Violences faites aux femmes : "En France, les chiffres sont alarmants"

jeudi 26 novembre 2009.
 

En proclamant le 25 novembre Journée internationale pour l’élimination de la violence contre les femmes, les Nations Unies souhaitaient alerter la communauté internationale. En France, la situation semble avoir peu évolué. Entretien avec Françoise Brié, vice-présidente de la Fédération Nationale Solidarité Femme.

Recueilli par JUSTINE LAFON

156 femmes sont mortes en 2008 sous les coups de leur compagnon – soit une femme tuée tous les deux jours et demi –, et 675.000 femmes ont été victimes de violences lors des deux dernières années, soit de leur compagnon, soit d’un autre membre de la famille.

Des chiffes alarmants et pourtant, Françoise Brié, vice-présidente de la Fédération Nationale Solidarité Femme et directrice d’un centre d’accueil et d’hébergement (92), constate l’insuffisance des actions pour lutter contre ce type de violence.

Où en sommes-nous concernant les violences faites aux femmes en France ?

La France est fortement touchée par les violences faites aux femmes. Les chiffres sont très alarmants, sur le plan des violences conjugales notamment. En 2008, plus de 18.000 appels ont été traités par le 3919 (numéro national unique destiné aux victimes ou témoins de violences conjugales). Les femmes âgées de moins de 40 ans sont les plus nombreuses à appeler, tous milieux sociaux confondus. Le 3919 reçoit aussi des appels de femmes cadres ou de professions libérales, contrairement aux idées reçues.

Comment l’expliquer ?

Notre société reste machiste dans sa façon d’aborder les relations de couple. Certains hommes se considèrent comme les propriétaires du corps et de l’esprit des femmes. La domination masculine est encore très prégnante, y compris dans les sphères de pouvoir.

La société favorise donc la violence à l’égard des femmes, et cela est valable pour toutes les formes de violences, que ce soit le viol, le harcèlement sexuel au travail ou les mariages forcés.

Ce phénomène de violence a longtemps été passé sous silence, aujourd’hui la honte doit changer de camp. Comment peut-on encore observer des femmes détruites physiquement et psychologiquement dans une société dite évoluée ?

Y-a-t-il eu certaines améliorations ?

Oui, on observe quelques améliorations. Concernant les victimes, un certain nombre de femmes plus âgées (au-dessus de 40 ans) commencent à parler, par exemple. Il s’agit de femmes qui sont victimes de violences depuis une quinzaine ou une vingtaine d’année et qui n’avaient pas la possibilité de parler avant.

Du côté des aides, il y a des plus en plus de personnes qui se saisissent du problème, mais cela reste insuffisant. La difficulté est que ce problème soit traité par des professionnels très bien formés, et qu’il y ait une mise en réseau des acteurs. Les professionnels de santé, par exemple, ont un rôle de repérage, d’information à jouer. Beaucoup de femmes n’osent pas en parler lorsqu’elles sont victimes de violence, et le corps médical peut repérer ces situations.

Que proposez-vous ?

Déjà, il faudrait que la loi de 2006 relative aux violences conjugales soit appliquée. Ensuite, la prévention vis à vis des jeunes me semble indispensable. C’est à travers eux que nous pourront rompre les stéréotypes, et établir de nouvelles relations hommes-femmes.

Par ailleurs, on commence à peine à prendre conscience des effets négatifs des violences conjugales sur les enfants de victimes. La sécurité de la femme et de ses enfants doivent aller de pair. Dans certaines situations, des enfants sont placés. Il faut être vigilant là-dessus.

On souhaite également que les femmes ne soient plus obligées de donner leur adresse lorsqu’elles quittent le domicile familiale afin que le père puisse voir ses enfants.

La diffusion d’un portable d’urgence pour les femmes battues constitue aussi une solution ?

Le portable d’urgence est un outil qui peut être utile dans les cas où le conjoint a été condamné et ne vit plus au domicile de la victime. Mais, en soi c’est insuffisant, il est important qu’un dispositif soit mis en place autour de cette mesure, si elle est appliquée sur l’ensemble du territoire. Numéro de téléphone national unique : 3919 (prix d’un appel local), accessible du lundi au samedi de 8h à 22h, les jours fériés de 10h à 20h.


Signatures: 0
Répondre à cet article

Forum

Date Nom Message