Débat avec Alain Minc. La crise financière va rebondir

samedi 26 septembre 2009.
 

Retour à Lyon. J’avais donc un débat avec Alain Minc.

Il s’agissait d’un débat demandant si le logiciel social démocrate est toujours d’actualité. Un peu curieux dans la mesure où ni l’un ni l’autre ne sommes favorables à la social démocratie. Certes c’est pour des raisons diamétralement opposées. Mais disons que cela a un peu poussé la discussion dans des directions éloignées du thème lui-même. En réalité nous avons parlé de l’avenir du système capitaliste. Il y a eu un moment formidable quand est venue la question de la dette. Minc a eu cette franchise terrible qui l’honore quand il a fini par dire que la dette, à ce niveau, ne s’épongeait plus que de deux manières, par la guerre ou par l’inflation. C’est exactement ce que je pense aussi. La crise peut se lire comme un effet d’ajustement de la masse des signes monétaires avec la valeur réellement produite. L’écart étant de un à cinquante aujourd’hui on voit que le système, secoué à mort, ne tient que d’un fil nommé « la confiance ». A tout instant il peut turbuler. Bien malin qui peut jurer que l’inflation puisse être maitrisée comme un processus progressif et contenu et ne pas exploser au contraire d’une seule étincelle. Cela m’amène sur le sujet de l’état de la crise financière.

La crise financière va rebondir

Les bulles financières entrent dans une nouvelle phase de dilatation. Elles sont en voie de reconstitution avant même d’avoir été épongées. Les centaines de milliards injectés par les Etats pour sauver les systèmes bancaires n’ont pas été accompagnés de contreparties sérieuses pour changer les pratiques financières et bancaires. Résultat, ils ont regonflé la bulle financière et bancaire, en ajoutant à celle-ci une bulle supplémentaire d’endettement public notamment américain.

La preuve : les marchés boursiers sont en hausse depuis 6 mois, alors que l’activité réelle n’a pas repris et que le chômage augmente massivement. N’oublions pas que 200 000 emplois industriels ont été supprimés en France depuis 1 an. Pourtant le CAC 40 a repris 55 % depuis son plancher de mars 2009. Cette valeur financière ne correspond à aucune nouvelle valeur réelle créée puisque sur la même période le PIB français a baissé de 1,2 %. La financiarisation de l’économie continue en toute impunité. Le système bancaire est revenu a ses pratiques initiales, soit pour boucher ses trous soit pour pouvoir afficher de nouveau des résultats de nature a « rétablir la confiance », c’est-à-dire a empêcher les retraits qui seraient bien vite incompensables. Voyons.

L’Etat a versé 21 milliards d’aides publiques en capital aux banques françaises. Dans le même temps la France a connu une restriction historique du crédit aux particuliers et aux PME. Selon la Banque de France : l’encours des crédits aux entreprises a baissé pour la première fois depuis 10 ans en juillet 2009. Cette baisse historique concerne aussi bien les crédits d’investissements que les crédits de trésorerie. Le même mois les défaillances d’entreprises ont augmenté de 18 % ! Les banques françaises ont pourtant recommencé à dégager des profits dès le 1er semestre 2009. Cela signifie qu’elles ont utilisé les aides publiques pour investir sur les marchés financiers plutôt que pour financer l’économie.

Exemple de la BNP. Elle a reçu 5,1 milliards d’euros d’aides publiques. Elle annonce 1,6 milliards de bénéfices au 1er semestre 2009. Cette même banque a provisionné 1 milliard (ramenés à 0,5 milliards) en bonus pour les traders en août 2009. C’est-à-dire 10 % de l’aide publique reçue qui va passer directement dans la poche des traders. Ainsi on voit comment par tous les aspects le système se montre absolument incapable non seulement d’affronter les conséquences de ses pratiques mais seulement de les corriger.

Le danger d’emballement tient à la convergence des facteurs qui peuvent effondrer le système. Ainsi la financiarisation de l’économie réelle. Je parle des LBO. Technique d’achat de société ou l’acheteur s’endette à 80% du prix d’achat et se rembourse en dépeçant l’entreprise achetée. C’est à présent la nouvelle bombe qui menace l’industrie et les banques. En effet cette merveille de bidouillage de rapace est doublement explosive : il gonfle la masse de créances à risques dans l’économie et fragilise les entreprises ainsi rachetées par une gestion à court terme qui vise juste à aspirer leur trésorerie. Or, depuis 4 ans, le marché des LBO a triplé en Europe. 140 milliards d’euros de prêts ont encore été accordés en LBO par les banques en 2007, dont 20 milliards en France. Autant dire que le crédit n’est pas rare pour tout le monde. Avec le retournement de l’activité, une grande partie du système des LBO est menacé d’effondrement. A la fin 2008, 70 % des sociétés sous LBO ne respectaient pas leurs clauses de prêts auprès des banques. « Continental » en est un exemple annonciateur. C’est à cause du rachat en LBO, garce à 16 milliards d’emprunts de Continental par le groupe Schaefler, 3 fois plus petit que lui, que l’entreprise est aujourd’hui liquidée. Alors qu’elle est bénéficiaire notamment dans sa branche pneu dont fait partie l’usine de Clairoix.

Aucune leçon n’est pour l’instant tirée pour stopper ces mécanismes destructeurs. Au contraire, c’est justement à un fond LBO, le fond américain HIG, que le gouvernement a confié la reprise de l’usine Molex de Villemur sur Tarn. Tout cela n’a rien de marginal. Il s’agit d’un risque majeur pour la France. Dans notre pays, près de 5000 entreprises, aussi diverses qu’il est possible de l’être, comme Picard et Arena ou Télé Diffusion de France, et plus de 1,5 millions d’emplois sont aujourd’hui sous LBO. Cela représente une masse d’emplois égale à celle du total des entreprises du CAC40 ! Ce n’est pas tout. A ce risque d’implosion locale, s’ajoute le risque importé du fait des engagements des banques françaises sur l’étranger. Les banques françaises sont aussi lourdement exposées au niveau mondial. 8,9 milliards d’euros pour BNP Paribas, 6,5 milliards pour le Crédit agricole, 6,2 milliards pour Natixis et 5,6 milliards pour la Société générale.

J’en reste là pour limiter vos cauchemars. Sachez seulement que le scénario latino américain, celui d’une transition provoquée par l’auto blocage du système est inscrit dans ce que je viens de décrire et que cela oblige à penser avec sérieux nos propres stratégies à gauche pour le prendre en compte.


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