Le Pdg de France télécom voulait-il déstabiliser deux syndicats ?

vendredi 20 novembre 2009.
Source : Marianne
 

Challenges a révélé qu’un cabinet de conseil aurait été mandaté par Didier Lombard pour déstabiliser la CFD-CGC et Sud. La direction de France Télécom dément formellement. De même que ledit cabinet qui soupçonne la manoeuvre d’un concurrent.

L’histoire pourrait être racontée sous une couverture noire sous laquelle se croiseraient les mensonges. Alors qu’elle tente tant bien que mal de s’extraire de la tempête déclenchée par la vague de suicides chez ses employés, la direction de France télécom doit faire face depuis hier à de nouveaux soupçons : selon un article publié sur le site Internet de Challenges, le pdg Didier Lombard aurait employé les services d’une agence de communication de crise, évoquée sous le vocable peu flatteur d’une « officine », pour déstabiliser, à la veille des élections au conseil d’administration d’octobre dernier, deux syndicats très actifs dans les négociations sur le stress. Dans un texte lu au comité central d’entreprise du groupe, mardi 17 novembre au matin, le pdg a démenti « formellement » cette hypothèse. Dans un silence inhabituel depuis le début de cette crise, le doute n’a pourtant pas été levé. Pourquoi ?

Rappel des faits : de drôles de coïncidences à la veille des élections internes...

Entre le 21 et le 22 octobre (date du vote pour les élections au conseil d’administration), des courriels anonymes parviennent par centaines dans les boîtes mail France télécom des employés du groupe. Un premier mail les invitait a consulter un article du site Backchich, sorti le jour même, à charge contre Sébastien Crozier, délégué CFE-CGC très présent dans les médias, et accusant le syndicat d’avoir mal réparti une dotation de 50000 euros entre la branche « fonctionnaires » et la branche « salariés du privé » — France télécom réunissant les deux.

Un second mail, plus allusif, évoque le projet de la direction de France télécom de faire expertiser la lettre d’un des salariés ayant mis fin à ses jours, du fait de soupçons de falsification de ce document par le syndicat Sud à des fins politiques... Par une étrange coïncidence, les deux syndicats sont les animateurs de l’Observatoire du stress et des mobilités forcées, qui met le doigt sur la crise morale au sein de l’entreprise depuis janvier 2008. Selon Challenges, ces deux envois anonymes émaneraient du cabinet de communication Vae Solis, mandaté par Didier Lombard lui-même.

Derrière la crise, la bataille des agences de com ?

Que ce soit à la direction de France télécom ou au cabinet en question, tout le monde dément. Spécialisé dans la communication de crise, le cabinet Vae Solis est déjà en charge des relations presse de l’opérateur Numericable. Démentant l’article de Challenges, Arnaud Dupui-Castérès, pdg de Vae Solis, juge l’hypothèse « abracadabrantesque » : « nous ne sommes pas une officine, corrige-t-il. Je pense que certains ont eu peur de nous voir arriver. » Euro RSCG, responsable historique de la communication de France télécom, pourrait-il se sentir menacé par le jeune cabinet ? Peut-être...

Car, s’il assure ne jamais avoir travaillé pour France télécom, le patron de Vae Solis a bien confirmé des informations émanant d’Orange selon lesquelles le cabinet œuvrait depuis 2001 pour la communication de crise de l’opérateur mobile, notamment au sujet des antennes relais.

Seulement, depuis le début de la crise, Vae Solis avait noué d’autres liens avec France télécom, en la personne de Louis-Pierre Wenes : avant d’être débarqué du poste de directeur général adjoint de France télécom, ce Centralien surnommé le « cost killer » avait demandé au cabinet d’Arnaud Dupui-Castérès des conseils pour gérer la tempête médiatique ayant fait suite au 23è suicide. Au 24è, il fut poussé à la démission, à la plus grande satisfaction des syndicats.

Dans l’œil du cyclone, Lombard et Wenes aimeraient que les agitateurs se taisent...

Mais, selon des membres du comité central, Wenes continuerait d’œuvrer comme conseiller de Didier Lombard, avec qui il partage une méfiance presque paranoïaque des médias. Pris dans l’œil du cyclone médiatique, le pdg est couvé par la cellule de crise mise en place par Euro RSCG, à laquelle a été intégré le coprésident du groupe, Stéphane Fouks. Malgré un plan média sur mesure début octobre (Le Parisien et Europe 1 pour Lombard, le JDD pour Stéphane Richard), la machine à com n’a pas redressé la cote de France télécom. Une situation assez désespérée pour tenter une opération de déstabilisation calomnieuse ?

« Les soupçons sur les intentions de la direction, nous les nourrissons depuis la création de l’observatoire du stress », confiait Philippe Meric, délégué Sud. Le syndicat n’a pas épilogué sur l’affaire : pour eux, la vraie cible est Sébastien Crozier, « détesté en interne », de l’aveu d’un collègue syndicaliste, et craint par la direction qui ne voulait « à aucun prix » que le délégué CFE-CGC prenne le poste de représentant des cadres au conseil d’administration, au côté des pontes de groupes cotés au Cac 40. Mais dans la situation très précaire de Didier Lombard, ces informations, même démenties, sont du plus mauvais effet. Peut-être l’occasion, pour Stéphane Richard, de prendre le relais plus vite que prévu à la tête de l’entreprise ?

Sylvain Lapoix


Signatures: 0
Répondre à cet article

Forum

Date Nom Message