Assemblée nationale : Intervention en discussion générale de Martine Billard sur le projet de loi de finances pour 2010

dimanche 25 octobre 2009.
 

Mme la présidente. La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. Madame la présidente, mes chers collègues, je consacrerai le temps qui m’est imparti à une intervention générale.

Une fois de plus, madame la ministre, votre budget est favorable aux possédants, au détriment des petites gens. Le déficit public de cette année 2009 atteint un niveau record de 141 milliards d’euros, contre 56 milliards en 2008 ; mais nous avons entendu notre collègue Marc Laffineur : tout va très bien, et les riches de ce pays peuvent continuer à bénéficier de toutes les aides et exonérations fiscales possibles, instaurées par le Président de la République pour satisfaire sa clientèle.

Il n’est pas question pour vous de remettre en cause le bouclier fiscal, si coûteux en période de crise et si scandaleux socialement. Vous nous l’avez du reste répété cet après-midi. En revanche, vous en êtes réduite à grappiller des sommes de façon indécente, en supprimant l’exonération partielle d’impôt sur le revenu sur les indemnités de départ volontaire à la retraite, ou en prévoyant, par le subterfuge d’un amendement, d’imposer les indemnités journalières des accidentés du travail ; vous avez également défendu à nouveau cette dernière mesure au cours de l’après-midi.

Pendant ce temps, les rentiers se portent bien et la fameuse valeur travail est renvoyée aux oubliettes : bouclier fiscal, baisses de l’impôt sur la fortune, allégement des droits de mutation et de succession qui fait que, aujourd’hui, 90 % des héritiers en ligne directe n’ont plus à payer de droits de succession. Cette politique fiscale est une immense injustice sociale qui ne contribue à favoriser que les familles d’héritiers, au mépris de tout le discours sur le mérite républicain.

La France est la championne des niches fiscales : on en dénombre 464, qui permettent aux contribuables, en général les plus aisés, d’économiser jusqu’à 70 milliards d’euros.

Étant donné l’importance de la fiscalité indirecte - TVA, TIPP - et des impôts sociaux proportionnels - CSG, CRDS -, les prélèvements sont toujours aussi peu progressifs. Vous avez vidé de sa substance le seul impôt progressif, l’impôt sur le revenu : passé de 3,2 % à 2,6 % du PIB, il ne représente plus que 15 % des recettes fiscales, contre près de 30 % en moyenne dans les autres pays de l’OCDE. La tranche supérieure du barème de l’impôt sur le revenu n’est plus que de 40 %. Sur les 11 milliards d’euros par an que représentent les réductions d’impôt décidés par les gouvernements de droite, 70 % profitent aux 20 % des foyers les plus aisés.

Venons-en à la fiscalité écologique.

Oui, la planète est désormais en état d’urgence. Le changement climatique dû aux émissions de gaz à effets de serre liées aux activités humaines met en danger la vie sur terre. Face à cette situation, il ne suffît pas, comme le propose le Gouvernement, de repeindre en vert le capitalisme et de faire de la taxe carbone l’alpha et l’oméga de la fiscalité écologique.

Telle qu’elle est conçue, la taxe carbone sera injuste socialement et inefficace du point de vue environnemental, puisque les entreprises les plus émettrices de CO2 ne la paieront pas. L’énergie électrique en est exclue, ce qui crée ainsi un effet d’aubaine pour la filière nucléaire. Cette taxe va concerner des dépenses contraintes des ménages, sans proposer de modes de chauffage et de déplacement alternatifs. Elle sera même payée par les locataires, qui ne choisissent pourtant pas leur mode de chauffage.

De plus, le mécanisme de redistribution est un leurre social puisqu’il n’est soumis à aucun critère de revenu.

Dans le même temps, le Gouvernement accumule les non-sens écologiques : libéralisation de l’énergie et du rail, fermeture ou privatisation des services publics de proximité, ouverture des commerces le dimanche et augmentation subséquente des déplacements, plan de relance favorable aux autoroutes et au transport aérien.

Pour marquer une logique radicalement différente en matière de fiscalité écologique, j’ai déposé avec les députés du Parti de gauche une proposition de loi pour une autre fiscalité écologique afin de mettre en débat des propositions à la hauteur de l’urgence écologique. J’en reprendrai l’essentiel sous forme d’amendements au cours de l’examen des articles du projet de loi de finances ; ainsi vous ne pourrez plus prétendre que nous ne faisons pas de propositions.

Parmi les efforts supplémentaires à accomplir, il importe de durcir le dispositif du bonus-malus automobile ainsi que de supprimer le super bonus pour les véhicules électriques individuels qui ne sont aucunement des voitures propres. Vingt nouveaux réacteurs nucléaires seraient en effet nécessaires pour une substitution totale du parc automobile actuel. De plus, les batteries adéquates ne peuvent être produites qu’en surexploitant les réserves mondiales de lithium dont l’extraction requiert une très grande quantité d’eau.

Je proposerai également d’abroger les niches fiscales néfastes pour l’environnement, qui incitent au mésusage des ressources.

Le grand écart des disparités de revenus est non seulement à l’origine de profondes inégalités sociales mais également la cause du renforcement d’une classe de riches, gaspillant et détruisant par des consommations de loisir de luxe les ressources de notre pauvre planète. Force est de constater que cet imaginaire de consommations somptuaires fondé sur le « toujours plus » contamine toute la société en faisant des habitudes de consommation des plus aisés un modèle de la réussite.

Notre proposition prévoit, en outre, la création d’un revenu maximal autorisé, fixé à hauteur de vingt fois le revenu médian annuel, soit 352 000 euros selon les derniers chiffres de l’INSEE.

Cette mesure s’articule avec l’abrogation du bouclier fiscal, l’instauration d’un salaire maximum à hauteur de vingt fois le salaire minimum, ainsi qu’avec un nouveau barème de l’impôt sur le revenu passant par la création de neuf nouvelles tranches d’imposition destinée à garantir la progressivité de l’impôt jusqu’à la tranche de 100 %.

Nous considérons que la fiscalité ne peut, à elle seule, modifier l’ensemble des comportements les plus destructeurs des éco-systèmes. De même, la lutte contre l’effet de serre ne peut se réduire à la somme des modifications de comportements individuels. Seule une volonté politique permettra de rompre de manière décisive avec le système.


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