Les retraites des mères dans le collimateur

lundi 17 août 2009.
 

Scandale . Un nouveau coup bas de l’été à droite. Le ministre du Travail veut s’attaquer aux annuités accordées aux salariées qui ont des enfants. Au nom de « l’égalité » avec les hommes !

C’est l’une des très fâcheuses habitudes de la droite : plus qu’une simple mauvaise manière, le grand sport de l’UMP en cette période, c’est le mauvais coup estival. Contrat nouvelle embauche (CNE), « autonomie » des universités, bouclier fiscal, travail du dimanche, etc. Depuis des années, on le sait, les gouvernements successifs profitent allègrement de la trêve des vacances pour faire passer des « réformes » qui bouleversent le modèle social français. Et dès lors, quand l’« entourage » de Xavier Darcos, devenu ministre du Travail depuis le dernier remaniement, souffle au beau milieu du mois d’août à l’AFP que le gouvernement envisage d’introduire la « réforme des avantages accordés aux mères en matière de retraite » dans le projet de budget 2010 de la Sécurité sociale (PLFSS), on tend l’oreille, forcément. Pour l’heure, l’information ressemble à un « ballon d’essai », destiné à tester les réticences et les résistances potentielles. Les ministres « réfléchissent », nous promet-on, rien n’est fait, rien n’est décidé, la « concertation » n’est pas terminée… Et que nous dit-on chez Xavier Darcos ? Que le gouvernement veut un « consensus » sur la question dès la rentrée ! Résultat pour l’heure ? Une grande réussite : voilà que tout le monde se lève pour défendre les droits des femmes…

L’occasion fait le larron

Depuis 1971, les femmes mères de famille et salariées dans le secteur privé peuvent se prévaloir du dispositif de majoration de durée d’assurance. C’est à ce système conçu pour compenser les inégalités entre hommes et femmes au travail et face à la retraite que le gouvernement veut s’attaquer. Jusqu’à aujourd’hui, une mère peut valider huit trimestres de retraite par enfant élevé avant seize ans et elle n’est pas obligée d’avoir arrêté son activité pour prétendre à ce qui est indûment appelé « avantage familial ». Il y a quelques années, sous couvert, déjà, d’égalité entre les hommes et les femmes, la droite avait bouleversé le système dans la fonction publique en raccourcissant la bonification pour la retraite (passée de deux ans à six mois) afin de l’offrir aux pères comme aux mères. Puis, à l’hiver dernier, c’est encore au prétexte de la lutte contre les discriminations que la Haute Autorité de lutte contre les discriminations (HALDE) et ensuite la Cour de cassation ont accordé à un père ayant élevé ses enfants le bénéfice des majorations de durée d’assurance. « Il y a une insécurité juridique qui nous oblige à légiférer rapidement », argue-t-on au ministère du Travail. Le gouvernement s’engouffre aujourd’hui dans la brèche pour s’attaquer aux retraites des mères de famille, dans un contexte de « remise à plat » future du régime général. Selon Danièle Karniewicz, présidente CGC de la Caisse nationale d’assurance vieillesse, le gouvernement étudie plusieurs pistes. Alors que les pensions accordées aux femmes sont inférieures de moitié à celles accordées aux hommes et que, faute d’être parvenue à valider un nombre suffisant de trimestres pour prétendre à une retraite à taux plein, plus d’une femme sur deux ayant pris sa retraite ces dernières années a vu sa pension du régime général portée au minimum contributif, la piste qui semble aujourd’hui privilégier par le gouvernement consisterait à partager les bonifications pour les retraites entre l’homme et la femme. Vive l’égalité et vive le partage ?

Dégradation des droits des femmes

Dans un communiqué publié hier, la CGT se dit « déterminée à ne pas laisser passer ce qui aurait de graves conséquences pour la situation des femmes en matière de retraite ». Selon le syndicat, le droit aux majorations de durée d’assurance pour les femmes « doit être préservé et peut être juridiquement sécurisé en le rattachant à l’accouchement et à la maternité » : « Aller vers un "partage" de ce droit entre hommes et femmes, à financement constant, conduirait inexorablement à une dégradation du droit des femmes, alors même que leur situation en matière de retraite est marquée du sceau de l’inégalité. » À la CFTC, Pascale Coton avertit : « Si la situation des femmes devient moins bonne, on montera au créneau pour dire que ça suffit. » Pour la CFDT, Jean-Louis Malys n’est pas « contre une réforme du système mais en l’améliorant et non en aggravant la discrimination » : « Le système actuel n’est déjà pas suffisant pour les femmes », estime-t-il. Dans un communiqué, le PS dénonce la « rapidité suspecte avec laquelle le gouvernement travaille à la remise en cause des retraites des femmes ayant eu un ou plusieurs enfants. » Et Brigitte Dionnet, en charge de la parité au sein de l’exécutif national du PCF, interpelle : « Oui, nous voulons l’égalité entre les femmes et les hommes et oui nous la voulons par le haut ! Mais les trimestres supplémentaires pour la retraite des femmes avec enfant, ce n’est pas un "avantage" pour les femmes mais une infime compensation permettant un minimum de rattrapage de l’inégalité qu’elles subissent au travail et donc à leur retraite. Alors, si on peut souhaiter qu’elle puisse un jour disparaître, il faut tout faire pour que ce jour puisse venir en travaillant à faire disparaître les inégalités dans le travail et la famille. »

Thomas Lemahieu


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