Mélenchon fait feu de tout bois

dimanche 8 novembre 2009.
 

Débonnaire, Jean-Luc Mélenchon dispense une petite leçon de Web participatif dans un bar branché de la capitale. Son espace « à lui », son blog qu’il présente et qu’il distingue nettement du parti de gauche… Un espace où « il fait ce qu’il veut », où tous les convives sont tenus à l’argumentaire sous peine de bannissement.

Une volée de bois vert au plagiaire Éric Besson et son équipe « d’incapables », quelques mots sur son mandat, les élections régionales en ligne de mire et l’Amérique du sud, une terre exaltante d’expériences sociales...

Dans le fond, il n’y a que deux manières de lire l’action politique de Jean-Luc Mélenchon. Certains le perçoivent comme un opportuniste qui, à la faveur du débat constitutionnel sur le TCE, est passé du statut de paisible sénateur socialiste à la posture du leader de la cause du peuple contre l’oligarchie bruxelloise, et qui plus tard a réussi son OPA sur le Parti Communiste. Dans cette dynamique, il souhaite pousser son avantage jusqu’à reproduire l’opération avec le Nouveau Parti Anticapitaliste. D’autres voient en lui un homme dont les convictions n’ont guère varié depuis ses premiers combats universitaires pour le PCI à la fondation de son Parti de Gauche. Les deux se confondent, et Jean-Luc Mélenchon se révèle être un redoutable stratège politique.

Sue les traces d’Oscar Lafontaine

Aujourd’hui, Mélenchon suit les pas d’Oskar Lafontaine, ancien taulier de la social-démocratie allemande qui avec son mouvement Die Linke a débordé le SPD sur sa gauche et l’a plongé dans une crise sans précédents. Mais l’objectif du député européen du Grand Sud-Ouest n’est pas de « moraliser le PS », ni de le « métamorphoser », mais d’imposer une « refondation de la gauche » dont il prendrait le leadership. Visiblement il n’attend plus rien du parti de centre-gauche dont il rappelle les tentations centristes par des alliances avec le Modem. Selon ses proches, il s’est transfiguré depuis la rupture. Il respire un nouvel air, celui de la liberté et des grands idéaux politiques.

Mais après tout, peut-on lui en vouloir ? Il a durant des décennies tenté d’influencer la ligne directrice du PS : de la Nouvelle Ecole Socialiste à la Gauche Socialiste, il a multiplié les tentatives. Aujourd’hui, il n’est plus décidé à regarder en arrière. Son obsession, c’est « talonner le PS » afin de « devenir la formation qui dispute la tête de la gauche ». Malheureusement pour lui, le NPA se fait désirer, les « discussions unitaires » en vue des régionales n’ont pas donné les résultats escomptés. Pourtant, il s’agit d’un enjeu politique crucial : comme le dit Jean-Luc Mélenchon, « les régions doivent devenir un pôle de résistance à la droite ».

A titre personnel, Jean-Luc Mélenchon ne s’interdit rien, et encore moins la tête de liste aux régionales en Île-de-France : il badine, « La région parisienne, ça m’intéresse, après tout j’ai été élu là bas durant 25 ans ». Et dans cette perspective se déclare non cumulard. Hier soir, Jean-Luc Mélenchon était donc forcément angoissé. « Pourtant si on rassemble, on va faire un carton » lançait t-il, un peu bravache. La décision interviendra ce week-end lors du conseil national du NPA, avant une réunion avec Olivier Besancenot qui aura lieu le mercredi 11. Maussade, il maugrée : « il serait bon qu’ils abrègent nos souffrances », mais reste déterminé et combatif : « si ce n’est pas cette fois-ci nous essayerons, encore… ».

Un tribun de la plèbe

L’ancien sénateur de l’Essonne multiplie les voyages en Amérique Latine, à la rencontre de ce continent qui n’a pas renoncé à sa part d’utopie. Quand il parle du Président colombien Evo Morales, Jean-Luc Mélenchon se prend à rêver à haute voix : « on ne lui donnait même pas 5% et au final, il a été élu au 1er tour avec 53% des voix ». De rencontres en rencontres, ce co-fondateur de l’Institut Bolivar cultive son ouverture vers le monde et tente de relever les expériences réussies afin d’en tirer les leçons.

Lorsqu’il revient en France, c’est naturellement avec une certaine émotion qu’il évoque le thème de l’immigration, qui pour lui représente toujours une « déchirure ». Il refuse le débat sur l’identité nationale et réaffirme le droit du sol, « ces discussions doivent s’arrêter à la carte d’identité, si vous en rajoutez, vous ne serez plus en mesure de maitriser les dérives que cela va engendrer ». Les périodes sombres sont propices à ce type de thématiques : pour Jean-Luc Mélenchon, un seul slogan acceptable « faire France de tout bois ! ». Accueillir tout ceux qui le veulent. Aujourd’hui, il semble épanoui et sincère lorsqu’il évoque son bonheur d’être à « l’intersection entre les travailleurs et le peuple français, pas celui qui se pose des questions sur son identité mais celui qui l’accomplit dans sa bataille sociale et républicaine. »

Jean-Luc Mélenchon assume son image de grande gueule, de bateleur des sans-voix, comme il le dit lors de l’émission web « Arrêt sur image ». Il se dit aussi prêt à changer de stratégie si cela s’avère nécessaire car « la civilisation de l’image n’a pas de mémoire ». Stagner à 6% aux élections ne fait visiblement pas partie de son programme. Il fait d’ailleurs remarquer que le mauvais score des européennes s’inscrivait dans un scrutin à forte abstention. C’est évidemment de ce côté-là que ce briscard de la politique tourne son regard malicieux.

par David Doucet

6 novembre 2009


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