Intervention de Martine Billard à l’Assemblée nationale lors de l’examen des crédits de la mission budgétaire "solidarité, insertion, égalité des chances"

mercredi 18 novembre 2009.
 

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le haut commissaire, mes chers collègues, le Parlement et le Conseil européens ont proclamé l’année 2010 « année européenne de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale ». Mais nous ne trouvons guère trace, au niveau national, d’une quelconque dynamique en la matière, dynamique qui pourrait d’ailleurs concrétiser l’engagement du Président de la République de réduire d’un tiers la pauvreté au cours du quinquennat.

L’essentiel des mesures de la présente mission sont tournées vers l’emploi, la prise en compte de la grande exclusion étant renvoyée au budget de la mission « Ville et logement », lequel est d’ailleurs en baisse, notamment pour ce qui concerne l’action directe auprès des personnes. Or, malheureusement, 28 % des allocataires du RSA socle restent très éloignés de l’emploi, soit pour des raisons de santé - pour 40 % d’entre eux -, soit parce qu’ils vivent dans la rue. Ceux qui ne sont pas en état de retrouver le chemin de l’emploi sont de plus en plus invisibles dans les politiques de lutte contre l’exclusion, alors que l’augmentation du nombre de bénéficiaires du RSA socle, ainsi que le basculement de l’allocation de parent isolé vers le RSA, qui ne s’est accompagné que d’une compensation partielle, tend à étrangler les finances départementales.

Aujourd’hui, le RSA s’adresse à 3,5 millions de ménages. Mais seulement 28 % des 9 % ayant retrouvé un emploi grâce à ce dispositif bénéficient de ce que l’on peut appeler un emploi durable, c’est-à-dire d’un CDI ou d’un CDD de plus de six mois, et 25 % à peine bénéficient d’un temps plein.

Les usagers du RSA ainsi que certains syndicats de la CNAV dénoncent par ailleurs le caractère intrusif du formulaire relatif à la vie privée demandé aux allocataires, ainsi que le renforcement des contrôles. Ainsi, dans le formulaire, les demandeurs sont incités à engager des procédures de justice contre leurs parents afin de prouver qu’ils n’ont pas droit à une pension alimentaire : cela explique que de nombreuses personnes n’osent pas demander le RSA.

Par ailleurs, les intéressés doivent fournir des éléments sur leurs biens et leur train de vie - épargne, patrimoine, épargne populaire - ainsi que sur les équipements personnels listés dans une circulaire précise établie par la direction de la sécurité sociale : voiture, équipement informatique et ménager.

Depuis cet été, les renseignements exigés de celles et ceux qui entrent dans le dispositif sont plus nombreux que pour ceux qui, auparavant au RMI, ont basculé vers le RSA socle. Monsieur le haut commissaire, doit-on en déduire que les éléments dits de train de vie seront bientôt pris en compte pour la détermination du montant du RSA ?

Les mêmes dénoncent aussi l’obligation faite à l’allocataire de s’inscrire à Pôle emploi sous peine de sanctions, car c’est basculer de la logique d’insertion qui prévalait du temps du RMI vers la reprise d’activité obligatoire, quelle que soit la qualité du travail proposé, y compris pour des emplois précaires, notamment ces temps partiels contraints dont les femmes sont les premières victimes. Or il faut rappeler que le chômage n’est que rarement volontaire et que les freins à la reprise d’emploi peuvent être aussi des problèmes de santé, de transport ou de garde d’enfant.

Le RSA jeunes, annoncé par le Président de la République, est soumis à une condition d’accès très difficile à remplir pour les moins de vingt-cinq ans, puisqu’il exige 3 600 heures d’emploi, soit vingt-sept mois, sur les trois dernières années.

Le RSA se substituant aussi à l’allocation de parent isolé, le programme 106, « Actions en faveur des familles vulnérables », est particulièrement réduit, notamment l’action « Soutien en faveur des familles monoparentales ». L’amendement que j’avais déposé à ce propos n’ayant pas été retenu, je voudrais signaler ici la mesure fiscale 400 201 qui prévoit une réduction de l’impôt de solidarité sur la fortune en raison du nombre d’enfants du déclarant, et dont le coût de 25 millions d’euros est pris sur le programme « Actions en faveur des familles vulnérables ». Une telle somme ne serait-elle pas plus utile aux familles vraiment vulnérables qu’à celles qui paient l’ISF ?

Enfin, le programme 137, « Égalité entre les hommes et les femmes », parent pauvre de cette mission budgétaire, est en stagnation. En la matière, on multiplie les discours, mais on ne fait pas grand-chose de concret. Une collègue a parlé avant moi de la mauvaise application de la loi : il ne peut y avoir d’avancées en ce domaine sans qu’on y mette les moyens. Hélas, on note une baisse de 6 % des crédits affectés à l’action « Accès des femmes aux responsabilités et à la prise de décision ». Quand on sait que le mode de scrutin que le Gouvernement va proposer pour les futures élections territoriales ne sera pas favorable à la parité - comme l’a souligné la délégation de l’Assemblée nationale aux droits des femmes - , on ne peut que constater qu’il y a une certaine cohérence entre la réduction des moyens et la politique qui est menée.


Question de Martine Billard à Martin Hirsch (et la réponse) sur le problème du maintien des "droits connexes", dans le régime du RSA.

Mme la présidente. La parole est à Mme Martine Billard, pour le groupe GDR.

Mme Martine Billard. Monsieur le haut commissaire, ma question porte sur la comparaison entre les droits annexes attachés auparavant au statut d’allocataire du RMI et ceux dont disposent désormais les bénéficiaires du RSA chapeau. J’ai bien entendu qu’il fallait raisonner à cet égard en termes non de statut, mais de revenus, ce dont je ne peux que me réjouir, puisque je me suis battue pour cela pendant des années. Cependant, plusieurs points doivent être considérés.

Les conditions du RSA chapeau, en fonction du nombre d’heures travaillées, dépendent du département.

Parmi les droits connexes figurent l’exonération de la taxe d’habitation et celle de la redevance audiovisuelle. Mais à quel moment perd-on le bénéfice de cette exonération ? Est-ce aussitôt qu’on dépasse le socle du RSA ? Il serait préférable qu’elle s’applique à toute personne non assujettie à l’impôt sur le revenu.

D’autre part, les bénéficiaires du RSA chapeau ne peuvent le cumuler avec l’APL que pendant trois mois. Ce délai écoulé, ils doivent y renoncer.

Autre paradoxe : l’aide personnalisée de retour à l’emploi, financée par l’État qui la verse aux départements, ne prend pas en charge l’exonération des coûts de transports collectifs, alors qu’elle prévoit une aide à la location de voiture, ainsi d’ailleurs qu’une aide pour passer le permis de conduire, ce qui est judicieux, puisqu’il s’agit d’une formation qualifiante. Dans la région Île-de-France, pour ne citer que cet exemple, le montant d’un passe Navigo pour six zones représente cependant un coût réel.

On ne peut que s’étonner que ceux qui perçoivent le RSA perdent automatiquement des aides importantes, qui sont loin d’être compensées par le faible montant qu’ils reçoivent. De ce fait, ils ont l’impression de perdre beaucoup en entrant dans le dispositif. Comment leur situation peut-elle évoluer ?

Mme la présidente. La parole est à M. le haut commissaire.

M. Martin Hirsch, haut commissaire. Madame la députée, la question des droits connexes, que vous avez soulevée, est importante. Je vous répondrai très précisément en examinant quatre cas de figure.

Une personne qui percevait auparavant le RMI sans exercer aucune activité professionnelle était exonérée de la taxe d’habitation et de la redevance audiovisuelle. Celle qui perçoit aujourd’hui le RSA sans autre revenu d’activité continue à bénéficier de la double exonération.

Une femme ayant des enfants qui bénéficiait de l’API, l’allocation de parent isolé, sans exercer d’activité, n’était pas exonérée de la taxe d’habitation et de la redevance audiovisuelle. Elle le sera désormais, au titre de ses faibles revenus.

Un bénéficiaire du RMI percevant 200 euros par mois pour un travail à temps partiel était exonéré de la taxe d’habitation et de la redevance audiovisuelle. Aujourd’hui, il percevra 124 euros par mois de plus, au titre du RSA. Le montant de sa taxe d’habitation sera compris, selon le choix des collectivités locales, entre zéro et 80 euros par an. La redevance audiovisuelle représentera 118 euros à partir de 2012. Autant dire que, s’il perd entre 200 et 250 euros par an, il gagne dans le même temps 124 euros par mois.

Enfin, un bénéficiaire du RMI, qui touchait environ 400 euros par mois pour un travail à temps partiel, percevra 240 euros par mois au titre du RSA. Sa taxe d’habitation s’élèvera à 162 euros par an. On peut sans doute trouver certaines exceptions. À Beauvais, par exemple, on a constaté une flambée de l’imposition, mais nous cherchons actuellement une solution avec le maire.

Quoi qu’il en soit, madame la députée, il n’est pas possible d’exonérer de la taxe d’habitation ceux qui ne paient pas d’impôt sur le revenu, c’est-à-dire la moitié de la population française, mais il est vrai qu’ils sont tout de même imposés sur le revenu en ce sens qu’ils acquittent la CSG, à laquelle tout le monde est soumis.

La mesure que nous avons prise est juste au sens où elle supprime l’effet de seuil. Le RSA représente près de dix fois le montant de la taxe d’habitation. S’il se trouvait des contre-exemples, vous ne manqueriez pas de nous les signaler, mais nous n’en avons jamais rencontré.

Enfin, pour les transports, nous avons travaillé avec la région Île-de-France afin de mettre en place un barème progressif visant à supprimer l’effet de seuil lié à la perception du RSA. Par ailleurs, nous avons signé un protocole avec l’Assemblée des régions de France, l’Assemblée des départements de France et l’Assemblée des maires de France, pour remplacer certaines aides sous statuts par des aides accordées en fonction des revenus, notamment pour la cantine ou les transports. Le meilleur moyen est de passer de la gratuité, pour des personnes à revenus très faibles, à un prix qui augmente progressivement en fonction des revenus.

En conséquence, le groupe GDR votera contre ce budget.


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