Le Honduras, ligne de front du combat pour la démocratie (par Attac France)

mercredi 19 août 2009.
 

Le coup d’Etat du 28 juin 2009 contre le président élu du Honduras, Manuel Zelaya, a fait de ce petit pays centraméricain la ligne de front du combat pour la démocratie en Amérique latine. Les putschistes civils et militaires, véritable concentré de l’oligarchie locale, sont en train d’installer une dictature dont la région a une tragique expérience : assassinats (déjà au moins une dizaine), disparitions, tortures - notamment par le sinistre Bataillon 3-16 créé par la CIA dans les années 1980 -, arrestations par milliers, contrôle absolu des médias, etc.

Pour exiger le retour à l’ordre constitutionnel, donc le rétablissement du président Zelaya dans ses fonctions, et face à l’intensification de la répression, les forces populaires regroupées dans le Front national de résistance ont adopté une stratégie d’actions non violentes. Des éléments provocateurs à la solde des putschistes tentent cependant de les dévoyer pour justifier les exactions de l’armée et de la police. Le courage des démocrates honduriens force l’admiration et le mouvement Attac leur témoigne sa totale solidarité.

Naturellement, cette solidarité est particulièrement forte en Amérique latine, aussi bien chez les mouvements sociaux et citoyens que chez les gouvernements regroupés dans l’Union des nations sud-américaines (UNASUR). Ces derniers viennent de réitérer leur exigence d’un retour immédiat et inconditionnel de Manuel Zelaya au pouvoir, et leur refus de reconnaître toute future élection qui serait organisée par les putschistes dans l’ambiance de terreur que l’on peut imaginer. Le régime de facto a en effet décidé de jouer la montre jusqu’à une « élection » présidentielle sur mesure, en spéculant sur la lassitude de l’opinion internationale et surtout sur la complaisance, confinant à la complicité, de Washington.

On sait en effet que les conseillers militaires et les diplomates américains en poste à Tegucigalpa étaient parfaitement au courant du coup d’État en préparation, et que, dans l’hypothèse la plus optimiste, ils n’ont rien fait pour le prévenir. Ce qui explique les premières déclarations embarrassées du département d’État renvoyant dos à dos Manuel Zelaya et les auteurs du putsch. Si ces derniers ont ensuite fait l’objet d’une condamnation, rapidement expédiée, de Barack Obama, il est patent que le gouvernement américain n’utilise pas les moyens dont il dispose pour faire pression sur les putschistes. Il s’est contenté de « suspendre » sa coopération militaire avec eux, alors qu’un blocage de leurs comptes en banque aux États-Unis et un refus de tout visa d’entrée dans ce pays serait d’une immédiate efficacité.

Le double discours de l’administration américaine sur le Honduras obéit à une politique en parfaite continuité avec celle de George Bush, mais avec un degré de sophistication nettement supérieur. Il s’agit pour elle de tenter – jusqu’à présent sans succès – de freiner, voire faire échouer un processus d’unification de l’Amérique latine qui, comme dans l’UNASUR, se fait sans les États-Unis. Plus spécifiquement, il s’agit d’endiguer le succès croissant de l’Alliance bolivarienne des peuples d’Amérique (ALBA), à laquelle Manuel Zelaya avait fait adhérer le Honduras et qui compte désormais neuf Etats membres [1].

Enfin, dans la plus classique tradition impériale, il s’agit pour elle de disposer de nouvelles bases militaires pour mieux contrôler la région, voire y intervenir. À cet égard, la décision du président Alvaro Uribe d’autoriser le Pentagone à déployer des effectifs dans sept bases situées en territoire colombien apparaît comme une véritable provocation à l’égard des autres pays d’Amérique du Sud, et tout particulièrement de l’Equateur et du Venezuela. Sans compter celles de Porto Rico, ces bases s’ajouteront à celles de Guantanamo (Cuba), Soto Cano (Honduras) et Comalapa (El Salvador).

Derrière l’obamania qui déferle sur le monde entier, se dissimule une stratégie inchangée de domination des États-Unis sur ce qu’ils désignaient autrefois comme leur « arrière-cour » : l’Amérique latine. Au Honduras, l’enjeu est double. D’abord, l’avenir des gouvernements engagés dans des transformations sociales en profondeur et qui, sur le « modèle » de Tegucigalpa, peuvent faire l’objet de tentatives de déstabilisation par les oligarchies locales. Ensuite, alors que commencent les commémorations du bicentenaire des indépendances latino-américaines contre les puissances européennes, l’impératif de la conquête d’une seconde indépendance, celle-ci à l’égard des États-Unis.

Le rétablissement du président Zelaya dans ses fonctions est donc une priorité démocratique pour Attac. Une journée internationale de solidarité avec le Honduras a déjà eu lieu le 11 août, à l’initiative de Via Campesina et, en France, de la Confédération paysanne, d’Attac, de syndicats et de partis. Attac appelle tous les mouvements sociaux et citoyens à témoigner leur solidarité envers la résistance hondurienne, en premier lieu par l’information sur les combats qu’elle mène. Elle demande aux parlementaires nationaux et européens d’être particulièrement vigilants à l’égard du comportement des gouvernements et des institutions européennes sur cette question. L’atlantisme, qui est une seconde nature pour eux, ne peut en effet que les inciter à s’aligner sur les positions de Washington.

AttacFrance,

Montreuil, 17 août 2009.

Note

[1] L’Alba regroupe neuf Etats : trois d’Amérique du Sud (Bolivie, Equateur, Venezuela) ; deux d’Amérique centrale (Honduras et Nicaragua) ; et quatre des Caraïbes : Cuba, la Dominique, Saint-Vincent et les Grenadines, Antigua et Barbuda, ces trois derniers de langue anglaise. L’Alliance est fondée non sur le principe de concurrence, mais sur ceux de coopération et de complémentarité prenant en compte les asymétries entre pays membres. Elle est en train de se doter d’un instrument monétaire commun, le SUCRE Attac France


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