Dérive sectaire et santé : UNE MENACE BIEN RÉELLE

dimanche 9 août 2009.
 

Les précédents rapports de la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) nous avaient déjà alertés sur les risques réels que présente pour la santé le dévoiement des pratiques thérapeutiques et/ou psychothérapeutiques. Le dernier en date, paru en mai 2009, revient, une fois de plus, à la charge. Et le problème soulevé concerne directement nos sociétés : l’accompagnement psychologique est de plus en plus proposé aux publics fragilisés par la maladie, la dépendance, la recherche d’emploi, mais aussi pour faire face aux situations de crise ou répondre aux fléaux sociaux que sont la violence, la toxicomanie, la délinquance, le suicide… Les offres relatives au bien-être et à l’épanouissement personnel se multiplient avec, pour certaines, l’existence d’un risque réel pour la santé et, d’une façon générale, l’absence de toute évaluation sérieuse. Dès lors, comment protéger les personnes ?

Le sujet n’est pas mince. En France, une enquête datant de 2000 évaluait à 5,2%, la population générale ayant suivi ou poursuivant une psychothérapie. L’entourage étant fortement concerné, on estime aujourd’hui que ce type de soins a un impact sur une population d’environ 12 millions de personnes. La bulle « psy » explose. L’offre et la demande s’avèrent en pleine expansion, dans un contexte où beaucoup de personnes recherchent bien souvent un suivi non médical ou non institutionnel pour traiter leur malêtre ou parce qu’elles sont en quête de performance, voire de nouvelles valeurs. Les indications, elles aussi, s’étendent : anxiété, souffrance mentale, accompagnement de la personne au plan personnel, professionnel, scolaire, familial… Quant aux approches, très diversifiées, elles constituent un véritable maquis : pas moins d’une soixantaine d’organismes regroupant plus de 3 000 professionnels sont recensés par la Fédération française de psychothérapie et de psychanalyse (FF2P) et 38 méthodes différentes répertoriées (l’hypnose, la musicothérapie, l’analyse psycho-organique, la psychogénéalogie, les diverses psychothérapies et thérapies familiales, etc.). Devant un tel paysage, difficile pour l’usager d’effectuer un choix éclairé sur la technique la plus appropriée à sa situation.

Pas plus aisé de repérer le « bon praticien ». On en compterait quelque 15 000, dont 10 à 15 % de titulaires d’un doctorat de médecine dans la spécialité psychiatrie, 25 à 30% de psychologues en possession de masters en psychologie clinique, 15 à 20% de psychanalystes encadrés par leurs pairs et enfin 25 à 30% de professionnels se déclarant psychothérapeutes et présentant des parcours de formation pour le moins très hétérogènes. C’est sur ce dernier point que réside le vrai problème : le titre de psychothérapeute n’est toujours pas encadré, l’article 52 de la loi du 9 août 2004 attendant encore son texte d’application. Aussi la mouvance sectaire n’a-t-elle aucun mal à s’investir dans ce champ peu maîtrisé par les différents acteurs publics, professionnels et associatifs. En évolution constante, le nombre de pratiques et de méthodes varie entre 200 et 400. Pour autant, celles de nature sectaire sont identifiables. C’est le tout pouvoir du thérapeute, installé dans la toute puissance. C’est l’injonction de rupture avec la famille, l’embrigadement théorique, l’atteinte à l’intégrité psychique des patients, l’installation d’une relation d’emprise…

La situation est alarmante. Toutefois, rien n’interdit d’agir. La vigilance s’impose. La prévention et la lutte contre les charlatans qui se font passer pour des thérapeutes aussi. La transparence doit être de règle afin de limiter la dangerosité de certaines pratiques non conventionnelles à visée thérapeutique. La réglementation des formations et la protection du titre de psychothérapeute sont attendues avec impatience. Il s’agit ici de la qualité de l’offre en santé, de la protection et de la défense de la personne contre toutes méthodes et pratiques à visée thérapeutique dangereuses pour sa santé et attentatoires à sa liberté. Enfin, du rétablissement de la confiance dans des professions dont l’utilité ne saurait être contestée.

PAR JEAN-PIERRE FLEURY

RESPONSABLE EDITORIAL de Valeurs mutualistes


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