LES VERITABLES ENJEUX DE LA REFORME TERRITORIALE

mercredi 28 octobre 2009.
 

Les objectifs déclarés de la réforme territoriale

Il est légitime de penser que depuis la régionalisation initiée par Gaston Deferre aux prémices de l’ère Mitterrand, beaucoup de lois se sont empilées et ont pu compliquer le paysage de nos territoires :

- Communes, conseillers municipaux élus au scrutin proportionnel de liste (sauf – de 3500 hab.)

- communautés de communes, d’agglomération, représentants désignés par les conseils municipaux.

- communauté de Pays, qui dépassent les limites des cantons et départements. (Vocation économique)

- cantons réunis dans les Conseils généraux dont les conseillers sont élus au scrutin uninominal à 2 tours.

- Conseils régionaux dont les conseillers sont élus au scrutin proportionnel à deux tours aux modalités proches de celles des conseils municipaux des villes avec une prime aux listes majoritaires qui contraignent au rassemblement ou à la fusion entre les deux tours.

- Les circonscriptions législatives dont les députés sont élus au scrutin uninominal à 2 tours.

- les sénateurs sont élus soient sur des listes à la proportionnelle, soit au choix par un collège d’élus (conseillers municipaux, régionaux, généraux)

Ce maillage du territoire mérite sans doute un peu de clarté et une réforme.

Jospin voulait compléter la réforme des communautés de communes par un scrutin démocratique qui permettrait d’élire directement leurs représentants. Il n’a pas été réélu, il n’a pas pu la mettre en œuvre et la droite - au pouvoir sans discontinuer depuis 2002 - s’est bien gardée d’améliorer la démocratie communale.

Les conseils généraux : faut-il les supprimer ?

Ils existent depuis la révolution française et sont avec le droit communal, un des piliers de la démocratie locale à la française. Sont-ils pourtant adaptés à l’évolution démographique et économique des territoires ?

Pour ma part, je pense que la forme canton est dépassée, particulièrement en ville, où ils ne signifient rien pour le citoyen. Mais il me paraît utile de maintenir les Conseils généraux dont le rôle social est particulièrement important. Leurs représentants pourraient être élus par un scrutin proportionnel identique à celui des conseillers régionaux. Ce serait rationnel, simple et plus démocratique.

Est-ce dans ce sens que s’oriente Nicolas Sarkozy ? Et bien non ! Il souhaite (et quand il souhaite, c’est qu’il décide …) que les futurs conseillers territoriaux soient élus à un tour à la proportionnelle en zone urbaine et au scrutin uninominal en zone rurale.

S’il propose un mécanisme totalement étranger à la tradition française, c’est plus pour tenter de cumuler au profit de son camp, les avantages des deux méthodes en restreignant les inconvénients.

Avec le scrutin uninominal à un tour, c’est le candidat qui emporte le plus de voix qui emporte le siège. Le parti arrivé deuxième est minoré et les autres n’ont rien…ou presque, cela dépend de la répartition géographique. Un petit parti bien implanté dans une localité peut l’emporter au détriment d’un autre qui aurait recueilli plus de voix nationalement mais pas assez dans chaque circonscription pour être élu.

Avec le scrutin proportionnel à un tour, tous les partis peuvent être représentés en fonction de leur influence. Cependant cela dépend du seuil minimum fixé pour l’attribution des sièges et à la taille de la circonscription, car plus le seuil est élevé et le nombre de circonscriptions important, plus l’accès des petits partis aux sièges se révèle malaisé.

Voila le but premier de l’opération :

Choisir des modes de scrutin qui reviendraient à favoriser outrageusement les grands partis : l’UMP et le PS. L’UMP pourrait récupérer des sièges, là où elle est actuellement minoritaire.

Le calcul du Président s’appuie sur la domination de l’UMP qui a aggloméré la droite autour du noyau RPR et qui table sur la division de la gauche ainsi réduite à l’impuissance, alors qu’elle est actuellement largement majoritaire dans les villes, les cantons et les régions.

Dans les huit cantonales qui ont eu lieu après les Européennes, perdues par le PS, l’UMP totalise 29,68 % des suffrages progressant de trois points, malgré les avancées du Front de Gauche. La faille de l’UMP c’est précisément le deuxième tour, car elle est isolée, elle fait le plein dès le premier tour… Donc Sarkozy supprime le 2° tour. Il a encore accentué le rassemblement dans cette perspective, avec le ralliement du CPNT et Du Vicomte De Villiers.

Le PS, lui, est passé de 29,89 % là où il était présent, à 25,51 % des suffrages, avec une image très détériorée dans l’opinion publique.

Avec la suppression de la moitié des élus départementaux et régionaux actuels, la réforme proposée par Sarkozy engage un processus qui vise à supprimer l’essentiel des communes en les regroupant et de tous les départements, à dépecer le territoire en quelques grandes régions (une quinzaine et onze métropoles).

Cette réforme, avec la suppression d’élus de proximité, éloignerait encore plus les édiles des citoyens, restreignant la démocratie locale.

On supprime certaines attributions comme « la compétence générale », ce qui ne permettra plus aux départements et régions de mener des politiques volontaristes. Aussi l’interdiction des financements croisés, et l’obligation pour les communes de financer elles-mêmes au moins 50 % d’un projet. L’Etat ne paiera plus, il se défaussera sur les collectivités locales, ce qui provoquera une nouvelle augmentation des impôts locaux, moins redistributifs, plus injustes que l’impôt proportionnel sur le revenu qu’il diminue au profit des plus riches.

La suppression de la taxe professionnelle

La réforme territoriale s’articule avec la suppression de la taxe professionnelle qui va priver les collectivités locales de leurs ressources et donc de leur autonomie budgétaire. Elles ne voteront plus que leurs dépenses étant dotées de compensations gouvernementales d’ailleurs insuffisantes.

Les entreprises seront les grandes bénéficiaires avec 11,7 milliards d’euros d’allégements en 2010 et de 6 milliards les années suivantes.

« A la TP va se substituer une "contribution économique territoriale" (CET), assise sur le foncier bâti professionnel et sur la valeur ajoutée. Ainsi, dans le cas de cette PME, seule la valeur locative de l’usine rentrerait désormais dans le calcul de la taxe, plus celle des machines. La nouvelle formule favorise les grandes entreprises dites "de réseaux" (opérateurs télécoms, groupes énergétiques ou de transport ferroviaire qui réalisent des investissements massifs), qui se verront du coup imposer une taxe forfaitaire d’environ 1,5 milliard d’euros. Les entreprises de main d’œuvre, qui seraient en revanche pénalisées, bénéficient d’aménagements : un abattement de 1.000 euros pour celles dont le chiffre d’affaires ne dépasse pas 2 millions d’euros et une augmentation des montants versés progressive sur 5 ans, aucune société ne devant voir sa cotisation grimper de plus de 500 euros ou 10% en 2010.

En 2011, le manque à gagner (environ 10 milliards d’euros sur la base des chiffres de 2008) sera principalement compensé par le versement aux collectivités du produit de diverses taxes et par une dotation budgétaire. »* (Les Echos -16.10.09)

La taxe carbone

Elle relèvera d’une même démarche de ponction des revenus du travail au bénéfice du capital. Cet impôt coutera 2 milliards aux entreprises qui bénéficieront d’un allègement de 5 milliards au titre de…la réforme de la taxe professionnelle !

La taxe générale sur les activités polluantes qui devait décourager l’incinération et l’enfouissement des déchets est réduite d’un tiers dans le budget 2010…

Les droits à polluer (*voir mon article précédent sur la taxe carbone) : sur les 3500 entreprises françaises les plus polluantes, 90 % d’entre elles sont exemptées puisque leurs quotas d’émissions carbone leurs sont attribuées gratuitement…

Par contre le citoyen pauvre paiera, car le chèque vert forfaitaire ne compensera pas les dépenses supplémentaires pour ceux qui n’ont pas les moyens d’acheter une nouvelle voiture, de réaliser des travaux d’isolation ou changer sa chaudière à fioul ou au gaz. Cela leur coûtera de 135 à 190 € par an.

Pour la bonne cause ?

Alors pourquoi annoncer la baisse des bonus automobiles mais pas la hausse des malus ?

Pourquoi la SNCF abandonne - t’elle toute une partie du fret au profit du transport routier ?

Pourquoi ne pas instaurer une taxe carbone aux transports routiers à nos frontières et développer le transport des marchandises par le rail ?

Pourquoi l’Etat sarkozien s’est-il retiré du financement des transports collectifs ?

Quelles réformes ?

Il faut une véritable politique globale de planification écologique, locale, nationale et européenne, assurée, garantie par des débats et des choix citoyens véritablement démocratiques, pour promouvoir une relocation des productions, produire autrement pour consommer mieux et différemment.

Allain Graux

Le 16.10.09


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