Palestine : « Le jour d’après » est-il en train de sombrer dans l’oubli ?

dimanche 12 mai 2024.
 

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« Le jour d’après » a été le mantra du gouvernement et des médias américains depuis le début du carnage à Gaza au cours des six mois qui ont suivi le 7 octobre. Le postulat de départ en est que le « processus de paix » ectoplasmique et la « normalisation » des relations israélo-arabes se mettraient en place sous les auspices des Etats-Unis une fois Israël serait parvenu à la défaire et à « détruire » la domination du Hamas dans la bande de Gaza.

Manifestation à New York contre la complicité de Washington dans la guerre d’Israël contre la Palestine. Les syndicats sont souvent présents lors de ces actions. Photo de la manifestation : Dan La Botz

En fait, la question qui se pose aujourd’hui est de savoir s’il y a un « jour d’après » tout court. Une demi-année de massacres de civils n’a pas abouti à la défaite du Hamas ni à la libération des otages israéliens - de ceux qui sont encore en vie - mais à l’anéantissement pur et simple de Gaza, peut-être à un tel point qu’il sera impossible de reconstruire, ce qui est de toute évidence l’objectif du gouvernement israélien.

La volonté du Premier ministre Nétanyahou de faire perdurer la catastrophe à Gaza, et non d’y mettre fin, était évidente bien avant l’attaque israélienne contre la mission diplomatique de l’Iran en Syrie et avant que les attaques de drones et de missiles iraniens du 14 avril, largement annoncées, ne fassent, comme on pouvait s’y attendre, que des dégâts minimes.

Against the Current est publié immédiatement après ces événements, avant que nous sachions si et dans combien de temps Netanyahou choisira de pousser plus loin la confrontation avec l’Iran, de manière à maintenir son gouvernement méprisé à flot et avec l’espoir d’entraîner la lamentable administration américaine de « Joe le génocidaire » dans une guerre de grande envergure.

Même avant les événements du week-end, ainsi que le faisait remarquer l’éminent journaliste israélien Amos Harel :

« Plus de six mois après le massacre du 7 octobre, Israël éprouve des difficultés à remporter une victoire militaire qui contrebalancerait stratégiquement une partie des ravages occasionnés par ce désastre, et est par ailleurs bien loin d’être en mesure de soulager la terrible détresse des familles des 133 otages (dont beaucoup sont morts) ». (Haaretz, 12 avril 2024)

Et maintenant ?

Après l’attaque iranienne, Joe Biden supplie Nétanyahou de « ramasser la mise » sans réagir davantage, soulignant que la riposte des forces multinationales qui ont abattu les drones et les missiles met en évidence la faiblesse relative de l’Iran.

C’est bien évidemment vrai. Il est également vrai que l’Iran a pris soin de prévenir les gouvernements de la région, sans même parler des services de renseignement, 72 heures à l’avance pour ne pas les surprendre et leur laisser le temps de se préparer. La priorité du régime iranien - comme celle de Nétanyahou - est sa propre situation intérieure. Il est en guerre avec sa propre population et la dernière chose dont il a besoin, c’est qu’elle souffre davantage.

Par ailleurs, si l’Iran avait réellement l’intention de provoquer des dommages de nature stratégique, il devrait recourir à des mesures extrêmes, notamment des frappes massives de missiles depuis le Liban et la fermeture du détroit d’Ormuz, ce qui constituerait une menace réelle d’embrasement total. Il est clair que l’Iran et les États-Unis veulent éviter cela. Mais est-ce le cas de Nétanyahou ?

Gilbert Achcar, dans un commentaire de l’action iranienne, affirme qu’« en lançant des centaines d’engins directement sur le territoire israélien, ils sont tombés dans le piège, légitimant ainsi une attaque israélienne directe sur leur propre territoire ... renforçant ainsi l’argument israélien en faveur d’une destruction préventive de leur propre potentiel. »

Achcar conclut : « A mon avis, il s’agit d’une erreur qui pourrait s’avérer aussi monumentale que celle que le Hamas a commise en lançant l’opération du 7 octobre 2023 ».

Parallèlement, les actes de sauvagerie sadique perpétrés par les forces israéliennes à Gaza, bien que peu médiatisés, sont impossibles à cacher entièrement, avec des conséquences bien sûr pour la population de Gaza, mais aussi pour Israël. Amos Harel les évoque ainsi :

« Le contrôle de l’état-major sur ce qui se passe sur le terrain et dans les postes de commandement ne cesse de s’affaiblir, ce qui se traduit par des déviations par rapport aux procédures et aux instructions... À cela s’ajoute l’indifférence croissante des Israéliens pour les vies humaines du côté palestinien. Ce phénomène, dont l’origine réside principalement dans les sentiments de vengeance que le massacre a suscités, est désormais devenu banal dans certaines unités de l’armée ».

Avec le temps, il est pratiquement inévitable que le génocide à Gaza et le nettoyage ethnique brutal en Cisjordanie aient des répercussions directes sur la société israélienne, comme nous l’avons vu aux États-Unis pendant et après la guerre du Viêt Nam, tout comme sur la crise politique potentiellement explosive qui refait surface actuellement. Quant à Nétanyahou lui-même, Harel conclut :

« Tout nous indique qu’il a l’intention de s’accrocher au pouvoir de toutes ses forces. Rien ne permet de penser qu’il se trouvera bientôt cinq courageux membres de la coalition prêts à lever la main pour le renverser. » Cet homme restera en poste et continuera à entraver toute possibilité pour l’État et la société de sortir de la situation calamiteuse dans laquelle nous nous trouvons et qui lui est largement imputable ".

L’attentisme cynique de l’impérialisme qui veut faire croire que l’influence américaine peut remodeler la Palestine et le Moyen-Orient « le jour d’après » le massacre appelle la question de savoir quand « l’après » arrivera, s’il arrive un jour.

David Finkel

https://www.europe-solidaire.org/sp...


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