Après le référendum irlandais : Que vaut donc cette Europe qu’il est impossible de faire évoluer autrement que comme le veulent les gardiens du temple de la concurrence libre et non faussée ?

samedi 10 octobre 2009.
 

Pas la peine que je décrive ma méchante humeur à propos du résultat du référendum en Irlande. Les camarades qui ont fait l’aller retour pour la campagne là bas en ont également gros sur le cœur. En particulier François Delapierre qui a interrompu sa campagne législative dans les Yvelines pour aller faire sur place meeting et conférence de presse. Je crois que ça vaut la peine de rappeler ce qui s’est passé pour prendre la mesure du chantage auquel ont cédé les Irlandais. Déjà commençons par aller là où ont commencé les grands esprits qui veillent sur la bonne suite du Traité de Lisbonne. Comment faire revoter le peuple irlandais sur ce Traité, sans rien changer à ce texte ? C’est le défi auquel le Conseil européen des 18-19 juin 2009 a répondu. Un tour de passe passe juridique fin comme une dentelle.

Les conclusions du Conseil évoquent ainsi une « série d’arrangements afin de rassurer le peuple irlandais et de prendre en compte ses préoccupations ». Ces « arrangements » consistent à faire figurer en annexe des conclusions du Conseil une « décision relative aux préoccupations du peuple irlandais » ainsi qu’une « déclaration solennelle sur les droits des travailleurs ». Ces deux textes devraient être repris dans un futur protocole qui serait lui-même annexé aux traités européens à l’occasion de la conclusion d’un prochain traité d’adhésion. Ca fait bien des conditionnels, non ? En fait vous avez bien lu. C’est-à-dire qu’il s’agit ici d’une échéance totalement inconnue. Quelle est donc la portée de tout ça ? Pas grand-chose à en croire le Conseil lui-même. Car celui-ci a pris soin de bien préciser que ce protocole « n’aura aucune incidence sur les relations entre l’UE et ses Etats membres ». Et les gogos qui seraient tentés de solliciter trop le texte reçoivent un ultime coup de massue sur la tête car il est bien précisé que ce protocole « clarifiera, mais ne modifiera pas le contenu ou l’application du Traité de Lisbonne ».

En résumé, il ne s’agit donc pas de changer quoi que ce soit mais de clarifier les choses pour un peuple qui est réputé ne pas avoir compris le Traité. Au demeurant le détail de ces garanties met encore plus en lumière certaines horreurs du Traité de Lisbonne. On y apprend par exemple qu’ « aucune disposition du Traité de Lisbonne ne modifie de quelque manière que ce soit l’étendue ou la mise en œuvre de la compétence de l’UE en matière fiscale ». Autrement dit : le dumping fiscal pourra continuer, sans que l’Europe n’y fasse rien. Et en matière sociale, les garanties apportées sont tout aussi vides puisque le Conseil s’est contenté de « confirmer » « la grande importance attachée par l’Union à un certain nombre de questions sociales, y compris les droits des travailleurs ». Car au-delà des belles intentions, l’harmonisation sociale sera toujours interdite. Une fois mis en place un tel cadre, les méthodes de conviction ont été du même tonneau.

La campagne odieuse du Oui en Irlande

Quelle orgie oui-ouiste ! Ils s’y sont tous mis, pour de bon. Gouvernement, commission européenne, églises de tous bords au premier rang. Mais aussi les organisations patronales avec une grande campagne de mensonges : « Yes for jobs » ! Les médias aussi, off course. Un bon rendement financier a la clef, en toute indépendance et éthique, cela va de soi. Ainsi quand ils ont publié contre menue monnaie le supplément édité par la Commission européenne dans tous les journaux de dimanche dernier. Sans droit de réplique ca va de soi puisque c’est de la publicité ! Ensuite les grandes entreprises, elles aussi, s’y sont mises. Comme la compagnie low cost Ryanair qui a dépensé un demi-million d’euros pour le oui avec une campagne insolente et injurieuse sous le slogan : « seuls les losers votent non ». Le premier ministre Cowen, a manœuvré ses concitoyens comme du bétail. Il leur a affirmé qu’un nouveau non remettrait en cause les aides européennes à l’économie irlandaise, notamment les garanties financières apportées par la BCE, ce qui n’a pourtant aucun fondement légal. Il a plus largement prédit une « incertitude extraordinaire » sur l’avenir de l’Irlande en cas de Non. Si le premier ministre peut mentir et menacer de cette façon, on devine qu’il a ouvert la voie à tous les abus.

Monsieur Barroso s’y est engouffré, avec sa légèreté habituelle. Lors de sa visite en Irlande le 22 septembre, il est allé jusqu’à laissé planer le doute sur l’appartenance de l’Irlande à l’UE en cas de nouveau non : « Pour parler franchement, il y a des doutes sur la situation de l’Irlande à l’avenir dans l’UE. » a-t-il insinué ! Et il s’est livré à un véritable chantage à propos du commissaire européen : « La seule façon pour l’Irlande d’assurer qu’elle aura toujours un commissaire est de voter oui (au traité de) Lisbonne. Dans le cas contraire, bien entendu, nous devons réduire le nombre de commissaires. Cela figure dans les traités actuels et nous sommes légalement obligés de le faire » (entretien au Irish Times). Ce chantage est une pure manipulation car dans tous les cas le nombre de commissaires sera réduit et l’Irlande n’aura aucune garantie de conserver toujours un commissaire. Pas plus que la France, d’ailleurs ! C’est bien le problème et ma conclusion.

Que vaut donc cette Europe qu’il est impossible de faire évoluer autrement que comme le veulent les gardiens du temple de la concurrence libre et non faussée ? Pour moi, la preuve est donnée qu’il ne peut rien en venir de bon. Je déchante. Mes rêves de démocratisation, de Constituante européenne, d’harmonisation sociale sont des songes creux. Rien ne peut être fait dans ce cadre. Les Français n’ont qu’eux mêmes pour se protéger. Non seulement sans l’Europe, mais contre elle.


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