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En 2004, le Danemark a plus de préretraités (187 200) que la France (139 700) pour une population active dix fois plus faible. Avec les autres mesures de marché du travail, le nombre réel de chômeurs est 2,52 fois le nombre officiel. Le taux de chômage réel devient 14,65 % au lieu d'un taux officiel de 6,38 %. La tromperie est dévoilée. Avec une évolution de sa population active identique à celle du Danemark depuis quinze ans, non seulement la France n'aurait plus aucun chômeur officiel, mais le chômage réel serait résorbé pour l'essentiel. Et cela sans introduire une plus grande flexibilité des contrats de travail. Si de plus la France avait eu recours à la même proportion de préretraites que le Danemark (6,78 % de sa population active), le chômage réel aurait entièrement disparu et beaucoup d'emplois à temps partiel seraient redevenus des emplois à temps plein. Inversement, si la population active du Danemark avait augmenté dans la même proportion qu'en France (+12,1%), tout en créant aussi peu d'emplois (43 600 en quinze ans), le nombre de chômeurs aurait augmenté de 372 500 et le taux de chômage réel serait devenu 24,0 % de la nouvelle population active (après son augmentation). Comme l'on voit, le succès apparent du Danemark ne doit rien à la flexicurité, mélange de flexibilité et de sécurité (discours bien connu). En fait, le modèle danois n'a aucun mérite pour résoudre le problème du chômage, une fois enlevés les artifices qui cachent le chômage réel et encore moins en tenant compte de la démographie de l'emploi. Pour une population totale en 2004 de 5 397 600 habitants et une population active de 2 766 300 personnes au Danemark contre 60 200 000 habitants et 27 447 000 personnes actives en France, le rapport est de un à onze et de un à dix respectivement, les structures démographiques et les taux d'activité étant différents entre les deux pays. Mais ces différences ne suffisent pas pour comparer les résultats obtenus par le modèle social danois et par le modèle social français dans le domaine du chômage. Pour une comparaison rigoureuse et honnête, il faut tenir compte de l'évolution de la population d'âge actif et de la population active de chaque pays. La nécessité de créer ou de maintenir des emplois n'est en effet pas la même lorsque la population active diminue (Danemark) et lorsqu'elle augmente (France). Comparé à la France, le Danemark est un petit pays, équivalent à la région Rhône-Alpes en superficie et en population. Mais, si sa population d'âge actif a augmenté de 3,9 % au cours des quinze dernières années, sa population active (ayant un emploi ou au chômage) a diminué de 1,2 %, du fait d'un recours très massif aux préretraites et de congés divers (parentaux, éducatifs, ...). Une intéressante étude "Danish Labour Market Policy since 1994" (Politique danoise du marché du travail depuis 1994) a été publiée en 2000 par Henning Jorgensen, du centre Carma de l'université d'Aalborg au Danemark. Celui-ci dit en particulier : "Il est important de noter que l'un des secrets derrière la réduction du chômage au Danemark depuis 1994 est que les participants des mesures actives de marché du travail ne sont pas enregistrés comme chômeurs dans les statistiques officielles." [en gras dans le texte] Cela est d'autant plus important que l'essentiel des mesures "actives" consiste en congés parentaux, sabbatiques ou autres, et surtout en préretraites massives (dix à douze fois plus qu'en France en proportion de la population). En 1998, selon cette étude 680 000 personnes étaient retirées du marché du travail : 226 000 de façon temporaire (congés parentaux et autres, aide sociale, formation, emplois aidés), 181 000 en préretraite et 273 000 en invalidité (dont une partie de faux invalides). En effet, depuis la récession de 1981-1982, de nombreuses personnes ont été mises en invalidité pour des raisons sociales, non médicales, mais il est difficile d'en connaître exactement le nombre. Cependant, cette étude dit bien : "Pendant la récession des années 1980, un nombre significatif de personnes ont été exclues du marché du travail au moyen, par exemple, de pré-pensions [d'invalidité]. Les personnes sont maintenant enfermées dans le système d'aide sociale, en dehors du marché du travail et ont perdu les qualifications pour réintégrer le marché du travail". Au Danemark en 2004, pour un nombre officiel de 176 400 chômeurs, 268 300 personnes étaient enregistrées dans les "mesures de marché du travail" (labour market policy measures), des préretraites pour l'essentiel.. Le chômage réel était donc de 444 700 personnes. La population active étant de 2 766 300 personnes, le taux de chômage officiel était de 6,38 %. Mais, en réintégrant les 268 300 faux inactifs (préretraités ...) dans la population active, celle-ci devenait 3 034 600 personnes et le taux de chômage réel 14,65 %. Ce taux est un minimum, car ne prenant pas en compte les "invalides" pour raisons sociales. En France en 2005, pour 2 420 000 chômeurs au sens de l'Anpe (catégorie Defm 1) et 2 717 000 chômeurs au sens de l'Insee, le nombre réel de chômeurs en équivalent temps plein était de 4 092 000, soit un taux de chômage réel de 14,53 % (compte tenu de la correction sur la population active) . Pour rester comparable aux données danoises, l'équivalent en chômage des emplois à temps partiel n'est pas pris en compte ici. Voir l'article Chômage officiel et chômage réel en 2005 sur ce même site. Le nombre de préretraites (Early retirement pay and transitional allowances) est passé au Danemark de 138 200 en 1995 à 187 200 en 2004 (dont 7 100 progressives). A elles seules, les préretraites représentent plus que le chômage officiel et 6,78 % de la population active. En France, le nombre de préretraites est en diminution, après un maximum de 238 000 en 1997. En 2004, le nombre de préretraites est de 162 000, dont 42 000 progressives, tous dispositifs confondus : Asfne, Prp (progressives), Arpe, Cfa, Cats et Caata (Source : Dares, Pips - de son côté, le Bmst se limite aux préretraites liées aux restructurations et en compte environ 50 000 de moins). L'ensemble des préretraites et des dispenses de recherche d'emploi (DRE), soit 570 000 personnes, représente 21,0 % du chômage officiel (Insee) et 2,07 % de la population active.
Le chômage (source administrative) devrait correspondre à la différence entre la population active et l'emploi total (source statistique). L'écart est du à des séries non homogènes entre elles.
Le chômage est celui au sens de l'Insee (et du BIT), un peu différent de celui de la catégorie Defm1 de l'Anpe, mais homogène.
Le modèle français est le plus honnête en matière de chômage, ou le moins habile pour en cacher l'étendue, comparé au modèle danois, anglais ou hollandais. Le recours aux préretraites massives est utilisé au Danemark, l'invalidité pour raisons sociales (sans réelle invalidité médicale) est la mesure principale en Angleterre (Royaume-Uni) et aux Pays Bas, ce qui n'empêche pas l'utilisation d'autres mesures pour cacher l'importance du chômage. Dans ces trois pays, le chômage réel est de deux à trois fois plus important que le chômage officiel et se trouve comparable au chômage réel en France. Si le taux d'activité est plus élevé au Danemark, cela s'explique beaucoup par un biais statistique. L'apprentissage et la formation en alternance ont une grande importance et ces scolarités à temps partiel sont liées à une activité professionnelle. Au Danemark, environ 60 % des jeunes de plus de quinze ans en formation initiale occupent un emploi et sont donc comptés dans la population active. En France, c'est l'exception pour les lycéens et un faible pourcentage pour les étudiants. Et aussi, le recours aux emplois à temps partiel est plus important au Danemark (21,6 % contre 17,2 % en 2005). Quelques autres précisions doivent être données à propos du Danemark, concernant le taux d'allocations chômage, le coût du travail et le nombre effectif d'heures travaillées. Pour les personnes qui ont cotisé à l'assurance chômage facultative, gérée par les syndicats de salariés (cela compte beaucoup pour le taux de syndicalisation), l'indemnité de chômage est de 90 % du salaire net antérieur (plafonné à 3 335 DKK par semaine en 2006) et pour une durée de quatre ans dans le meilleur des cas (durée de cotisation suffisante, pas de périodes de chômage antérieures). Cela correspond à un maximum de 14 452 couronnes danoises ou 1 937 euros par mois. Pour un salaire moyen estimé à 2 750 euros par mois, le taux d'indemnisation devient égal à 70,4 % et ce taux diminue avec l'importance du salaire. Mais le coût de la vie et les impôts sont plus élevés au Danemark qu'en France, il faut en tenir compte pour comparer entre les deux pays. Pour les 20 % de personnes n'ayant pas d'assurance chômage, l'aide sociale (équivalente au Rmi) est sans limite de temps mais beaucoup plus faible. En 2004 au Danemark, le coût horaire du travail (moyen, toutes catégories) est de 228,48 DKK (= 30,63 euros) pour un salaire net de 159,40 DKK (= 21,37 euros). La conversion est faite avec un taux de change de un euro pour 7,46 couronnes danoises (DKK - cours pivot). A titre indicatif, selon l'édition 2005-2006 des Tableaux de l'économie française (Insee), le coût horaire de la main d'œuvre en 2003 est de 27,7 euros en France, 30,3 euros au Danemark, 27,9 en Allemagne, 26,8 aux Pays Bas, 23,6 au Royaume Uni (Angleterre), 30,4 en Suède ... et seulement 4,7 euros en Pologne et 2,4 en Lettonie. Une comparaison sérieuse de la durée du travail se fait à partir du nombre moyen d'heures effectivement travaillées par l'ensemble de la population ayant un emploi (l'horaire constaté variant beaucoup d'une profession à l'autre et d'une région à l'autre) et pas de l'horaire officiel de travail à plein temps, peu significatif. En 2004 au Danemark, le nombre d'heures travaillées est de 4 148,7 millions par an pour 2 685 200 personnes employée (et 3 015 200 emplois car 12,3 % de personnes cumulent deux emplois à temps partiel). Cela représente 1 545 heures par an et 34,3 heures par semaine pour chaque personne ayant un emploi (1 376 heures/an et 30,6 heures / semaine par emploi). En France, la durée effective du travail est de 36,3 heures par semaine pour l'ensemble des travailleurs : 39,0 heures pour le travail à temps complet et 23,2 heures pour le travail à temps partiel. La durée officielle de 35 heures par semaine n'a rien à voir avec la réalité mesurée par les enquêtes emploi de l'Insee. Voir aussi l'article Durée du travail : 32 heures en Angleterre sur ce même site. Enfin, le Danemark produit et exporte du pétrole et du gaz, ce qui arrange beaucoup les finances publiques et permet de payer un nombre considérable de préretraites pour faire baisser le chômage apparent en diminuant la population active. BIT : Bureau International du Travail BMST : Bulletin mensuel de statistiques du travail DARES : Direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques INSEE : Institut national de la statistique et des études économiques |
France Durée du travail : apparences et réalités, France et autres pays Chômage officiel et chômage réel en 2005 et 1996 Le chômage réel en 1996 et en 2005 Gains de productivité du travail - 1997-2003 Des mythes autour de l'emploi Evolution de l'emploi en France : 2002 - 2007 Cinq ans d'emploi du secteur privé en France : 2001-2005 La population active de 2005 à 2050 et 1995 à 2040 Grande Bretagne Plus d'emplois créés en France qu'en Angleterre en 15 ans Durée du travail : 32 heures en Angleterre Le modèle libéral britannique : emploi et chômage Danemark Danemark et chômage : le modèle danois n'a aucun mérite Le modèle danois : beaucoup d'emplois publics Droit du travail Coût du licenciement en CDI (à venir) Commentaire sur le CNE et le CPE |