22 septembre 2009 La loi Hadopi est adoptée

mercredi 23 septembre 2009.
 

Loi « Hadopi - 2 » (« protection pénale de la priorité littéraire et artistique sur Internet »)

B) Articles mis en ligne sur notre site concernant Hadopi

Hadopi : quel joli nom pour une loi absurde et liberticide (Acrimed)

Pourquoi nous avons voté contre la loi Hadopi (Jean-Luc Mélenchon)

Priorité de Sarkozy : Faire voter Hadopi, une loi pour ses potes de l’industrie du disque. Par contre, les gamins victimes d’inceste, rien à foutre, ça rapporte pas un kopeck (article Rue 89)

Hadopi : Sommes-nous encore en démocratie ? (par Bernard Langlois, Politis)

A) Intervention de Martine Billard à l’Assemblée Nationale sur l’HADOPI II

Intervention de Martine Billard, députée de Paris en Discussion générale sur les conclusions de la CMP

Le but de cette loi « Hadopi-2 » sur Internet est ni plus ni moins de passer outre, de façon scandaleuse, la censure constitutionnelle du 10 juin 2009.

A cet énième épisode du feuilleton Hadopi, j’ai l’impression que nous n’avons pas avancé depuis 2005 et j’ai l’impression d’écouter les mêmes arguments que sur la loi DADVSI. Le gouvernement de l’époque nous expliquait qu’il avait compris et que la répression n’était qu’une étape, mais que - promis, juré, - l’offre payante allait se développer sur Internet. Les ministres de la Culture se sont succédé depuis mais les promesses, elles, ne se sont pas renouvelées.

Après les cafouillages de la loi Hadopi-1, censurée par le Conseil constitutionnel, vous pensez donc clore ainsi la série « Hadopi-2 », mais la question de l’inconstitutionnalité d’Hadopi-2 que nous avons soulevée en juillet reste intacte ; de même que reste malheureusement intacte les questions de la rémunération des artistes et du financement de la création auxquelles vous n’apportez pas un centime de plus avec le dispositif prévu. Plutôt que d’annoncer déjà « Hadopi-3 », tel un aveu de l’indigence de cette loi Hadopi-2 arrivée en fin de navette, il serait grand temps de réconcilier artistes, internautes et fournisseurs d’accès en réunissant tous les acteurs des cultures numériques autour d’une table, et ne pas se contenter de ne parler qu’à ceux qui ont les faveurs de l’Elysée.

Monsieur le ministre : obstination n’est pas raison.

Le fait que le Président de la République tienne tant à satisfaire ses promesses faites aux multinationales de la communication et du divertissement - comme il l’a rappelé dans son discours du Versailles du 22 juin - ne légitime en rien la grave attaque à la neutralité des réseaux qui est en oeuvre avec le dispositif Hadopi.

L’obstination d’un petit cercle d’élites du monde politique et des industries culturelles ne donne pas raison au vote de cette loi Hadopi-2 dont le but est ni plus ni moins de passer outre, de façon scandaleuse, la censure constitutionnelle du 10 juin 2009. Vous piétiner l’esprit des principes alors énoncés par le juge constitutionnel, en réintroduisant (à l’article 3) la suspension de la connexion à Internet (jusqu’à une durée d’un an) transformée en peine complémentaire au prononcé d’une peine d’amende ou de prison par le subterfuge de l’ordonnance pénale. Et - peut-être pire encore - vous rétablissez (à l’article 3 bis) la présomption de culpabilité de l’internaute, par la création d’une contravention pour les abonnés qui n’auraient pas suffisamment contrôlé leur accès Internet et permis ainsi un téléchargement illégal. Un abonné pourra donc voir sa connexion suspendue en raison d’actes illicites de tiers.

La décision du Conseil Constitutionnel du 10 juin 2009, suite à la saisine des députés de l’opposition a censuré sévèrement la volonté gouvernementale d’accorder à une simple autorité administrative le droit de sanctionner les internautes. C’est donc le juge judiciaire qui doit être chargé de prononcer d’éventuelles sanctions, notamment la suspension de l’abonnement. Vous aviez pourtant été avertis non seulement par l’opposition mais y compris par des députés de votre propre majorité, de l’inconstitutionnalité du dispositif que vous proposiez, ce qui n’empêchait certes pas la ministre et l’UMP de nous répondre qu’ils n’étaient pas inquiets. Vous auriez visiblement dû l’être un peu plus.

Le Conseil Constitutionnel considère que « la liberté de communication et d’expression implique aujourd’hui, eu égard au développement généralisé d’Internet et à son importance pour la participation à la vie démocratique et à l’expression des idées et des opinions, la liberté d’accéder à ces services de communication au public en ligne ». Ce que nous avions dit et répété notamment en nous appuyant sur les votes réitérés du Parlement européen que votre majorité a tant pris de haut en répétant que l’accès à internet n’était pas un droit fondamental. Pour le groupe GDR, cette prise de position très claire du Conseil Constitutionnel consacre ainsi l’importance d’internet dans nos sociétés, et ce à un moment où plusieurs pays - l’Iran, la Chine par exemple - ne rêvent que de le corseter.

Le Conseil constitutionnel a également précisé en juin dernier dans un communiqué de presse : « le législateur ne pouvait, quelles que soient les garanties encadrant le prononcé des sanctions, confier de tels pouvoirs à une autorité administrative dans le but de protéger les titulaires du droit d’auteur. Ces pouvoirs ne peuvent incomber qu’au juge ». Cette décision est claire : Il ne peut donc y avoir de délégation de compétence au profit de l’Hadopi concernant les sanctions. L’Hadopi devra donc se contenter de transmettre à la justice des délits présumés. « Cette autorité ne dispose plus que d’un rôle préalable à une procédure judiciaire » indique la décision du Conseil Constitutionnel.

Par ailleurs, s’agissant de la présomption d’innocence et du constat de la matérialité de l’infraction : le Conseil constitutionnel a rappelé qu’ « en droit français c’est la présomption d’innocence qui prime » et qu’ « en vertu de l’article 9 de la Déclaration de 1789, tout homme est présumé innocent jusqu’à ce qu’il ait été déclaré coupable ». Ce qui signifie que toute personne poursuivie pour une infraction ne peut être considérée comme coupable avant d’avoir été jugé comme telle. Il en résulte qu’il ne saurait exister en matière pénale de « présomption de culpabilité » et donc de sanction privative de droits avant toute décision de justice.

Or, qu’en est-il du texte Hadopi-2, sur lequel nous avons tenté, une nouvelle fois en juillet dernier, de vous ramener à la raison !

Certes l’Hadopi 2 redonne à la justice ce que l’Hadopi 1 lui avait volé, mais c’est pour aussi tôt remettre en selle des dispositions tout aussi critiquables :

le fichier des FAI n’est plus national, mais les informations devront être transmises, sous une forme peu précise dans le texte, aux sociétés de perception des droits. le délit de non sécurisation de l’accès internet a été réintroduit. des dispositions censurées par le Conseil constitutionnel relatives à la suspension de la connexion interne ont été réinsérées. enfin, le système de « l’ordonnance pénale », écarté lors de l’examen de la loi sur la simplification du droit, est abusivement introduit dans le domaine du droit d’auteur ! Vous avez fait fort ! Face à la question délicate du droit d’auteurs et de la difficulté technique de prouver les infractions, vous sortez la massue de la justice d’abatage, au moyen d’une procédure jusqu’à maintenant prévue pour les contraventions au Code de la route pour lesquelles l’existence matérielle des actes est simple à établir et difficilement discutable.

L’ordonnance pénale est donc la solution que vous avez trouver pour maintenir une justice expéditive suite à l’obligation qui vous a été faite par le Conseil constitutionnel de déférer les faits incriminés devant une instance judiciaire. Cette extension d’une procédure écrite, sans qu’à aucun moment la personne mise en cause ne soit entendue par l’autorité judiciaire, tourne le dos à un principe essentiel de notre droit. La procédure contradictoire est de droit commun et la Cour de Cassation comme le Conseil d’État y reste fidèle. De plus, c’est une cour à juge unique qui rendra justice sur la base de faits presque exclusivement établis par la seule Hadopi et contrairement à ce qui a été dit en commission par le rapporteur, les agents de l ’Hadopi ne peuvent être assimilés à des officiers de police judiciaire en ce qu’ils n’ont pas, et heureusement, de pouvoir de perquisition qui leur permettrait d’établir les faits avec plus de précision que la simple transmission par les sociétés d’ayants droits d’adresses IP relevées lors d’échanges peer-to-peer.

Rapide et sans publicité, le recours systématisé à la procédure de l’ordonnance pénale porte atteinte à qualité de la justice du fait de ses particularités qui ne sont pas sans conséquence. De plus, vous créez une exception dans l’exception, puis qu’en l’occurrence, l’ordonnance pénale exclut la possibilité de réclamer des dommages et intérêts ! En permettant spécifiquement pour les atteintes au droit d’auteur de demander des dommages et intérêts dans le cadre de la procédure d’ordonnance pénale, vous créez un monstre juridique. Vous ajoutez ainsi une nouvelle peine aux quatre déjà pré-existantes : coupure de la connexion, maintien du paiement de l’abonnement, amendes et peines de prison possibles et donc dommages et intérêts sans procédure contradictoire !

Dans Hadopi-2, le renversement de la charge de la preuve réapparait ; ce qui revient à réintroduire la présomption de culpabilité à l’égard du titulaire de l’accès à internet. Vous avez été contrains d’accepter en commission de modifier la rédaction de l’article 1er en précisant qu’il s’agit de « faits susceptibles de constituer des infractions » et non « d’infractions ».

Mais malgré votre obstination à nier la réalité technique de l’Internet depuis le début des débats sur Hadopi, les faits sont impeccablement têtus ! Le seul relevé d’adresses IP, sans saisie de l’ordinateur de l’abonné, conduit à 30% ou 40% de faux positifs. Ce sera donc au titulaire de la connexion de prouver qu’il n’a pas commis l’infraction qui lui est reprochée. C’est d’autant plus une violation du droit de la défense que la personne mise en cause ne sera pas obligatoirement consultée pour présenter ses observations.

Cette infraction de négligence est prévue dans un décret qui viserait à punir le titulaire d’un abonnement internet qui aurait « laissé par négligence, au moyen de son accès à Internet, un tiers commettre une des infractions.

Il s’agit d’une atteinte évidente au principe de la présomption d’innocence : celui qui sera poursuivi devra prouver, qu’il n’a pas fait preuve de négligence : là encore, un renversement de la charge de la preuve qui est inconstitutionnel. Cet article scandaleux est également contraire au principe de personnalité des délits et des peines. Un abonné pourra voir sa connexion suspendue en raison d’actes illicites de tiers !

En conclusion de ce feuilleton Hadopi-2 qui ne s’achève non pas aujourd’hui mais s’achèvera au rendu de la décision du Conseil constitutionnel à son sujet suite à la nouvelle saisine que l’opposition va déposer, et sans attendre la nouvelle série Hadopi-3 qui nous a déjà été annoncée, il nous faut une nouvelle fois dénoncer l’hypocrisie de ce texte qui n’a pas pour objectif d’empêcher le téléchargement sans respect des droits d’auteurs de toutes les œuvres circulant sur internet. Cette loi a pour unique objet de protéger les intérêts de quelques auteurs parmi les plus connus et ceux des sociétés les produisant et les commercialisant. Ses dispositions créent des inégalités de traitement parmi les auteurs et créateurs. Elle recherche la protection des droits patrimoniaux pour ceux qui en perçoivent le plus, mais oublie la protection du droit moral des auteurs, comme l’a d’ailleurs démontré votre obstination à refuser la protection des licences libres comme Creative commons. Vous refusez toujours de réfléchir à un autre modèle du type de la contribution créative. Vous vous arc-boutez à un modèle impossible.

La grande majorité des auteurs ne verront toujours rien venir si ce n’est le mirage de la répression censée endiguer une technologie du 21ème siècle, en partant d’une réflexion du 20ème siècle.

Les députées communistes, du Parti de Gauche, des Verts et ultra-marins du groupe GDR se prononcent contre les conclusions de la CMP sur le projet de loi relatif à la protection pénale de la priorité littéraire et artistique sur Internet


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