Pour l’arrêt du génocide à Gaza : la mobilisation étudiante prend une ampleur inédite

mardi 14 mai 2024.
 

Gaza. Aux quatre coins du globe, depuis plusieurs semaines, les étudiants de toutes nationalités se mobilisent sur leurs lieux d’études pour dénoncer le génocide en cours à Gaza. Sur les campus, les assemblées générales, les rassemblements et les occupations fleurissent chaque jour. Le cessez-le-feu, la paix et le respect du droit international : leurs revendications sont claires, et leurs modes d’actions pacifiques mais déterminés.

Après des semaines de mobilisations dans les universités les plus prestigieuses des États-Unis – Harvard, Columbia, UCLA…, en France, c’est Sciences Po Paris qui a donné le ton dès le mercredi 24 avril. Plus de 400 étudiants ont occupé et bloqué l’université pendant plusieurs jours. Après avoir envoyé une première fois les forces policières déloger les étudiants à l’intérieur, la direction a finalement cédé à leurs revendications, face à la force du nombre. Cette première victoire étudiante a agi comme une détonation dans le pays. Le soir même, les étudiants mobilisés ont partagé un communiqué appelant à étendre la mobilisation partout en France.

Leurs camarades ont répondu présents. Depuis le début de la semaine, des dizaines de facultés en France sont entrées dans la mobilisation, à Paris comme en province. En première ligne du mouvement pour la paix, les étudiants appellent tous les secteurs de la société à les rejoindre. Et c’est déjà partiellement le cas : lycéens, travailleurs, quartiers populaires, etc. Le soutien à leur mobilisation est massif et risque de se propager davantage dans les jours à venir. Et ce, malgré la répression policière inédite qui s’abat sur le mouvement.

Un sursaut de mobilisation donc, alors que les manifestations en soutien à la cause palestinienne prospèrent à l’international depuis le mois d’octobre. La mobilisation étudiante pourrait bien agir comme le détonateur nécessaire à l’élargissement, et faire entrer le mouvement pour la paix dans une nouvelle phase. Notre article.

Aux États-Unis, les germes d’une mobilisation étudiante de masse

Tout a commencé à la mi-avril sur les campus américains. De Harvard (Boston) à Columbia (New-York) en passant par UCLA à Los Angeles, les universités deviennent le théâtre de protestations massives pour l’arrêt du génocide à Gaza. Les « campements en solidarité avec Gaza » – constitués de tentes disposées aux abords des campus – rassemblent plusieurs centaines d’étudiants pendant des jours et des nuits. Ils se sont intensifiés après que la police de New York ait violemment réprimé la mobilisation à Columbia le 18 avril, arrêtant plus d’une centaine d’étudiants de la prestigieuse université.

Depuis cette date, les campements ont fleuri partout à travers le pays. Nombre d’entre eux ont été interdits ou démantelés par la Police, à l’université d’Austin au Texas ou celui de Boston notamment. Le site palestineiseverywhere.com recense l’ensemble des campements aux États-Unis et à travers le monde : il en décompte actuellement 115 campements et 134 mobilisations. Sans compter les rassemblements de soutien éphémères et les assemblées générales étudiantes qui se multiplient partout.

Cette mobilisation désormais mondiale marche dans les pas des plus grands mouvements étudiants historiques, Mai 68 ou le mouvement anti-guerre du Vietnam. En solidarité avec Gaza, la jeunesse américaine renoue avec sa tradition contestataire et pacifiste. Aux États-Unis, les actions sont déjà décrites par tous, médias et spécialistes, comme « la plus importante mobilisation étudiante du XXIème siècle ». Elles s’inscrivent aussi dans la continuité de mobilisations plus récentes, Black Lives Matter en 2020 ou Occupy Wall Street en 2011 notamment. Le mouvement pour la paix et la justice en Palestine tient d’ores et déja une place élevée au sein de la longue tradition de mobilisation estudiantine.

Mustafa Al-Nomani, étudiant à l’Université de la ville de New York (CUNY), explique d’ailleurs : « Nous avons un droit sur nos universités en tant qu’étudiants. CUNY [Université de la ville de New York] a été un foyer de mobilisation étudiante constant depuis les années 60 et la guerre au Vietnam. Et maintenant, nous protestons contre un génocide en cours, qui bénéficie de l’aide des États-Unis ».

Aux États-Unis, plus de 100 campus dans près de 30 États différents sont actuellement mobilisés. Le Canada et ses plus grandes universités s’y mettent également. À l’autre bout du globe en Australie, les universités sont elles aussi en première ligne, de Sydney à Melbourne. Des campements ont aussi été recensés au Japon, en Inde mais aussi au Moyen-Orient avec le Liban, l’Égypte et d’autres encore. L’Europe commence elle aussi à entrer dans la danse, la France en première ligne.

Un message clair : stop au génocide à Gaza, stop à l’inaction complice

Ces millions d’étudiants à travers le monde se mobilisent pour porter une seule et même voix : celle de la paix et de la justice en Palestine. Se référant au droit international, les étudiants dénoncent le génocide à Gaza en s’appuyant sur les conclusions de la Cour Internationale de Justice et sur les rapports des Nations-Unies, particulièrement le rapport de Francesca Albanese, « Anatomie d’un génocide ».

Certaines demandes des étudiants visent directement leurs universités, et notamment l’arrêt des partenariats de leurs écoles avec des universités ou des entreprises israéliennes soutenant explicitement la politique génocidaire de Netanyahu. À Sciences Po Paris, les étudiants scandent : « Sciences Po, Sciences Po, you can’t hide, you support a genocide. Gaza, Gaza, don’t you cry, we will never let you die » [En français : Sciences Po tu ne peux pas te cacher, tu soutiens un génocide. Gaza, ne pleure pas, on ne te laissera jamais mourir]. Ils demandent eux aussi que cessent ces partenariats.

Mais la lutte des étudiants est bien plus large qu’une lutte localisée. Leurs revendications s’inscrivent surtout dans la mobilisation générale pour un cessez-le-feu et la libération de la Palestine de toutes les formes d’oppressions. Une lutte décoloniale, pour les droits humains et le respect du droit international qui dure déjà depuis des mois. Partout à travers le monde, on peut entendre Free Palestine ou Viva viva Palestina.

Dans l’hexagone, reprenant l’air des Gilets Jaunes, les étudiants scandent : « On est là, on est là, même si Macron ne veut pas nous on est là, pour l’honneur de la Palestine et tous ceux qu’on assassine ». Avec émotion et gravité, les étudiants scandent également : « Enfants de Gaza, enfants de Palestine, c’est l’humanité qu’on assassine. » Un cri du coeur contre le génocide, pire ennemi de notre humanité commune.

Les étudiants dénoncent aussi et surtout la complicité de leurs gouvernements avec le génocide en cours à Gaza. Le soutien actif des États-Unis, tout comme l’envoi d’armes à l’État d’Israël par Emmanuel Macron sont « une honte absolue » pour les étudiants qui ne veulent pas « détourner le regard des massacres commis ». Ils réclament la paix, et ont choisi de s’emparer de leurs lieux d’études pour clamer cette urgence.

Malgré la répression, le mouvement étudiant se propage

Répression policière, désinformation médiatique et diabolisation : face au peuple qui se soulève pour demander paix et justice, les gouvernements répondent d’une même voix. Aux États-Unis comme en France, la niveau de répression est inédit. À Columbia, les images des violentes arrestations par centaines ont été massivement diffusé sur les réseaux sociaux, choquant le monde entier. À Atlanta, la police a même reconnu avoir utilisé des « agents chimiques irritants » lors de ses arrestations sur le campus. De son côté, l’ONU s’est dite « très inquiète » des actions de la police sur les campus étasuniens et de leur « impact disproportionné » selon les mots du Haut-Commissaire de l’ONU aux droits de l’Homme, Volker Türk.

Niveau inédit en France aussi. Mercredi 24 avril, les CRS ont été autorisés à pénétrer dans l’enceinte même de Sciences Po pour déloger de force les étudiants rassemblés pacifiquement. Un précédent historique, « choquant et dangereux » dénoncent les étudiants. Le lendemain, les forces policières étaient à nouveau au sein de La Sorbonne pour arrêter et matraquer les étudiants mobilisés. De même à Sciences Po Toulouse, où les coups de matraques ont accompagné l’évacuation des jeunes sur place.


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