et sur l’ensemble de notre presse qui a permis de dégager quelques pistes afin de faire évoluer nos outils :

- afin d’équiper les syndiqués en responsabilités, le principe d’un nouveau magazine quinzomadaire a été décidé en 2009, en remplacement de la parution de l’hebdomadaire de la Nvo et d’Espace élu.

- Le Peuple est recentré sur sa mission statutaire et lui est associé un complément électronique ;

- Options et Vie Nouvelle assurent pour leur part le lien spécifique avec les syndiqués Ict et retraités.

Le site Internet, vitrine grand public de la Cgt a été modernisé et a connu une augmentation considérable de son audience (deux millions de visiteurs du au 25 mai 2009).

9. L’évolution des structures

Le 48e Congrès a appelé les organisations (des syndicats jusqu’à la Confédération) à travailler à des évolutions partagées en vue d’une plus grande efficacité de la syndicalisation et de la démocratie syndicale. Ainsi, la commission exécutive confédérale a mis en place une commission « Évolution des structures et des fonctionnements » en vue d’élaborer des pistes de réflexion concrètes à débattre à tous les niveaux de la Cgt. Celle-ci n’a pas été en mesure de dégager des propositions opérationnelles, essentiellement parce que la structuration des organisations relève de choix internes.

Cela n’a certes pas empêché la conduite d’évolutions par les organisations, mais le défaut d’une démarche d’ensemble en a limité la portée, malgré l’adoption par le 48e Congrès de critères constitutifs des syndicats, des fédérations et des organisations territoriales interprofessionnelles.

La mise en place du nouveau système de cotisations a parfois été l’occasion de repenser le maillage territorial des unions locales, leur adaptation aux bassins d’emploi ainsi que la mutualisation de leurs moyens. La Conférence nationale sur les unions locales, décidée par le 48e congrès, a été organisée en avril 2008 et a débattu de ces problématiques en lien avec leurs missions revendicatives. Or, l’extrême diversité de ces structures ne permet toujours pas de dégager une vision commune des rôles qu’elles remplissent (déploiement de la Cgt, démocratie syndicale et construction revendicative, gestion des sections d’entreprise sans syndicat, accueil des salariés, action juridique…).

Plus globalement, même si la vie donne aux revendications interprofessionnelles et transverses une place accrue, peu d’avancées ont été effectuées sur les rapports entre les niveaux d’organisation territoriale, permettant aux syndicats de nourrir et de bénéficier de l’activité interprofessionnelle.

Deux regroupements de fédérations ont été actés par le Ccn : les fédérations du Bois (1646 syndiqués en 2008) et du Tabac (1079 syndiqués) ont intégré respectivement celle de la Construction et de l’Agroalimentaire. Au-delà, des réflexions sont en cours visant la cohérence des champs fédéraux avec nos ambitions de conquête revendicative et de construction de nouvelles solidarités.

La Cgt revendique de longue date le regroupement des conventions collectives. Les pouvoirs publics ont commandé un rapport parlementaire sur la recomposition des branches professionnelles. Mais cela n’a pas encore nourri de réflexion collective approfondie sur le rôle et le périmètre des champs professionnels, articulant activités économiques, filières, conquête et négociation de normes sociales.

Quant à la structuration des syndicats, un certain nombre d’expériences ont été engagées sur la base des orientations du Congrès de Lille : création de syndicats multiprofessionnels, de syndicats de site, de syndicats professionnels sur un bassin d’emploi… Leur objectif est d’adapter la structure de base de la Cgt aux réalités du salariat, à l’efficacité de la syndicalisation, aux besoins de vie démocratique des syndiqués, de construction de solidarités.

Certes, les résultats des élections prud’homales comme la capacité de mobilisation dont a su faire preuve la Cgt confirment l’efficacité d’une structuration de proximité. Néanmoins, un certain éparpillement des structures de base nuit à la capacité d’attraction et d’accueil de nouveaux syndiqués, de même qu’à la réactivité de l’ensemble de l’organisation en matière de mobilisation. Le 48e Congrès avait avancé vers l’idée que le syndicalisme d’entreprise n’impliquait pas le modèle unique du syndicat d’entreprise, le syndicat pouvant être le lieu de mutualisations de réflexions et de moyens d’un ensemble de sections d’entreprise.

Les flous qui demeurent conduisent à de trop fréquents problèmes dans la désignation des délégués syndicaux, que les organisations demandent parfois même à la justice de trancher :

- désignations contradictoires de délégués syndicaux résultant d’un insuffisant croisement d’informations entre les organisations professionnelles et interprofessionnelles, ainsi que d’un flou dans les périmètres statutaires d’intervention des uns et des autres ;

- changement de délégué syndical effectué par démarche de sommet sans consultation des syndiqués ;

- auto-désignation d’un délégué syndical sur mandat à durée indéterminée, le nombre de syndiqués représentés étant trop faible pour que la désignation repose sur un acte démocratique.

Plus généralement, la direction confédérale a eu connaissance ou à parfois été interpellée sur des litiges opposants des organisations au sein de la Cgt. elle a rappelé a cet égard que les relations entre organisations, basées sur le fédéralisme, conjuguent dans les statuts confédéraux, l’autonomie de décisions et la recherche de la coopération et de la complémentarité avec les autres composantes de la Cgt.

La réforme de la représentativité renforce l’enjeu du périmètre de la base syndicale nouvellement créée. Il conditionne la proximité entre le représentant de la section syndicale et les salariés, le vote de ceux-ci à l’élection professionnelle conférant la représentativité de celle-là.

Pour impulser les évolutions structurelles nécessaires, la Cgt est confrontée à un obstacle : l’idée que le fédéralisme autoriserait chaque syndicat et organisation à définir son périmètre par lui-même, indépendamment des autres. Pour avancer, le 49e congrès devrait non seulement préciser les principes et repères de structuration, mais aussi les modalités collectives de définitions des champs d’activité et périmètres d’intervention des syndicats et organisations.


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