Le droit à l’avortement en ligne de mire des euroconservateurs

vendredi 23 octobre 2009.
 

Interdiction ou remise en cause de la légalité des IVG, désengagement des États. Sur fond d’offensive de l’Église catholique, le droit des femmes à disposer de leur corps est sujet à d’inquiétantes attaques sur tout le continent.

On défend les espèces en voie de disparition, mais qui défend les bébés ? Depuis plus d’un an, cette analogie grotesque et choquante sert de « support » à une campagne médiatique sans précédent des organisations « pro-vie » espagnoles, dans leur combat d’arrière-garde contre le droit des femmes à l’interruption volontaire de grossesse (IVG). Samedi dernier, cette mouvance s’est livrée à une véritable démonstration de force dans les rues de Madrid contre le projet de loi du gouvernement socialiste de José Luis Rodriguez Zapatero qui propose de libéraliser jusqu’à quatorze semaines l’IVG, et qui permettrait, dans certains cas, pour des mineures, de passer outre l’autorisation parentale. Actuellement, l’avortement n’est autorisé qu’en cas de viol, de malformation du foetus, de risques physiques et de troubles psychiques pour la mère, cette dernière clause constituant aujourd’hui, pour les femmes, le principal recours à l’acte.

Cette manifestation, la plus importante contre une réforme de Zapatero, illustre la virulence contre le droit des femmes à pouvoir disposer de leur corps. Ce déni du libre choix n’est pas l’exclusivité de groupuscules extrémistes. Les « pro-vie » ont bénéficié du soutien appuyé d’une partie de l’Église, mais également du Parti populaire (PP). La droite espagnole, dont sa secrétaire générale, Maria Dolores de Cospedal, et l’ancien président du gouvernement, José Maria Aznar, étaient présents à la manifestation.

Les Espagnoles ne sont pas les seules à voir leur revendication à pouvoir disposer librement de leur corps stigmatisée, voire pénalisée. Ces dernières années, l’entrisme de l’Église, soutenue par les forces conservatrices, dans la sphère politique et les institutions internationales, a contribué à infléchir sur les législations en vigueur. À travers le recul des droits des femmes, l’objectif poursuivi était de contrôler les ressorts du système social et familial. Un tour d’horizon européen en atteste.

À Chypre, ou encore à Malte, l’IVG est interdite, ce dernier pays, lors de son adhésion à l’UE, allant même jusqu’à exiger que cette dernière n’interfère pas dans sa législation. La Pologne, la Lituanie, la Slovaquie ou encore l’Irlande s’illustrent par des lois très coercitives. À Varsovie, l’intégrisme catholique a eu raison du droit à l’avortement, pourtant légalisé en 1956, en ne l’autorisant plus qu’en cas de viol, d’inceste ou d’anomalie du foetus. Victime de ce fondamentalisme, Alicja Tysiac est presque devenue aveugle lors de son troisième accouchement, des médecins refusant de reconnaître sa maladie oculaire. Cette négation du libre choix a vu fleurir des réseaux d’avortement clandestin.

Dans la Pologne puritaine, on n’avorte pas, mais il est de notoriété publique que des cabinets privés de gynécologues pratiquent l’IVG. Cette politique de l’autruche a ouvert la voie à un marché noir de l’avortement où les prix pratiqués équivalent à un mois de salaire moyen national. Faute de vouloir légiférer en faveur du libre choix des femmes, les États laissent s’institutionnaliser l’avortement clandestin, coûteux, voire dangereux. Dans les pays où des lois de délai existent, on assiste aussi à des régressions. « En ce qui concerne la liberté des femmes à disposer de leur corps, les acquis ne sont pas immuables et exigent une vigilance de tous les instants », a averti, il y a un an, le Conseil économique, social et environnemental (Cese). Le manque de moyens octroyés à l’éducation sexuelle, à la contraception et à la reproduction, et la faiblesse des missions gouvernementales en direction des plus jeunes et des populations immigrées originaires de pays où l’usage des contraceptifs est marginal, voire inexistant, contribuent à des reculs des droits et des pratiques. Les cliniques privées estiment que l’IVG est un acte peu rentable. Côté public, le désengagement financier de l’État a conduit en premier lieu à sacrifier les centres pratiquant l’avortement.

Quant à l’Union européenne, si prompte à déclarer sa non-ingérence dans les politiques nationales dans ce domaine, elle a désormais franchi la ligne rouge. Obsédée par la ratification irlandaise au traité de Lisbonne, elle n’a pas hésité à faire les yeux doux aux catholiques du mouvement Coir, anti- IVG notoires, en les confortant dans leur obsession du droit à la vie en échange de lwww

CATHY CEÏBE

Repères :

Selon des ONG polonaises, le nombre d’avortements clandestins pratiqués chaque année dans le pays s’élèverait à 180 000 en raison de l’absence d’une politique adéquate d’éducation sexuelle, de prévention et de contraception. Par ailleurs, on estime qu’en Autriche, en Espagne ou encore au Portugal, le coût d’une IVG varie entre 300 et 800 €.


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