La Commission européenne demande aux paysans français des Fruits et légumes 500 millions d’euros à rembourser. De quoi Bruno Le Maire est-il le ministre ?

mercredi 12 août 2009.
 

Agriculture. La France dispose de solides arguments pour refuser l’amende que la Commission européenne veut faire payer aux producteurs de fruits et légumes. Il suffit juste d’un peu de courage politique. Analyse.

L’empressement mis par Bruno Le Maire pour promettre à la Commission européenne de faire payer aux paysans français tout ou partie des 500 millions d’euros qu’elle réclame est stupéfiant. En premier lieu, le ministre veut faire payer par les paysans des décisions gouvernementales étalées sur dix ans. En second lieu, il s’abstient de regarder de plus près les distorsions de concurrence permanentes engendrées par le mammouth enrobé de mauvaise graisse bureaucratique qu’est devenue la Commission. Car, s’il souhaite défendre les maraîchers et les arboriculteurs français, le ministre de l’Agriculture dispose d’une bonne batterie d’arguments. Quand les premiers versements aujourd’hui contestés ont commencé en 1992, les producteurs français de fruits et légumes étaient confrontés à la concurrence de deux pays (l’Espagne et l’Italie) qui venaient de dévaluer leur monnaie pour être plus performants à l’exportation.

Quand d’autres aides ponctuelles ont été versées plus tard à des coopératives de stockage ou pour financer des politiques de retraits de produits du marché, ce fut toujours dans des circonstances de crise aiguë et d’effondrement des cours. Ces aides ponctuelles ont servi à limiter le nombre des dépôts de bilan. Elles n’ont enrichi aucun paysan car tous perdaient de l’argent.

Quand des étés difficiles se sont succédé en France pour écouler la production fruitière et légumière nationale, ils résultaient presque toujours de politiques d’importations préventives pilotées par la grande distribution et ses centrales d’achat afin de créer dans l’Hexagone une offre artificiellement surabondante dans le seul but de faire baisser les cours à la production et d’augmenter les marges des distributeurs. À tel point qu’il a fallu, une année, recourir à un triple affichage des prix (producteurs, expéditeurs, distributeurs) dans les magasins pour pointer la lourde responsabilité des grandes surfaces dans le pillage du travail des paysans.

Mais la politique agricole européenne produit aussi des distorsions de concurrence. Durant de longues années, l’Espagne a bénéficié d’énormes sommes sous forme de fonds structurels européens dont beaucoup ont été utilisés en zones légumières et fruitières pour construire des serres, subventionner des systèmes d’irrigation et des outils logistiques performants de gestion et de transport. Leur cumul s’est traduit par d’importants gains de compétitivité en faveur des serres et des vergers espagnols. Ils sont depuis lors assimilables à des distorsions de concurrence en faveur de ce pays.

Depuis que la directive Bolkestein a été amendée et votée par une majorité de députés européens - dont ceux de la droite française et d’une majorité de sociaux-démocrates européens -, plusieurs pays membres de l’Union - dont l’Allemagne - améliorent leur compétitivité en fruits et légumes, en élevage porcin et dans l’industrie agroalimentaire en faisant travailler des salariés immigrés d’Europe centrale avec des contrats précaires aux conditions de rémunération du pays d’origine.

Pour peu qu’il en ait la volonté politique, le gouvernement français a donc les moyens de défendre ses agriculteurs face aux diktats de la Commission européenne et à l’incompétence notoire de sa commissaire en charge de l’Agriculture.

Depuis que Mariann Fischer Boel est commissaire à l’Agriculture, la main invisible des lobbies de l’agrobusiness transparaît plus que jamais à la lecture des directives et projets de réformes adoptés par la Commission et soumis au Parlement. Ce fut notamment le cas pour la réforme de l’Organisation commune du marché du vin adoptée en 2007. La même année, Pernod-Ricard, gros producteur de vins australiens, a, selon un article du Monde paru durant l’été 2008, dépensé 460 000 euros pour faire du lobbying auprès de la Commission. Cherchez le motif !

En 2009, le projet visant à faire du faux rosé et finalement retiré le 8 juin avait été proposé par le Comité européen des entreprises du vin (encore un lobby). La commissaire danoise l’a défendu bec et ongles avant de s’incliner faute de majorité.

Bruno Le Maire devrait méditer sur tous ces précédents !

Gérard Le Puill ( Auteur de Planète alimentaire : l’agriculture française face au chaos mondial. Pascal Galodé Éditeurs, 17 euros).


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